Les États-Unis et les enjeux de
l'intégration économique dans les Amériques
Dorval Brunelle et Christian Deblock
Départements de sociologie et de sciences politiques,
Université du Québec à Montréal.
"The U.S. has the world's most diverse and efficient capital markets, which
reward, and even celebrate, risk-taking. Anyone with an invention and a garage
can hope to raise millions overnight (...) It has multiple economies, with a
single currency, on a single continent that looks to both the Pacific and the
Atlantic.
And most important, its big multinational companies and little entrepreneurs
think globally and excel in almost everything that is post-industrial :
software, computing, package delivery, consulting, fast-food, amusement parks,
advertizing, media, entertainment, hotels, financials services, environmental
industries and telecommunications.
Globalization is us."
Thomas L. Friedman, New York Times, 9 février 1997
Dans les pages qui suivent, nous entendons présenter le cadre
général à l'intérieur duquel s'inscrivent
désormais les processus d'intégration économique dans les
Amériques. À cette fin, nous avons partagé l'analyse en
trois parties ; la première est consacrée à un bref survol
historique de l'intégration en Amérique latine, tandis que la
deuxième porte sur l'enjeu de l'intégration à l'heure
actuelle vu depuis les États-Unis et que la troisième reprend les
mêmes questions et enjeux à la lumière des engagements
souscrits par les 34 partenaires lors du Sommet de Miami tenu en
décembre 1994.
* Le panaméricanisme, en tant que projet politique de
rapprochement entre les pays des trois Amériques, représente une
initiative à la fois originale et déjà ancienne; elle est
originale, en ce sens que le projet mené à l'instigation de Simon
Bolivar de réunir à Panama le premier congrès
panaméricain représente sans doute une initiative unique au monde
dans le contexte de l'époque, et elle est déjà ancienne
puisque c'est le 19 juin 1826 que les parties signeront un traité
reconnaissant, entre autres choses,la sécurité territoriale des
États. On pourra d'ailleurs rappeler à cet égard qu'un pas
dans cette direction avait été engagé trois années
plus tôt quand le président des États-Unis, James Monroe,
avait jeté les bases d'une politique qui visait à abriter
l'espace des Amériques des éventuelles interventions militaires
de la part des puisssances européennes. Mais les rivalités entre
États étaient décidément trop fortes avec le
résultat que la réunion de Panama demeurera sans lendemain en
dépit de quelques tentatives de la part du Mexique et du Pérou
notamment, pour mettre en place un système de sécurité
mutuelle et une organisation panaméricaine. Il reviendra alors au
secrétaire d'État des États-Unis, James Blaine, de
reprendre le projet de Bolívar et de réunir à Washington,
entre octobre 1889 et avril 1890, les représentants des
républiques des Amériques pour la première
véritable conférence panaméricaine qui mettra sur pied un
Bureau commercial des républiques américaines, d'où
émergera l'Union panaméricaine[1].
Par la suite, une autre étape importante dans la construction
panaméricaine sera franchie lors de la septième conférence
de l'Union panaméricaine tenue à Montevideo en décembre
1933. À cette occasion, les représentants des républiques
d'Amérique latine proposèrent pour la première fois de
définir un cadre normatif qui aurait permis "l'attribution d'avantages
commerciaux exclusifs de la part de pays limitrophes". Toutefois, l'histoire
retiendra surtout de cette conférence deux choses : tout d'abord, la
première formulation, par le secrétaire des États-Unis
Cordell Hull, des grands principes que les États-Unis devaient reprendre
lorsque viendra le moment de construire l'ordre économique international
d'après-guerre ; ensuite, l'acceptation du projet américain de
créer un "bloc régional américain", un bloc "ouvert" et
non-exclusif, qui devait servir de contre-modèle face aux blocs
impérialistes et, notamment, face à l'Empire britannique. Or, ce
projet ne devait pas voir le jour à ce moment-là. Plus tard, la
rencontre interaméricaine de Chapultepec sur les problèmes de la
guerre et de la paix, tenue du 21 février au 9 mars 1945, marquera une
nouvelle étape dans l'histoire du panaméricanisme puisque cette
conférence devait permettre aux États-Unis de rallier les
républiques de l'Amérique latine au projet des Nations Unies qui
devait être adopté quelques semaines plus tard à San
Francisco; elle devait également préparer le terrain d'une
réforme institutionnelle en profondeur de l'Union panaméricaine,
réforme qui devait ultérieurement déboucher, en 1948, sur
la conférence de Bogota[2] et le
traité créant l'Organisation des États Américains
(OEA).
Parallèlement, les États-Unis avaient fini par accepter, lors des
discussions qui suivirent Bretton Woods, d'abord à La Havane, puis
à Genève, que les pays dits "moins avancés" puissent
signer des accords préférentiels de libre-échange. La
convention économique de l'OEA reconnaîtra également cette
possibilité. Dans le même ordre d'idées, les
États-Unis ne manifestèrent pas d'opposition au Conseil
économique et social des Nations Unies face à la proposition du
Chili de créer une Commission économique pour l'Amérique
latine[3]. Cette Commission verra le jour en
1948, soit peu de temps après qu'aient été
créées deux Commissions chargées de la reconstruction des
territoires dévastés par la Guerre, l'une pour l'Europe et
l'autre pour l'Asie. La non ratification de la Charte de la Havane, puis le
refus des Parties contractantes à l'Accord général sur les
tarifs douaniers et le commerce, signé en 1947, de prendre en
considération les appels en faveur de l'octroi d'un statut
préférentiel aux pays en développement, et surtout le
désintérêt grandissant des États-Unis pour une
région qui ne représentait pas à l'époque un grand
intérêt stratégique, eurent pour conséquence de
laisser l'Amérique latine à elle-même face au
problème qui a toujours été le sien, celui d'un
morcellement politique doublé d'un développement dépendant
et fortement inégalitaire.
