Actes des colloques du CRI


  • La vie itinérante
    99/06/04

    De l'individu à l'environnement, la question des liens.


    Marc Perrault
    (Anthropologue)
    « Toxicomanie, "mobilité dangereuse" et vie de quartier»

Les figures de l'itinérance se transforment continuellement. À toutes les époques, on retrouve des formes intégrées d'indigence et d'autres, qui menacent l'ordre établi. Les nouvelles toxicomanies, qui sont en essor dans les métropoles de l'Occident depuis le début des années quatre-vingt, ont contribué à modifier une autre fois les visages de l'itinérance. Certains itinéraires de toxicomanies des populations marginales constituent une « mobilité dangereuse » qui affecte la vie des quartiers et renforce les dynamiques de l'exclusion. Dans la recherche de solutions aux irritants urbains, il importe de penser à des alternatives qui impliquent l'ensemble des acteurs sociaux, dont les habitants et les personnes marginales.



Toxicomanie et itinérance : un sujet usé et abusé

Le thème de la toxicomanie et de l'itinérance a été maintes et maintes fois traité (Mercier, 1996). De façon générale, les chercheurs s'entendent pour dire que les problèmes reliés à l'usage et à l'abus de drogues et d'alcool concernent une partie seulement des personnes itinérantes. Les pourcentages varient beaucoup d'une étude à l'autre, de 3 à 75 %, selon les profils des usagers, les types de problèmes identifiés, les substances et les modes de consommation. Les proportions augmentent en général en fonction de la précarité des conditions d'existence. Par exemple, parmi les sans-abri à Montréal, Louise Fournier a constaté « des prévalences de l'ordre de 74,2 % pour les problèmes de surconsommation d'alcool et de drogues » (ibid., p. 166).



On parle également de la toxicomanie comme une cause ou une conséquence de l'itinérance. Dans certains cas, c'est la toxicomanie qui précipiterait la personne vers la rue, dans d'autres, c'est le fait de se retrouver à la rue qui entraînerait la personne vers la bouteille ou les drogues. Peu importe, dans un cas comme dans l'autre, la consommation de psychotropes devient souvent l'ultime refuge de la personne. Les impératifs de la consommation constituent autant de points de repères qui organisent au quotidien l'univers des personnes toxicomanes. Il suffit cependant qu'un seul élément bascule pour que s'écroule le fragile équilibre de la vie construite autour de la consommation de drogue ou d'alcool.



Par ailleurs, il semble que le thème de la « maladie mentale » a supplanté aujourd'hui celui de l'alcoolisme et de la toxicomanie comme problème principal associé à l'itinérance (ibid., p. 187–188). Les itinérants avec des problèmes de consommation constitueraient une sous-population dont la condition est la plus détériorée parmi l'ensemble de la population itinérante. Le passage de la « toxicomanie » à la « maladie mentale » en ce qui concerne l'étiquetage global des personnes itinérantes n'est pas, selon moi, sans conséquence sur les représentations véhiculées autour de l'itinérance. En effet, il y a toujours un côté fatidique à la « maladie mentale ». N'importe qui peut en être affecté. De plus, elle frappe souvent sournoisement. Par contre, quand on parle d'alcoolisme ou de toxicomanie, le côté volontaire de la consommation est toujours présent dans les esprits. La responsabilité de l'acte de consommer reposerait sur les épaules de la personne toxicomane. Parce qu'elle choisit de consommer, cette dernière devrait aussi en assumer les conséquences.



Appliquée au monde de l'itinérance, la distinction entre la fatalité de la maladie mentale et la part de responsabilité attachée à la toxicomanie affecte, entre autres, la perception que la population générale peut avoir des formes d'assistance aux indigents. Si l'image du « pauvre malade mental » attire les sympathies et les compassions, celle du toxicomane qui a sombré dans la déchéance sociale à cause de son style de vie est plus souvent une source d'irritation et d'antipathie. Aux yeux de certains groupes de citoyens, il y aurait donc des itinérants qui méritent d'être aidés et d'autres, moins.



