Résumé
Comment peut-on
réussir une collaboration qui soit satisfaisante
pour toutes les parties impliquées ?
Existe-t-il des conditions qui facilitent les
relations?
À l'aide du témoignage de M. Breton, un
marchand qui a pignon sur rue, nous tenterons
d'explorer certaines de ces conditions. Introduction
M. Guy Breton [1], artisan, qui vend des bijoux comme
marchand de rue sur Ste-Catherine, m'a fait part
d'une expérience de collaboration vécue avec un
autre membre de la communauté. Soit, un
itinérant du Cantre-Ville.
Depuis un certain temps, M.
Breton entretenait une relation amicale avec M.
Jean Rivard, un mendiant qui
quêtait sur le coin de
rue opposé à son kiosque. Un jour, ce dernier
disparaît en emportant le portefeuille de la
fille de M. Breton laquelle avait laissé son sac
à main dans le kiosque.
M. Breton trouvait
regrettable que cet homme soit privé de son coin
de rue et ainsi, de son lieu d'appartenance.
Selon M. Breton, cet espace représentait plus
qu'un gagne pain : c'était le lieu de
socialisation de cet homme.
M. Breton a fait rechercher
Jean par ceux qui le connaissaient afin de lui
parler, de récupérer l'argent et aussi pour lui
permettre de revenir sur son coin de rue.
Lors de cette
rencontre, Guy a expliqué à Jean que sa fille
ne pouvait se permettre de perdre un tel montant.
Il lui a demandé s'il connaissait une façon de
régler le problème. Ce dernier lui a suggéré
de payer un petit montant au début de chaque
mois. Malgré quelques retards, l'entente a été
respectée et Jean a pu réintégrer son lieu
d'appartenance, son coin de rue.
Reprenons maintenant
l'exemple de l'expérience de collaboration entre
Guy (M. Breton) et Jean (M. Rivard) en illustrant
chacune des conditions d'une bonne collaboration.
Les conditions d'une
bonne collaboration (étape 1)
- Établir une relation
et montrer qu 'elle est importante.
- Se mettre à la place
de l 'autre. Bien écouter pour
entendre.
- Comprendre les
intérêts derrière les positions.
- Trouver les intérêts
communs.
Établir une relation
et montrer qu'elle est importante
Guy a établi une relation avec Jean et il lui a
signifié que cette relation était plus
importante que le problème.
Se mettre à la place
de l 'autre. Bien écouter pour entendre
Guy s'est mis à la place de Jean pour comprendre
ce qu'il perdait en quittant son coin de rue. Il
a aussi écouté Jean lorsque ce dernier lui a
expliqué qu'il ne comprenait son geste et qu'il
le regrettait.
Comprendre les
intérêts derrière les positions
Jean avait un besoin
de consommer , mais avant
tout il a besoin de son milieu d'appartenance.
Guy voulait récupérer l'argent, mais il
désirait aussi que son milieu de vie demeure
convivial et sécuritaire. Si ce dernier ne
s'était tenu qu'à la position je
veux mon argent un point c'est tout ,
il aurait téléphoné à la police. Et, fort
probablement qu'il n'aurait jamais revu ni son
argent ni Jean et, le
milieu lui serait devenu
hostile.
Trouver les
intérêts communs
Comme intérêts communs, on peut dire que tous
deux voulaient vivre en harmonie et en paix dans
cet espace urbain.
Les conditions d'une
bonne collaboration (étape 2)
- Séparer le problème
de la personne.
- Séparer le différend
de la relation.
- Etre ferme sur la
question débattue et être conciliant
avec les personnes.
- Viser des solutions
gagnant-gagnant .
Séparer le problème
de la personne
Guy aurait pu considérer Jean comme un voleur et
un sale traître. Cependant, celui-ci a plutôt
considéré cet événement comme s'il s'agissait
d'une erreur réparable et non pas comme si le
geste de Jean le caractérisait de façon
permanente comme un voleur. Il a donc séparé le
geste de la personne.
Séparer le
différend de la relation
Il y avait le problème et de l'autre côté, la
relation. Le fait que cette dernière ayant été
plus importante que le différend a permis de
trouver un arrangement et de maintenir la
relation.
Etre ferme sur la
question à débattre et conciliant avec les
personnes
Pour Guy, il n'était pas question de perdre le
montant d'argent et ainsi, de se sentir lésé.
Il ne voulait pas non plus briser la relation et
sur ces deux points, il a été ferme.
Viser des solutions
gagnant-gagnant
Tous ont été gagnants. Jean a fait amende
honorable, il est retourné dans son milieu et il
a constaté qu'il était possible de réparer une
erreur. Guy a pu, de son côté, récupérer
l'argent et rembourser sa fille.
Les conditions D'une
bonne collaboration (étape 3)
- Sauver la face
et ne pas la faire
perdre .
- Intéresser
l 'autre en le faisant participer au
déroulement de la négociation.
- Oublier le passé et
se tourner vers l 'avenir.
Sauver la face
et ne pas la faire perdre
Guy ne s'est pas senti lésé et Jean pouvait
décider de la façon de réparer son geste.