* Déjà, durant les années trente, plusieurs pays,
notamment le Mexique, le Chili, le Brésil et l'Argentine, avaient
commencé à réorienter leurs politiques économiques
en fonction du marché intérieur, accordant une importance
particulière à une industrialisation par substitution aux
importations et aux nationalisations. Grâce à ces nouvelles
politiques, les économies latino-américaines parviendront
à surmonter la crise économique et à se doter d'un socle
industriel qui leur faisait jusque là défaut mais, comme le
rappelleront plus tard les documents de la CEPAL et les nombreux travaux de
Prebisch, Ferrer et Furtado, entre autres, cette industrialisation devait
à son tour entraîner de nombreux problèmes, comme la
surcapitalisation de l'industrie, la faible compétitivité,
l'exiguïté des marchés, la faible création d'emplois,
la répartition inégalitaire des revenus, etc.. Les travaux de la
CEPAL auront un grand impact : non seulement contribueront-ils à fournir
un cadre théorique cohérent aux stratégies industrielles
mises en oeuvre, mais ils soutiendront l'intégration économique
régionale. À cet égard, la CEPAL fera prendre conscience
aux pays d'Amérique latine de l'importance de se regrouper, de
créer un espace de complémentarité économique et
d'occuper, collectivement et individuellement, leur place dans un monde alors
divisé entre l'Est et l'Ouest.
Depuis le deuxième rapport sur la situation économique de
l'Amérique latine, publié sous la direction de Prebisch en 1951[4], jusqu'au Traité de Montevideo du 18
février 1960, traité dont les grandes lignes avaient d'ailleurs
été tracées par la CEPAL[5], un même axe traverse la mission de la CEPAL :
l'intégration économique de l'Amérique latine. Pierre
angulaire d'une stratégie de développement autocentrée,
l'intégration régionale avait alors surtout valeur instrumentale.
À travers elle, il s'agissait de donner un base économique viable
à une ambitieuse stratégie d'industrialisation par substitution
aux importations dont l'objectif était la rationalisation de la
production d'une part et la recherche d'une plus grande
complémentarité économique entre les pays participants,
d'autre part. Quant au niveau international, ainsi que Prebisch lui-même
le faisait valoir avec force, il s'agissait de faire bloc pour modifier les
termes de l'échange sur les marchés internationaux et pour
établir un rapport plus favorable à la région à
l'intérieur d'un système international qui avait
été reconstruit en faisant peu de cas des pays en
développement. Comme le dira, on ne peut plus clairement en 1965, le
Président de la Banque interaméricaine de développement,
Felipe Herrera :
"La création d'une Communauté économique est la
réponse que l'Amérique latine doit donner aux problèmes de
son développement. C'est la formule qui peut le mieux garantir le
quadruple but suivant : a) le renforcement de la position des pays
latino-américains dans leurs relations avec d'autres blocs
régionaux ; b) l'augmentation des marchés et la conjonction des
efforts et des moyens nécessaire pour passer d'une économie
dépendante à une économie industrielle : c) une croissance
équilibrée -quantitativement et qualitativement - de la
production régionale ; d) l'élimination des différences de
niveaux marquées qui existent aujourd'hui dans le degré de
développement entre pays, entre régions, entre zones et secteurs
d'un même pays" (Herrera 1965, pp. 759-760)
* L'un des grands moments de cet emballement pour l'intégration
régionale sera la signature, en décembre 1960, à
Montevideo[6], du Traité qui
créait l'Asociación Latinoamericana del Libre Comercio (ALALC)
ou, en français, l'Association latino-américaine de
libre-échange (ALALE). À court et moyen terme, il s'agissait
d'établir une zone de libre-échange à l'intérieur
d'un échéancier de douze ans[7],
assortie d'une coordination des politiques économiques[8]. L'objectif ultime était de créer, à
l'instar de la Communauté européenne, un marché commun qui
puisse accorder une certaine préférence aux pays membres tout en
leur laissant une certaine latitude dans la réalisation de leurs
objectifs propres.
L'ALALE eut, dans un premier temps du moins, des effets positifs sur le
développement et la croissance du commerce intra-régional. Ainsi,
la part du commerce intra-régional est-elle passée, entre 1960 et
1979, de 6,5 % à 14 % en ce qui a trait aux exportations, et de 5,8 %
à 14 % en ce qui a trait aux importations. Par contre, eu égard
aux attentes soulevées et aux objectifs fort ambitieux visés, les
résultats sont restés malgré tout très
mitigés.En effet, après avoir connu à ses débuts
une forte progression, le commerce intra-régional a très
rapidement plafonné, voire même chuté en termes relatifs en
1978 et 1979. Et, plus significativement d'ailleurs, en dépit des
engagements pris en ce sens, il n'y eut aucune convergence entre les politiques
économiques nationales. Enfin, comme n'a pas manqué de le
souligner le courant de la dependencia, en surestimant les effets
économiques et politiques de l'intégration, on n'a guère
accordé d'attention aux inégalités
socio-économiques internes, l'un des traits caractéristiques du
système sociopolitique oligarchique de Amérique latine.
Conscients de ces critiques et des échecs, les membres de l'ALALE
apporteront une première série de modifications au Traité,
lors de la neuvième réunion ordinaire, tenue à Caracas en
décembre 1969. Ces modifications, contenues dans ce qui sera
appelé le "Protocole de Caracas"[9], vont
dans le sens de l'assouplissement ; elles ne seront toutefois pas suffisantes.
Le Protocole de Caracas allait être suivi d'une période de
flottement, avec le résultat que le "Plan d'action 1970-1980",
approuvé pourtant par l'assemblée des représentants
nationaux ne sera jamais appliqué. Malgré tout, on devait
assister, durant les années soixante-dix, à la création,
à l'instigation du Mexique, d'une autre organisation à vocation
économique dont font partie la plupart des pays, à savoir le
Système Économique latino-américain (Sistema
Económico Latinoamericano (SELA)[10].
Mais c'est finalement lors de la XIXème conférence qui
se tiendra à Acapulco, le 27 juin 1980, que les pays membres de l'ALALE
décideront de réviser le Traité de Montevideo et de
créer l'Association latino-américaine d'intégration
(Asociación Latinoamericana de Integración), avec le mandat de
mettre en oeuvre, de manière plus pragmatique, les objectifs du
précédent Traité. C'est le 12 août 1980 que sera
signé, à Montevideo, le nouveau Traité qui devait donner
naissance à l'Association latino-américaine d'intégration
(ALADI). Ce traité entrera en vigueur en 1982 et il réunit les
mêmes signataires que le premier Traité de Montevideo, à
savoir : l'Argentine, le Brésil, le Chili, le Mexique, le Paraguay,
l'Uruguay, ainsi que les cinq pays du "groupe andin" que sont la Bolivie, la
Colombie, l'Équateur, le Pérou et le Venezuela.