Une bonne et une mauvaise itinérance : un retour dans l'histoire

Dans son beau livre sur l'Histoire du vagabondage, José Cubero montre comment s'est enracinée dans le regard social la distinction entre les « vrais pauvres » et les autres qui seraient « inutiles au monde ». « Le Moyen Âge, explique-t-il, héritier de l'Antiquité chrétienne, avait reconnu la dignité du pauvre, image du Christ souffrant, mais aussi son utilité par son rôle d'intercesseur en faveur du riche. » Par contre, « lorsqu'une `mobilité déréglée' semble remettre en cause le rigide équilibre des hiérarchies sociales, le vagabond qui émerge se heurte au regard particulièrement sévère du pouvoir et de son bras justicier. » Le mendiant valide et errant « devient dans le meilleur des cas, un `inutile' qu'ordonnances et édits royaux ou initiatives municipales s'efforcent de chasser ou de mettre au travail » (Cubero, 1998, p. 83).



Cette « mobilité déréglée » dont parle Cubero survient dans des périodes de crise sociale, lors, par exemple, des famines ou des grandes épidémies, alors qu'un nombre incontrôlable de nécessiteux se retrouvent dans les villes et menacent l'ordre établi. Ou encore, « lorsque la mobilité personnelle et permanente devient un véritable mode de vie », le vagabond « brise l'ordre social et devient le porteur d'une inquiétante altérité ». Il devient alors un «sans aveu»  dépourvu d'appartenance communautaire »

(ibid., p. 47).

Si la mobilité est « déréglée » à partir d'un regard extérieur, de l'intérieur elle est en grande partie « réglée » autour des impératifs de la reproduction quotidienne.



Mobilité dangereuse et nouvelles toxicomanies

Pour ma part, j'utilise la notion de « mobilité dangereuse » pour parler de certains rapports qui peuvent s'établir entre l'itinérance, la toxicomanie et la vie de quartier. Par cette expression, je ne veux pas dire que l'itinérance est dangereuse, même si elle peut le devenir, mais je parle strictement de la mobilité qui est générée autour des nouvelles toxicomanies et qui s'enracine dans certains quartiers des grandes villes. Cette mobilité est dangereuse avant tout pour ceux et celles qui la vivent dans certaines conditions de précarité, mais aussi par extension pour la population de ces quartiers.



Ma communication porte, en fait, essentiellement sur la nature et les conséquences de cette mobilité construite autour des nouvelles toxicomanies. Comme chercheur, je me suis penché surtout sur les « itinéraires de toxicomanies » dans les milieux marginaux (Bibeau et Perreault, 1995). Ces itinéraires engendrent dans la ville de nouvelles formes d'errance. La croisée de ces itinéraires dans le tissu urbain constitue par moments, dans des endroits comme les piqueries, des carrefours où le monde de la rue et de la maison s'interpénètrent. Dans ces milieux précaires, la ligne de partage entre l'itinérance et les itinéraires de toxicomanies n'est pas toujours facile à délimiter.



Récession économique, quartiers de désoeuvrés et activités de drogues

Les nouvelles toxicomanies dont je parle apparaissent dans les métropoles de l'Occident au tout début des années quatre-vingt. Nous assistons alors à la démocratisation des drogues dures. En Amérique du Nord, la cocaïne, qui était autrefois réservée à une certaine élite, devient peu à peu une drogue de rue. Vers le milieu de cette décennie, la vente et la consommation du crack, un dérivé très puissant et à bon marché de la cocaïne connaît un boum fulgurant dans les ghettos américains. À Montréal, le phénomène du crack ne connaîtra pas le même engouement. Par contre, l'intérêt pour des modes de consommation plus expéditifs et plus puissants, tel que l'injection, s'accroît de plus en plus parmi les groupes les plus marginalisés de la population. Au lieu des crack house, ce sont les shooting galleries qui émergent un peu partout, et en particulier dans les quartiers ou les secteurs les plus défavorisés de la ville.



Il est important de se replacer dans le contexte social et économique de l'époque. L'année 1982 est par ailleurs fréquemment cité comme le début de la période de la récession. Les anciens quartiers d'ouvriers deviennent des quartiers de désoeuvrés. Les coûts des loyers sont en progression alors que le cadre bâti des immeubles se détériore. Les ouvriers ayant déserté les quartiers populaires, plusieurs logements deviennent vacants et sont laissés à l'abandon par les propriétaires.