Intéresser l'autre en
le faisant participer au déroulement de la
négociation
En demandant à Jean de trouver la solution pour
résoudre ce problème, Guy lui a donné la
responsabilité et l'initiative de participer à
la négociation.
Oublier le passé et
se tourner vers l'avenir
En considérant l'événement clos et réglé, le
lien de confiance entre les deux parties s'est
rétabli. Sans ce lien, la relation serait
devenue tendue et finalement impossible.
LES CONDITIONS D'UNE
BONNE COLLABORATION dans d 'autres contextes
- La sécurité privée.
- D 'institution à
institution. Du communautaire à
l 'institution vice-versa.
La sécurité privée
Dans le cadre du
projet Dialogue, des formations ont été
données aux agents de sécurité. En respectant
les principes énoncés, les agents semblent plus
confortables dans l'exercice de leurs fonctions.
De cette façon, ils créent des liens,
respectent la personne, comprennent les besoins
et la vision des itinérants. Tout en demeurant
conciliants avec les gens, ils demeurent fermes
dans leurs négociations.
Un de ses agents
expliquait qu'un jeune itinérant venait le voir
la nuit et faisait la
round avec lui. Peu à
peu, un climat de confiance s'est installé.
Durant les mois d'hiver, le gardien laissait ce
dernier dormir à condition qu'il libère cette
place pour une certaine heure. Après un certain
temps, le gardien a référé ce jeune itinérant
pour une cure de désintoxication et, celui-ci
s'est rétabli.
D'institution à
institution. Du communautaire à l'institution et
vice-versa
Dans certain cas, les institutions se réfèrent
des clients sans se connaître et sans avoir
établi une relation de personne à personne.
Certains désaccords
peuvent alors survenir et stigmatiser
l'institution : les maudits CLSC ou
organismes communautaires. Par contre,
lorsque les transactions sont faites après avoir
établi une relation avec la réceptionniste,
c'est-à-dire en s'adressant à la personne et
non pas à une identité abstraite, la
négociation est beaucoup plus aisée surtout en
cas de conflit.
Cette même règle
s'applique lors des relations d'institution à
institution.
LES CONDITIONS D'UNE
BONNE COLLABORATION ET SES Bienfaits
Considérer
l 'autre dans sa négociation et ses
avantages
- S 'assurer
d 'être bien entendu en entendant
l 'autre.
- Rendre la situation
plus humaine et
personnalisée.
- Augmenter les chances
de voir ses intérêts servis et la
relation s 'améliorer.
S'assurer d'être bien
entendu en entendant l'autre
On peut voir dans les exemples précédents,
qu'être dans une position d'entendre l'autre est
crucial. Si j'ai l'impression que l'autre ne
tienne pas compte de moi et de mes intérêts, je
serai fermé à tout ce qui vient de lui. Par
contre, si j'ai l'impression d'avoir été
entendu et compris, je deviens disponible à
écouter à mon tour.
Rendre la situation plus
humaine et personnalisée
Dans tous les exemples cités le fait d'apprendre
à connaître l'autre et
de créer une relation permet d'humaniser le
processus de négociation.
Augmenter les chances
de voir ses intérêts servis et la relation
s'améliorer
Au lieu de perdre , en
visant des solutions
gagnant-gagnant , nous
risquons non seulement de voir nos intérêts
mieux servis mais aussi d'améliorer nos
relations. Ce dernier élément pouvant servir à
faciliter de futures négociations.
Dans l'exemple de Guy et
Jean, on contaste que non seulement Guy a
retrouvé un climat amical, mais la relation
entre les deux personnes s'est approfondie ainsi
que la relation avec les autres mendiants du
coin.
Conclusion
Pour résumer, plusieurs pistes peuvent être
explorées. On peut commencer par essayer
d'appliquer les principes énoncés plus hauts et
si ça ne fonctionne toujours pas, on peut :
- Se fixer des critères
objectifs.
- Faire appel à un
négociateur.
- Trouver la meilleure
solution de rechange.
- Si tout échoue,
quitter la relation.
Il n 'existe
malheureusement pas de recette-miracle pouvant
tout régler. L'ordre des étapes selon
lesquelles les conditions d'une bonne
collaboration sont énumérées dans ce texte
n'est pas nécessairement celui qui prévaut lors
de toutes les circonstances de négociations.
Elles sont plutôt présentées selon la
séquence de l'événement choisi en exemple.
Tout différend exige un travail et une volonté
de changement. Par contre, un conflit peut aussi
devenir l 'occasion de faire éclater
l 'abcès et
permettre d 'améliorer ou d'approfondir la
relation en nommant le non-dit [2].
notes
[1]. Les noms des personnages, Guy
Breton et Jean Rivard, sont fictifs.
[2]. Qu 'arrive-t-il quand les
intérêts semblent irréconciliables? Je
vous renvoie ici à un livre duquel j'ai tiré
ces principes, Comment réussir une
négociation, de Roger Ficher/William Ury et
Bruce Patton aux Éditions Seuil, Paris 1982.
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