* Le Traité de Montevideo de 1980 poursuit le même objectif
que le précédent de former un marché commun. Il ne fixe
toutefois pas de délais précis ni de procédures fixes. Les
ambitions à court terme sont également plus modestes, puisqu'il
s'agit de créer une zone de préférences tarifaires
assortie de dispositions pour l'établissement d'ententes sectorielles,
bilatérales et sous-régionales. Ces dispositions sont importantes
dans la mesure où elles marquent un changement d'approche : il
s'agissait de la sorte de favoriser le rapprochement des pays sur une base
bilatérale ou sous-régionale, avec l'objectif, si les pays le
souhaitaient, d'élargir les ententes ainsi signées à
l'ensemble de la région. C'est en quelque sorte l'idée
d'intégration fragmentée et graduelle qui s'impose. Par ailleurs,
et il s'agit aussi de sanctionner un changement majeur de stratégie
puisque l'ALADI se veut davantage tournée vers l'extérieur. Parmi
les autres dispositions importantes du Traité, il faut tout d'abord
noter l'abolition des engagements souscrits dans le cadre de l'ALALE, notamment
en ce qui a trait à la formation de listes communes remplacée par
des dispositions plus souples, ainsi que la prise en compte de deux formes de
libéralisation des échanges avec les accords de portée
régionale d'un côté, applicables à tous les membres
et prévoyant des conditions d'accès plus favorables pour les pays
les moins développés, et des accords partiels de l'autre, qui
peuvent être signés sur une base bilatérale ou
sous-régionale et qui n'engagent alors que leurs signataires. Ces
accords peuvent porter sur des préférences commerciales, des
mesures destinées à favoriser les échanges ou la
complémentarité des politiques. Loin de les empêcher,
l'ALADI encourage au contraire la signature de tels accords, avec le
résultat que ceux-ci proliféreront très rapidement[11] et que, loin de favoriser
l'intégration régionale, comme on l'envisageait au début,
ils contribueront plutôt à créer un réseau confus et
bigarré de préférences commerciales. La reconnaissance des
différences dans le niveau de développement entre les pays
membres constitue une autre innovation du Traité de 1980[12].
Tout comme l'ALALE, l'ALADI n'aura sans doute pas permis de faire progresser de
manière substantielle les échanges intra-régionaux ni de
faire avancer les pays latino-américains dans la voie de
l'intégration régionale. À cet égard, le contexte
difficile des années quatre-vingts, avec la crise de la dette et le
recul de l'activité économique que connaîtront la plupart
des pays, n'aura guère contribué à la réalisation
des objectifs visés, comme en témoigne de manière
éloquente le recul des exportations intra-régionales qui passent
de 15 % à 10,5 % entre 1980 et 1990. Quant aux importations
intra-régionales, si les données sont un peu plus favorables, il
n'en demeure pas moins qu'après être passées de 12,5 %
à 16,7 % entre 1980 et 1984, celles-ci ont rapidement
décliné par la suite, pour se stabiliser autour de 14,7 %. Le
problème est encore plus évident si on regarde les chiffres dans
l'autre sens : en 1960, l'ensemble de l'Amérique latine exportait 93,5 %
de ses produits vers l'extérieur et importait de l'extérieur
environ le même pourcentage ; trente ans plus tard, 90 % des produits
continuent d'être exportés vers l'extérieur et 85 % d'en
être importés. Sans doute, s'agit-il là de moyennes et,
à cet égard, il conviendrait d'étudier les pays ou les
sous-groupes de pays cas par cas, mais les résultats sont là : du
point de vue de l'objectif initial visé, celui de faire de
l'Amérique latine un espace économique intégré
à l'intérieur d'un grand projet de marché commun à
l'image de l'Europe, on peut parler d'échec.
De plus, l'attitude plus pragmatique adoptée lors de la signature du
deuxième Traité de Montevideo, ainsi que le changement de
perspective dans la manière d'envisager la libéralisation des
échanges ont eu un effet contraire à celui qui était
recherché car, au lieu de favoriser une intégration par
étapes, par extension et par le croisement des ententes signées
d'une part, de renforcer la position et la sécurité
économique de la région vis-à-vis de l'extérieur
d'autre part, la multiplication des ententes[13] et les nouvelles politiques orientées sur la
promotion des exportations ont rendu plus vulnérables les pays de la
région face aux contraintes de la globalisation des marchés, tout
en compliquant les relations qu'ils entretenaient les uns avec les autres[14].
* Comme on le sait, la crise de la dette du début des années
quatre-vingt aura des effets désastreux sur l'ensemble des
économies d'Amérique latine ; à toutes fins pratiques,
elle contribuera à faire de ces années "une décennie
perdue pour le développement". Non seulement les différents pays
se verront-ils contraints d'adopter, sous la pression du Fonds Monétaire
international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) des mesures drastiques
d'ajustement structurel qui viendront s'ajouter aux mesures
macro-économiques de stabilisation déjà existantes mais,
de surcroît, ils n'auront d'autre choix sinon de mobiliser l'ensemble de
leurs ressources productives afin de trouver, sur les marchés
d'exportation, les devises indispensables au remboursement de leurs engagements
financiers et au paiement du service de la dette. Tout cela ne sera pas sans
conséquences sur la conjoncture des pays concernés, comme en
témoignent le recul généralisé de
l'économie, l'instabilité politique et les brutales explosions
sociales qui ont caractérisé cette période. On verra alors
les pays, les uns après les autres, le Chili et l'Argentine ayant les
premieres ouvert la voie, se lancer dans de vastes programmes de
réformes économiques, tant sur le plan macro-économique
que sur le plan structurel, non sans faire d'ailleurs du modèle
néolibéral la panacée pour résoudre une crise dans
laquelle ils s'enfonçaient toujours davantage[15]. Dans un contexte où il s'agissait pour chaque
pays, et de manière tout à fait désordonnée
d'ailleurs, de s'insérer de manière compétitive dans
l'économie mondiale, le régionalisme économique, que ce
soit dans le cadre de l'Association latino-américaine
d'intégration économique (ALADI) ou dans celui plus restreint des
accords existants comme le Pacte andin, sera alors perçu essentiellement
comme une source de blocage et de frustration.