Pendant ce temps, dans le tiers monde, la production de drogues touche des sommets jamais atteints auparavant. Dans ces pays, les « narcodollars » servent en grande partie à subventionner les guérillas locales. De puissants cartels se forment autour de l'industrie de la drogue. Les effets de l'offre et de la concurrence entraînent une chute dramatique des prix. Cette drogue est par ailleurs principalement destinée pour les marchés des villes occidentales.



À cette époque, la drogue devient le principal créneau d'activités des pègres locales. Plusieurs individus ont flairé l'occasion d'affaires et ce sont convertis au trafic de la drogue. La démocratisation de la cocaïne dans les milieux marginaux a entraîné une plus grande ouverture des réseaux de distribution. L'attrait du gain facile, en ces temps difficiles, a fait que plusieurs individus se sont improvisés revendeurs – pushers – en pensant trouver la richesse. Pour la majorité d'entre eux, le désenchantement a été grand. Plusieurs ont été piégés par la drogue elle-même, en devenant d'abord leur principal client et ensuite, comme beaucoup d'autres, un client « en manque ».



Injection de drogue, prostitution de rue et sida : les nouveaux visages de la pauvreté

Parallèlement à l'explosion de l'économie clandestine de la drogue dans les milieux marginaux, nous assistons dans les quartiers défavorisés à l'émergence de la prostitution de rue qui était autrefois principalement concentrée dans les secteurs chauds du centre-ville. Pour pouvoir consommer, il faut d'abord en avoir les moyens. La prostitution de rue s'avéra dans certains milieux, une des principales façons de financer la consommation de drogue. Lors d'une recherche, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, nous avions évalué à trois le nombre de prostituées nécessaires pour assurer le roulement d'une piquerie (Bibeau et Perreault, 1995).



La fin des années quatre-vingt correspond à la période où l'injection devient dans les milieux marginaux québécois la voie royale par laquelle on consomme les drogues dures. C'est aussi la période où la santé publique commence à prendre conscience qu'il existe une corrélation entre le sida et les milieux précaires de vie. Après le milieu gay, le milieu des injecteurs de drogue devient une des principales cibles d'intervention pour la prévention du sida. Au début des années quatre-vingt-dix, les premiers sites d'échange de seringues sont implantés au centre-ville de Montréal (CACTUS) et de Québec (POINTS de REPÈRE) d'abord sous la forme de projet-pilote.



Avec l'émergence de l'injection de drogue, de la prostitution de rue et du sida se profilent de nouveaux visages de la pauvreté et de l'itinérance.



Points de repères de la consommation et vecteurs de mobilit
é

Règle générale, l'organisation de la consommation de drogue ou d'alcool implique un certain nombre de trajets de la part de l'usager à moins que ce dernier ne réussisse à se faire livrer tout ce dont il a besoin. Ces trajets peuvent avoir lieu sur un petit territoire – un tronçon de rue, un quadrilatère – ou bien ils peuvent se dérouler sur plusieurs quartiers. Lorsqu'il advient d'évaluer l'impact de cette mobilité sur les milieux de vie, il importe de distinguer, pour chaque situation, les moyens de déplacement ainsi que la capacité et la nécessité de se déplacer de la personne. Il est certain que le promeneur qui se rend à pied de sa voiture à une terrasse ne vit pas du tout la même chose que le cocaïnomane « en manque » qui court entre la rue, le site d'échange de seringues et la piquerie pour aller au plus vite s'injecter sa dose.



La mobilité des usagers de drogue s'organise dans l'espace-temps autour de trois étapes ou, si l'on préfère, autour de trois principaux points de repère, soit (1) le lieu de résidence (s'il y en a un, mais cela peut être aussi un refuge quelconque), (2) le financement de la consommation et (3) les indispensables de la dynamique de consommation que sont le lieu, la substance et tout le matériel nécessaire (seringue, eau, cuillère, etc.).



Les itinéraires de la consommation varient selon les personnes, les moments du jour, du mois et de l'année. Dans le sillage de ces parcours divers se créent différents rapports avec les quartiers ainsi que différents types de problèmes.



La mobilité des usagers ainsi que les rapports que ces derniers établissent avec les lieux et les autres personnes participent de la mouvance constitutive des quartiers. Aussi, les conditions dans lesquelles se réalisent les itinéraires de toxicomanies se reflètent sur la vie de ces quartiers. Plus la mobilité est dangereuse au niveau des risques personnels, plus les mises en situation de risque au niveau de la population ordinaire augmentent.