* Dans ces conditions, on ne doit pas sous-estimer l'impact qu'a pu avoir
en Amérique latine l'Initiative pour les Amériques du
Président Bush, ni l'influence qu'auront sur le cours des débats
sur le régionalisme économique qui devaient resurgir au tournant
des années quatre-vingt-dix, la signature de l'Accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis, non plus que la
relance du projet européen de Marché unique. Mais en même
temps, il n'en demeure pas moins paradoxal de constater que l'on voit à
cette époque, après les premières déconvenues qui
suivront l'application des politiques néolibérales sur le plan
interne, les pays d'Amérique latine se tourner de nouveau les uns vers
les autres et rechercher dans la signature d'accords bilatéraux, voire
même dans la relance des accords sous-régionaux existants[16], de nouvelles complémentarités
économiques et des formes préférentielles d'accès
à des marchés qui offraient au moins l'avantage de la
proximité géographique[17].
On évalue encore mal, pour le moment, la portée exacte de ce
regain d'intérêt pour le régionalisme économique
mais le moins que l'on puisse dire, c'est que la situation est très vite
devenue passablement embrouillée comme ne manquera pas de le souligner
le rapport de la CEPALC de 1994 sur le "régionalisme ouvert". Elle l'est
tout d'abord en raison du très grand nombre d'accords signés,
elle l'est ensuite, en raison du fait que rien dans cette partie du continent
ne peut vraiment se faire sans les États-Unis et elle l'est enfin, en
raison de la place centrale qu'occupe désormais sur l'échiquier
continental ce nouvel acteur régional qu'est le MERCOSUR/L, dont il sera
question plus tard.
Nous n'insisterons pas sur le premier point, sinon pour relever que les
accords[18] bilatéraux pour la plupart
s'enchevêtrent les uns dans les autres et contribuent sans doute
davantage au morcellement de l'espace économique latino-américain
qu'à son intégration, les pays étant en concurrence les
uns avec les autres dans une course au libre-échange dont l'enjeu est
finalement plus stratégique qu'économique[19]. Le second aspect du problème tient au poids
économique et politique des États-Unis dans une région
où rien ne peut vraiment se faire sans eux. Sur ce plan, force est de
constater, premièrement, l'importance des États-Unis en tant que
premier partenaire commercial, ou à tout le moins comme partenaire
incontournable, pour la plupart des pays de la région et ce, même
si l'on a pu noter une très forte augmentation des échanges
intra-régionaux depuis le début de la décennie ;
deuxièmement, l'importance de ces derniers comme premier investisseur
dans la région, avec le résultat que le réseau des firmes
multinationales américaines ("étatsuniennes") en Amérique
latine constitue une immense toile qui, dans un contexte d'ouverture des
marchés, ne laisse plus guère de place aux stratégies
industrielles nationales; et troisièmement, l'incidence qu'a pu avoir,
parallèlement à la signature de toute une panoplie d'accords
entre pays d'Amérique latine, la signature de multiples accords avec les
États-Unis, avec le résultat que cette démultiplication
des ententes commerciales a non seulement pour effet de réduire
l'avantage préférentiel ainsi obtenu au fur et à mesure
que les accords se multiplient[20], mais
surtout celui de permettre aux États-Unis de tisser un réseau
complexe de relations qui, à l'image du moyeu et de ses rayons, font
d'eux un partenaire central et incontournable à la fois. Sous cet angle,
on voit ainsi mieux pourquoi c'est avec un certain enthousiasme, sinon un
certain soulagement, que les pays d'Amérique latine accepteront la
proposition qui leur sera faite lors du Sommet de Miami[21] de s'entendre sur un accord-cadre de libre-échange
pancontinental qui leur permettrait tout à la fois d'accéder plus
facilement au marché américain, de tirer avantage d'une meilleure
intégration des marchés et, dans une certaine mesure
également, de sortir du piège d'un bilatéralisme
généralisé dans lequel les avait paradoxalement conduit
l'ouverture des marchés[22].
Ceci dit, comment expliquer, du côté des États-Unis,
l'importance considérable qu'ils attachent actuellement à la
formation d'un grand ensemble économique régional dans les
Amériques et, d'une manière générale, au
régionalisme économique, au point d'en avoir fait l'une des
pièces maîtresses de leur politique économique
internationale, sinon de leur politique étrangère?
Les prises de position des États-Unis en faveur du
régionalisme économique "ouvert" ces dernières
années, de même que les nombreuses initiatives qu'ils ont
lancées dans cette direction ont suscité de multiples
débats et réactions, certains y voyant même un retour de
leur part à l'isolationnisme et la mise en place d'une nouvelle division
du monde en blocs rivaux, une division qui ne serait plus d'ordre
idéologique comme la précédente mais d'ordre
économique[23]. Sans écarter une
telle éventualité, ni sous-estimer le poids d'un Congrès
traditionnellement isolationniste dans l'élaboration de la politique
étrangère américaine, il faut cependant prendre en
considération quatre ordres de fait qui nous semblent
déterminants pour replacer le débat sur le régionalisme
aux États-Unis dans une perspective plus large[24].
* Tout d'abord, depuis la Deuxième Guerre et jusqu'à
aujourd'hui, la politique économique internationale des
États-Unis[25] a
été articulée autour de deux grands axes, à savoir
l'ouverture des marchés et l'établissement de la primauté
de la règle de droit dans les relations commerciales[26]. En ce sens, l'intérêt des États-Unis
pour le régionalisme économique n'a pas fait relâche durant
toutes ces années puisqu'il a été envisagé, ainsi
que le bilatéralisme d'ailleurs, comme un autre moyen d'atteindre les
mêmes objectifs de manière parallèle et
complémentaire en quelque sorte aux efforts engagés dans le
même sens au niveau multilatéral. C'est bien ce que soutiendra le
président Clinton, le 23 février 1993 à la American
University, dans les lieux mêmes où le président Kennedy
prononça son célèbre discours sur la paix et la
confrontation nucléaire :
"Too many of the chains that have been hobbled in world tarde have been made in
America. Our trade policy will also bypass the distracting debates over
wether efforts should be mutlilateral, regional, bilateral, unilateral. The
fact is that each of these efforts has its place. Certainly we need to seek to
open other nations' markets and to establish clear and enforceable rules on
which to expand trade"[27].
En deuxième lieu, si les priorités économiques des
États-Unis sur la scène internationale ont pu être
éclipsées par des questions de sécurité durant la
guerre froide, les nouvelles contraintes et les nouveaux défis avec
lesquels ils doivent aujourd'hui composer font en sorte que les données
du problème sont en quelque sorte renversées, puisque ce sont
désormais les questions économiques qui sont posées
d'entrée de jeu comme des questions de sécurité
nationale[28]. Or, les deux plus importants
défis de sécurité économique, ce sont sans doute
l'accroissement phénoménal d'un déficit commercial qui les
a fait passer, en quelques années, de la position de premier
créancier à celle de premier débiteur, et
l'émergence de nouveaux et importants foyers rivaux de croissance au
sein de l'économie mondiale, des foyers qui seraient
éventuellement susceptibles de remettre en question les bases sur
lesquelles repose leur suprématie économique en tant que telle.
En troisième lieu, dans un contexte où la relation entre la
croissance et le commerce est posée comme l'équation centrale
d'une politique économique tournée vers l'extérieur, faire
en sorte que les entreprises américaines ne soient pas exclues des
marchés et qu'elles ne soient pas non plus soumises à des
pratiques commerciales déloyales est devenu une préoccupation
majeure. Or, malgré tous les avantages stratégiques que les
États-Unis peuvent escompter tirer du renforcement des règles au
niveau multilatéral, il n'en reste pas moins qu'une organisation de la
taille du GATT/OMC, à cause du très grand nombre de ses membres,
à cause d'inévitables lourdeurs et lenteurs bureaucratiques qui
induisent une indéniable inefficacité institutionnelle, est
incapable d'arbitrer un nombre croissant de différends commerciaux dans
des délais compatibles avec les exigences et contraintes du commerce
mondial [29]. Dans ces conditions, si le
recours de leur part et à leur tour au régionalisme et au
bilatéralisme a sans doute pour effet de mettre le système
multilatéral sous tension, plus fondamentalement, ce recours sert des
finalités multiples beaucoup plus déterminantes, ce que
reflète le fait que pas moins de 200 accords commerciaux de tous ordres
aient été signés par l'administration Clinton pendant les
trois premières années de son mandat[30].
Enfin, il convient de rappeler que le continentalisme a toujours
été une donnée fondamentale de la politique
étrangère des États-Unis et il est inutile d'insister sur
ce que fut leur politique vis-à-vis de l'Amérique latine de
l'Après-guerre à aujourd'hui. C'est cette politique qui devait
conduire les États-Unis à donner leur appui, au nom de la
démocratie et de la lutte contre le communisme, aux régimes les
plus antidémocratiques et à faire de l'aide économique une
arme qui devait servir moins au développement économique comme
tel qu'à étouffer les revendications sociales et à
préserver la stabilité politique d'une région alors en
proie aux insurrections civiles et militaires. Ceci dit, un changement
d'approche majeur s'est opéré durant les années
quatre-vingt qui se fera surtout sentir à partir du second mandat du
président Reagan, pour aller en s'accentuant par la suite. Ce changement
va dans trois directions complémentaires : la première vise
à jeter les bases d'un nouveau partenariat économique ; la
seconde, à jeter les bases d'une grande communauté
économique dans les Amériques; et la troisième, à
établir un lien de plus en plus étroit entre un projet
panaméricain et projet mondial.
Il serait toutefois hasardeux de dire que les changements qui vont
s'opérer dans la politique économique internationale
américaine tout au long des années quatre-vingt relevaient, au
départ du moins, d'une stratégie clairement arrêtée
ou qu'ils n'ont pas plutôt été favorisés par les
développements d'une conjoncture internationale et continentale
marquée par des événements comme la fin de la guerre
froide, le piétinement des négociations commerciales
multilatérales, la gestion de la dette latino-américaine,
l'abandon des politiques économiques nationales au profit des politiques
libérales, le retour progressif de la démocratie en
Amérique latine, pour ne mentionner que ceux-là parmi bien
d'autres. Il faut plutôt parler de tournants successifs, de
l'évolution graduelle d'une politique qui a vu, au fil des changements
présidentiels, au gré des événements et à
l'examen ses résultats, ses ambitions et ses objectifs être de
mieux en mieux définis et son contenu être orienté dans une
perspective qui se voudra à la fois continentale et globale.
* La première initiative continentale américaine ne fut pas
l'ouverture de négociations commerciales avec le Canada en 1985, mais
l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes lancée en mai 1982[31]. Cette initiative en vue d'"aider" les
vingt-deux pays dont les côtes sont baignées par la Mer des
Caraïbes[32], marque le retour en force
des États-Unis dans cette partie du monde. Elle devait aussi contribuer
à modifier l'image isolationniste qu'ils avaient laissée en
Amérique latine après l'échec de l'Alliance pour le
progrès lancée par le président Kennedy au début
des années soixante. Contrairement à cette dernière,
où la gestion et l'aide au développement dans la région
passaient par les gouvernements, le programme économique pour les
Caraïbes s'appuyait principalement sur l'initiative privée. Il
s'agissait, de la sorte, d'affermir la primauté de l'économie de
marché dans la région, seule alternative compatible avec
l'établissement de relations harmonieuses avec les États-Unis. Il
s'agissait alors de mettre en oeuvre un programme de développement
économique par le commerce et l'octroi de certaines franchises
d'entrée sur le marché américain aux produits en
provenance des pays de la région[33].
C'est toutefois l'ouverture des négociations commerciales
bilatérales entre le Canada et les États-Unis, peu après
la tenue du Sommet de Québec en mars 1985 entre le président
Ronald Reagan et le premier ministre du Canada, Brian Mulroney, qui devait
marquer le premier grand tournant dans la politique économique
internationale sur la scène continentale. Conclu à Washington le
3 octobre 1987, l'accord est entré en vigueur le premier janvier 1989
après avoir été entériné par le
Congrès des États-Unis en septembre 1988 et par le Parlement du
Canada en décembre.
Il reviendra à l'administration du président Bush d'aller encore
plus loin dans cette voie, non sans faire preuve d'une certaine audace et d'une
plus grande souplesse dans la gestion des affaires continentales que cela
n'avait été le cas sous l'administration
précédente. Ce nouveau tournant débute le 10 juin 1990,
quand les présidents des États-Unis et du Mexique, Georges Bush
et Carlos Salinas de Gortari, annonceront à leur tour l'ouverture de
négociations commerciales bilatérales. Cette annonce sera suivie
peu de temps après, le 27 juin, du lancement de l'Initiative pour les
Amériques[34], un projet ambitieux qui
visait à la fois à élargir les négociations
commerciales à l'ensemble du continent, à jeter les bases d'un
nouveau partenariat économique entre les États-Unis et les pays
d'Amérique latine, et à résoudre la crise de la dette
grâce à une série de mesures inspirées du plan
Brady[35].