Or, plus la nécessité de se déplacer est grande (ou que l'accès aux substances et à du matériel sécuritaire est limité) et que la capacité réelle de déplacement est restreinte, plus les risques personnels liés à la consommation augmentent. Les risques croissent également de pair avec le degré de dépendance aux autres et l'instabilité des milieux. La notion de distance est ici relative : il ne s'agit pas du nombre de kilomètres parcourus qui compte mais des conditions dans lesquelles se fait ou non la mobilité. À noter que c'est lorsque cette « mobilité dangereuse » s'immobilise et qu'elle grossit qu'elle devient plus menaçante pour la population des quartiers.



Ancrages des toxicomanies dans les quartiers

Par ailleurs, en prenant l'exemple des milieux marginaux, nous pouvons distinguer trois principaux points d'ancrage des itinéraires de toxicomanies dans les quartiers : (1) les marchés ; (2) les paradigmes (modèles et pratiques) de consommation ; (3) les sources de financement (et de subsistance). L'exemple des milieux marginaux est révélateur dans le sens où il est une loupe grossissante de ce qui est commun, à divers degrés, à tous les milieux d'usagers. Il nous oblige toutefois à inclure les modes de financement de la consommation comme une étape incontournable des parcours de toxicomanie, alors que ceux-ci sont plus ou moins déterminants en contexte de non-précarité financière. Il nous force à distinguer d'une part, les types de déviance qui sont associés à l'institution des marchés et des activités de drogue sur le territoire, et, d'autre part, les types de déviance qui sont associés aux pratiques de consommation et aux activités de financement. Or, si les activités criminelles de drogues constituent littéralement une « bombe » prête à exploser en tout temps qui menace la population, force est de constater que les principaux irritants urbains liés à la toxicomanie dans les quartiers concernent davantage les pratiques et les modes de financement des individus marginaux.



Il est important d'être conscient que chaque point d'ancrage des toxicomanies dans les milieux génère des formes différentes de marginalité qui peuvent ne pas avoir de véritables connexions entre elles, autres que les impératifs de la consommation.



Le quartier : espace public commun et privatisation des pratiques

Mais à quoi fait-on allusion lorsqu'on parle de « vie de quartier » ? Un quartier est constitué physiquement de rues, de places, de parcs, d'immeubles, de commerces et plus encore. Mais un quartier c'est, d'abord et avant tout, un espace géographique où différents groupes de population cohabitent, travaillent, consomment ou ne font que passer. La vie de quartier constitue, en quelque sorte, la face la plus visible de la vie en communauté. Les quartiers d'aujourd'hui ont pris peu à peu la place des paroisses d'autrefois dans les représentations populaires. Le passage de la paroisse au quartier est par contre synonyme d'une certaine individualisation entre les habitants. On connaît de moins en moins ses voisins. La référence au quartier est plus souvent qu'autrement symbolique. Pour plusieurs personnes la connaissance du quartier se limite à quelques rues et à quelques endroits très spécifiques.



Si le quartier constitue théoriquement un espace public commun, dans les faits, chaque usager du quartier développe avec celui-ci un rapport privé. « Du fait de son usage quotidien, le quartier peut être considéré comme la privatisation progressive de l'espace public. C'est un dispositif pratique dont la fonction est d'assurer une solution de continuité entre ce qui est le plus intime (l'espace privé du logement) et ce qui est le plus inconnu (l'ensemble de la ville ou même, par extension, le reste du monde) ». Le quartier est en quelque sorte « un accroissement de l'habitacle ». Il offre à chaque usager la possibilité « d'insinuer dans la ville une dissémination de trajectoires greffées sur la sphère privée » (Mayol, 1980, p. 19).



Il existe, il va s'en dire, autant de façon de vivre ce lien privé avec le quartier qu'il y a d'usagers. Les rapports d'un commerçant avec un quartier ne sont pas, par exemple, les mêmes que ceux qu'établissent les personnes itinérantes ou ses habitants. La privatisation de l'espace public a une signification différente pour chacun de ces usagers. Or, les irritants urbains émergent surtout lorsque les pratiques privées d'un groupe empiètent sur celles des autres. Aussi longtemps que ces groupes vivent dans l'indifférence ou qu'ils s'ignorent l'un et l'autre, il n'y a pas, en théorie, de véritables problèmes.