Deux types de discussions commerciales seront alors menées
parallèlement. Au Nord, les négociations commerciales avec le
Mexique, auquel se joindra bientôt le Canada, déboucheront sur un
accord trilatéral en décembre 1992, l'Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA). Toutefois, ce n'est
finalement qu'en septembre 1993, au terme d'une réouverture des
négociations survenue à la demande du président William
Clinton nouvellement élu, autour de l'inclusion de deux accords
parallèles, l'un sur le travail l'autre sur l'environnement, que l'ALENA
sera définitivement entériné, grâce à quoi il
pourra entrer en vigueur comme prévu le premier janvier 1994. Au sud,
les discussions se dérouleront principalement dans des cadres
bilatéraux et donneront lieu à de multiples accords sur les
sujets les plus divers : la dette, le commerce, la coopération
technique, la drogue, etc..
Entre temps, l'Initiative pour les Amériques n'eut sans doute pas le
succès escompté, mais elle n'en contribua pas moins à
brouiller les cartes sur la scène régionale et à faire
miroiter aux pays d'Amérique latine la possibilité d'un
accès privilégié au marché américain, voire
d'une accession éventuelle à l'ALENA[36]. Toutefois, il est clair que, dans ce processus
historique qui nous conduit vers Miami, le Canada et le Mexique[37] ont joué un rôle-clé d'autant plus
important que, cherchant l'un comme l'autre à obtenir un accès
préférentiel et sécuritaire au marché
américain[38], ils se sont
trouvés, l'un comme l'autre, dans la position fort délicate
d'être "demandeurs de libre-échange" et d'avoir à
négocier cet accès dans des conditions qui leur laissaient fort
peu de marge de manoeuvre, sinon celle de rompre les négociations en
cours[39]. De même ne faudrait-il pas
mésestimer les avantages économiques, du moins sur le plan du
commerce et des investissements, que ces deux pays ont pu tirer du
libre-échange avec les États-Unis, des avantages qui permettront
au président Clinton de vanter l'exemple mexicain lors du Sommet de
Miami. Mais c'était deux semaines avant l'effondrement du peso.....
Il reviendra donc au président Clinton d'engager la troisième
étape, en invitant au début du mois de décembre 1994
à Miami, les 34 pays dits"démocratiquement élus" des
Amériques, une stratégie qui permettait d'exclure Cuba, en
passant, et de relancer ainsi le projet des Amériques qui n'avait pas eu
le succès escompté. Lors de ce Sommet, le premier sommet
panaméricain depuis celui de Punta del Este en 1967, notons-le, les pays
se sont entendus sur le projet de création d'une zone de
libre-échange pancontinentale, la Zone de libre-échange des
Amériques (ZLEA) d'ici 2005, un projet qu'il s'agira
d'opérationnaliser à partir des accords sous-régionaux et
bilatéraux existants. C'est à cette occasion que le Chili fut
aussi officiellement invité à accéder à l'ALENA,
une invitation demeurée sans suite.
* Une question se pose ici : en quoi la politique économique
internationale du président Clinton se démarque-t-elle de celle
de ses prédécesseurs ? Comment resituer ce projet continental
dans le cadre d'une stratégie qui se veut, comme nous l'avons dit plus
haut, également globale ?
Sur le fond, et au risque de nous répéter, la politique
économique internationale de l'administration Clinton ne
différait guère de celle de ses prédécesseurs quant
à ses objectifs généraux, qui sont : premièrement,
de redresser l'économie et d'accélérer la croissance
économique ; deuxièmement, de favoriser l'expansion du commerce
extérieur et la compétivité de l'économie
américaine, en réduisant les obstacles aux échanges ; et,
troisièmement, de renforcer les règles commerciales, notamment en
complétant la Ronde Uruguay[40]. Les
principes avaient été, soit dit en passant, déjà
énoncés dans le rapport présenté par les
États-Unis à l'occasion du premier examen de leur politique
commerciale au GATT en 1992[41]. En revanche,
là où la politique actuelle se distingue de la
précédente, c'est sur les trois points suivants[42] : premièrement, elle se caractérise par un
plus grand volontarisme, qui sera explicite en début de mandat ;
deuxièmement, elle se distingue aussi par l'importance des moyens qui
seront mis en oeuvre pour promouvoir les exportations américaines et
ouvrir les marchés ; et, troisièmement, par l'importance
particulière qui sera attachée au régionalisme
économique dans une stratégie dont l'objet est, pour reprendre
les termes mêmes de l'administration, de "maîtriser la
globalisation"[43].
Or c'est à l'intérieur de cette stratégie qu'il faut
replacer désormais le libre-échange continental, car ce projet a
une double portée : infra-continentale tout d'abord, dans la mesure
où il s'agit de regrouper au sein d'un même ensemble
économique les différents pays de l'Hémisphère
occidental et de mettre en place un ordre régional fondé sur les
principes de la règle de droit, du libre-échange et de la
démocratie ; inter-régionale ensuite, dans la mesure où il
s'agit d'emboîter, en prenant appui sur cet ensemble, les grandes
régions économiques du monde les unes dans les autres à
l'image d'un jeu de blocs ou d'un jeu de Lego. Il n'est d'ailleurs pas
anodin de rappeler que les trois grands ensembles économiques qu'il
s'agirait ainsi de relier entre eux, soit les Amériques, l'Union
européenne et l'APEC représentent à eux trois 86,7 % des
exportations et 86,4 % des importations mondiales[44], que plus de 91 % des exportations américaines
vont vers ces trois grands ensembles et plus de 91 % de leurs importations en
proviennent[45], et enfin que, dans chacun des
cas, le commerce et les investissements des États-Unis sont
concentrés sur quelques pays-clés.
Dans les circonstances, la référence aux blocs économiques
sera désormais reconnue, même s'il s'agit de blocs qui doivent
être "ouverts", conformément aux principes généraux
d'un libéralisme économique qui prétent être
universel et ainsi qu'en fait foi la citation suivante:
"Par régionalisme ouvert, on désignera tout accord
plurilatéral qui a pour caractéristiques d'être
non-exclusif et d'être ouvert à d'éventuels nouveaux
membres. Les initiatives plurilatérales devront, en tout premier lieu,
pleinement se conformer aux conditions prévues par l'Article XXIV du
GATT (...). En deuxième lieu, les accords plurilatéraux ne
devront pas empêcher un membre de rechercher des formules additionnelles
de libéralisation du commerce, que ce soit sur une base
bilatérale ou de manière unilatérale, et ce, y compris
avec des non-membres (...). Enfin, le régionalisme ouvert implique que
les accords plurilatéraux signés autorisent et encouragent des
pays tiers à y adhérer (...)".[46]
Quant au rôle fonctionnel qu'on entend lui faire jouer, il est on ne peut
plus clair :
"Peut-être l'héritage le plus notable que laissera cette
administration en faveur du développement des échanges
internationaux sera d'avoir posé les fondations sur lesquelles il sera
possible de construire des ententes commerciales plurilatérales ouvertes
qui, en s'emboîtant les unes dans les autres, constitueront le marchepied
d'un libre-échange global. Les initiatives plurilatérales de
l'Administration en Amérique du Nord, dans le reste de
l'Hémisphère occidental et en Asie, enchâssent des
principes d'ouverture et d'inclusion qui sont compatibles avec ceux du GATT.
Ils serviront de véhicule pour améliorer l'accès aux
marchés étrangers et réduire les tensions, tout en servant
de modèles pour les futures négociations commerciales à
l'intérieur de l'OMC dans des domaines tels que les droits de
propriété intellectuelle, les services, l'environnement et les
normes de travail"[47].
À cet égard, les avantages du régionalisme
économique international sont, du point de vue américain,
nombreux : il permet d'établir des principes plus clairs et de meilleurs
mécanismes de règlement des différends en matière
de commerce, il améliore l'environnement économique, il permet
d'approfondir davantage l'intégration économique entre les pays
concernés que ne le font les accords multilatéraux, il
représente un attrait croissant pour les pays non-membres ainsi que pour
les entreprises désireuses de ne pas se voir marginalisées,
enfin, il favorise l'ajustement structurel aux contraintes de la concurrence.
C'est en ce sens que le régionalisme économique s'inscrit
pleinement dans la vision universaliste du "one-undivided world " qui a
toujours été celle des États-Unis depuis la
Deuxième Guerre. Mais à un autre niveau toutefois, il convient
surtout de prendre en considération le fait que, dans un contexte
où l'enjeu principal est le maintien et le renforcement de la
suprématie des États-Unis au sein d'une économie mondiale
traversée par de profonds bouleversements, le régionalisme
économique participe pleinement d'une stratégie qui vise, d'un
côté, à soutenir une croissance économique de plus
en plus tributaire des échanges internationaux et, de l'autre, à
permettre aux entreprises américaines de tirer avantage de la
libéralisation des échanges et de l'ouverture des marchés
pour renforcer leur présence sur les grands marchés
internationaux, particulièrement sur les marchés les plus
dynamiques d'Asie, d'Europe et d'Amérique latine notamment.
À cet égard, il convient de rappeler que plus de 60 % des
exportations et près de 37 % des importations des États-Unis sont
imputables aux firmes multinationales américaines, que la part du
commerce intra-firme dans le commerce total de ces dernières se situe
entre 46 % et 48 % pour les exportations et entre 49 % et 53 % pour les
importations et, enfin, que ce commerce intra-firme représente à
lui seul le quart des exportations totales des États-Unis dans le monde
et un peu plus de 17 % de leurs importations. La seule prise en compte des
données relatives au commerce des firmes multinationales montre
clairement l'importance que représente ce commerce intra-firme,
particulièrement dans le cas des Amériques, là où
les réseaux sont les plus denses. Ainsi, en moyenne pour les
années 1992 à 1994, l'ensemble des Amériques
représente-t-il un peu plus de 38 % des exportations de marchandises et
un peu plus de 32 % des importations. Par contre, les données relatives
aux exportations et aux importations vers et en provenance des filiales nous
montrent que les pourcentages sont, respectivement, 50 % et de 58 %. À
elles seules, les filiales canadiennes concentrent 34,5 % de toutes les
exportations destinées aux filiales à l'étranger et 42,2
% des importations. Les données relatives à la part du commerce
dans le chiffre d'affaires des filiales américaines nous montrent par
ailleurs que, dans le cas du Canada et du Mexique, cette part est d'environ 25
%, alors qu'elle n'est que de 8 % environ pour l'ensemble des filiales
américaines dans le monde. Or c'est non seulement le commerce dans son
ensemble avec ces deux pays qui a augmenté depuis la signature des
accords de libre-échange[48], mais
c'est surtout le commerce intra-firme et les investissements qui sont en
cause[49].
En somme, et pour nous résumer, nous voulons établir deux choses
: tout d'abord, le régionalisme qui devrait émerger par suite du
parachèvement de la consolidation d'un bloc américain
apparaît d'emblée plus conforme à l'esprit libéral
d'ouverture de l'article XXIV du GATT que ne l'était le
régionalisme de première génération,
c'est-à-dire celui qui avait été instauré en Europe
de l'Ouest et entre certains pays Amérique latine dans les années
cinquante et soixante ; ensuite, et dans une perspective plus globale, il
apparaît que le nouvel ensemble économique ainsi constitué
dans les Amériques, une fois arrimé aux deux autres grands
ensembles économiques que sont l'Union européenne et l'APEC,
devrait permettre de consolider la tripolarisation actuellement en cours au
sein de l'économie mondiale tout en préparant la voie à
une éventuelle intégration plus poussée. Dans ces
conditions[50], les États-Unis se
trouveraient à la pointe de trois triangles d'inégales surfaces
emboîtés les uns dans les autres; ils représenteraient
ainsi le sommet d'un premier triangle avec leurs deux partenaires
immédiats, le Canada et le Mexique, tout en occupant le sommet d'un
second triangle dont les deux autres angles seraient occupés par
l'ensemble des pays d'Amérique latine d'un côté, les
membres du MERCOSUR de l'autre et, enfin, le sommet d'un troisième avec,
de part et d'autre, l'Union européenne et l'APEC. Les initiatives de
l'administration Clinton en direction du Bassin du Pacifique, des
Amériques et de l'Europe, et les projets d'établir, dans le
premier cas, une zone de libre-échange incluant tous les pays de l'APEC
d'ici 2010[51], dans le second cas, la Zone de
libre-échange des Amériques (ZLEA) d'ici 2005, et dans le
dernier, une Zone de libre-échange transatlantique[52], pour le moment encore fort hypothétique, vont
clairement en ce sens.