Le hic est que certains groupes de personnes sont a priori exclus de la réalité intrinsèque des quartiers. Ils sont vus comme une sorte de « gangrène sociale » que d'autres groupes souhaitent carrément éliminer du paysage urbain. Ces indésirables constituent dans les quartiers en quelque sorte une « étrangeté dérangeante ». La figure de cet étranger, parmi nous, dérange, d'autant plus, lorsqu'elle est jeune et qu'elle a choisi de se marginaliser du système dominant.



La visibilité et la précarité de la « mobilité dangereuse » constituée autour de la toxicomanie accentuent davantage le processus d'exclusion de certains groupes de la vie des quartiers.



L'importance d'une approche globale et non ségrégationniste

La réponse la plus simple et la plus souvent envisagée pour enrayer les irritants urbains est l'élimination de la source du problème. Pour ce faire, on s'attaque d'habitude directement aux groupes dont les pratiques sont perçues comme nuisibles. Une approche strictement répressive dispose par contre de très peu de moyens mis à part les sanctions légales et le déplacement des indésirables vers d'autres secteurs. Avec l'un ou l'autre de ces moyens, les problèmes ne font que s'accroître.



D'autres croient qu'en aménageant les espaces urbains et en revitalisant les quartiers, ils trouveront une partie de la solution aux irritants urbains. Selon les tenants d'une telle approche, en n'ayant plus de lieux propres auxquels ils peuvent s'identifier et où aller, les populations marginales disparaîtront des quartiers. Or, dans les faits, ces populations seront tout simplement plus isolées et repoussées vers d'autres zones de précarité.



Un développement urbain conçu essentiellement dans l'intérêt des promoteurs et qui va à l'encontre des populations marginales s'avère ni plus ni moins qu'une autre forme de contrôle social qui s'inscrit dans l'esprit de la répression. Aussi, il est important que les usagers, les groupes marginaux et les habitants puissent avoir leur mot à dire dans toutes ces formes de « projet de revitalisation » qui compromettent leur présence dans les quartiers. D'où l'importance d'avoir une politique d'intervention non ségrégationniste qui inclut tous les groupes de citoyens.



Citoyens de la rue et lieu privé de consommation

Un des plus grands défis à relever afin de résorber les problèmes engendrés par la « mobilité dangereuse » de la toxicomanie est la question des lieux de consommation. En effet, les aspects visibles de la consommation constituent une des plus grandes sources d'irritation au niveau des quartiers, tandis que l'absence de lieux sécuritaires de consommation est un des principaux facteurs de risque pour les usagers de drogue. Or, pour un bon nombre de ces usagers, le monde de la rue représente leur seul véritable espace privé alors que la désintégration urbaine constitue leur ultime possibilité de refuge. En ayant des lieux propres de consommation, autres que la rue, il est certain qu'une partie des irritants urbains liés à la mobilité dangereuse de la toxicomanie serait réglée. En ce sens, des initiatives telles que le « logement social » s'avèrent des pistes de solution qui doivent être développées. Il faut éviter, par contre, que de telles mesures contribuent à isoler les personnes marginales de leurs réseaux d'identification habituels, ce qui, en bout de ligne, risque de leur causer plus de tort que de bien.



Enfin, le défi commun consiste à repenser la dynamique de la vie de quartier sur l'horizon de la reconnaissance et du respect des pratiques privées de l'ensemble des groupes incluant celles des citoyens de la rue.



Références citées

Bibeau, Gilles et Marc Perreault. 1995. Dérives montréalaises à travers des itinéraires de toxicomanies dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Montréal : Boréal.
Cubero, José. 1998. Histoire du vagabondage du moyen âge à nos jours. Paris : Imago.
Mayol, Pierre. 1980. « Habiter » In L'invention du quotidien. 2. Habiter, cuisiner. Sous la dir. de Giard, L. et Mayol, P. Paris : Union générale d'éditions, p. 11–146.
Mercier, Céline. 1996. « Toxicomanie » In Sans domicile fixe. Au delà du stéréotype. Sous la dir. de Louise Fournier et Céline Mercier, Québec : Méridien, p. 163–200.




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