Que les États-Unis se soient donné, grâce à
l'ALENA et aux autres ententes signées ou à venir dans
l'hémisphère occidental, une plus grande marge de manoeuvre sur
la scène économique internationale, c'est un fait que l'on peut
difficilement contester, cependant sans préjuger ici des
résultats et effets de cette stratégie, au niveau international
en particulier, on peut se demander comment et jusqu'où il est possible
de poursuivre un projet aussi ambitieux sans avoir à composer avec les
réalités d'un continent qui se caractérise par sa
très grande diversité culturelle, des traditions historiques
multiples et de très grandes différences dans le niveau de
développement tant entre les pays eux-mêmes qu'à
l'intérieur des pays dans bien des cas. D'un autre côté si,
comme nous l'avons souligné plus haut, l'engouement pour
l'intégration économique est manifeste, il ne faudrait pas pour
autant mésestimer le fait, premièrement, que les multiples
accords entretiennent aujourd'hui une certaine confusion plutôt qu'ils
ne reflètent une action concertée comme ce fut le cas au
lendemain de la Deuxième Guerre, et, deuxièmement, que le plan
d'action adopté lors du Sommet de Miami soulève un certain nombre
de problèmes d'opérationnalisation qui vont bien au-delà
du simple problème technique que peut poser l'harmonisation et de la
convergence des accords existants[53].
Voyons plus précisément ce qu'il en est, et pour ce faire,
revenons sur le contenu de ce plan d'action ainsi que sur les nombreux
développements qu'ont connus les négociations pancontinentales
depuis Miami.
* Même si l'on a surtout retenu du Sommet de Miami l'accord intervenu
entre les pays participants pour mettre en place d'ici l'an 2005 une zone de
libre-échange dans les Amériques, il convient de souligner deux
choses : premièrement que le volet économique du Sommet n'est que
l'un des quatre grands volets du plan d'action et, deuxièmement, que
les différentes initiatives qui composent ce plan s'entrecroisent et se
complètent mutuellement.
Le plan d'action du Sommet de Miami repose en effet sur 23 initiatives et plus
de 150 mesures concrètes, regroupées en quatre grands
thèmes : 1. la préservation et le renforcement de la
Communauté des démocraties des Amériques ; 2. la promotion
de la prospérité par l'intégration économique et le
libre-échange ; 3. l'élimination de la pauvreté et de la
discrimination dans l'hémisphère ; 4. la garantie d'un
développement durable et la conservation de l'environnement naturel pour
les générations futures.
Le volet "démocratie" est le premier volet en importance. C'est sans
doute le volet qui donne tout son sens au nouveau modèle de
régionalisme que les pays participants au Sommet entendent implanter
à l'intérieur de l'hémisphère occidental. Il
comporte huit initiatives, à savoir : 1. le renforcement de la
démocratie ; 2. la promotion et la protection des droits humains ; 3. le
renforcement de la société civile et de la participation des
citoyens ; 4. la promotion des valeurs culturelles ; 5. la lutte contre la
corruption[54] ; 6. la lutte contre le trafic
des narcotiques et ses activités criminelles ; 7. la lutte contre le
terrorisme national et international ; 8. le renforcement de la
coopération et de la confiance mutuelle. Quant à la
défense des valeurs et des institutions démocratiques que l'OEA
est censée promouvoir, il s'agit tout d'abord de définir un cadre
institutionnel général et commun propice au développement
des marchés et des relations entre les pays signataires, il s'agit
ensuite de consolider la démocratie, la stabilité politique et la
sécurité à l'intérieur et entre les pays du
continent et, enfin, de répondre à des préoccupations plus
immédiates de sécurité pour les États-Unis, dans
des domaines aussi sensibles que la lutte contre la drogue, la corruption, le
terrorisme, la défense, l'immigration etc...
Le volet économique comporte les sept points suivants : le
libre-échange dans les Amériques ; le développement et la
libéralisation des marchés financiers ; les infrastructures
hémisphériques ; la coopération dans le domaine de
l'énergie ; les infrastructures dans le domaine des
télécommunications et de l'information ; la coopération
dans les domaines de la science et de la technologie ; le tourisme. De ces sept
points, le plus important est sans doute le premier qui est, comme nous l'avons
souligné, au coeur du projet des Amériques. Les domaines couverts
par les négociations sont très larges, puisque ces
dernières couvrent, entre autres, les produits manufacturiers, les
services, l'agriculture, les mécanismes de règlement des
différends, les politiques de concurrence, de même que les
règles communes à établir en matière de
subventions, de droits de propriété intellectuelle, de politiques
d'achat gouvernementales, de barrières techniques, de mesures de
sauvegarde, de règles d'origine, de droits antidumping et
compensatoires, de normes de santé et phytosanitaires, etc.. Ceci dit,
il ne faudrait surtout pas mésestimer l'importance des autres dimensions
de ce volet économique, puisque ce dont il s'agit ce n'est pas
simplement de libéraliser les échanges mais ni plus ni moins que
de mettre en place un espace économique continental au plein sens du
terme, c'est-à-dire de faire du continent un marché unique soumis
à la règle de droit.
Le volet social comporte, quant à lui, cinq points : l'accès
universel à l'éducation ; l'accès équitable aux
services de santé essentiels ; le renforcement du rôle des femmes
dans la société ; l'appui des micro et des petites entreprises ;
la mise sur pied de corps de casques blanc pour intervenir en cas d'urgence.
À ce sujet, 1,5 milliards de dollars ont ainsi été
débloqués à la BID pour des prêts pour les services
de santé et d'éducation et 500 millions pour les
micro-entreprises.
Le volet environnement, enfin, repose sur trois formules de partenariat : un
premier pour une utilisation soutenable de l'énergie ; un second pour la
biodiversité ; et un troisième pour la prévention de la
pollution.
* En énumérant ainsi les différentes initiatives
prévues par le plan d'action, nous pouvons mieux prendre la mesure de
l'ampleur du projet en cours. Par ailleurs, il est intéressant de
revenir également sur les structures qui ont été mises en
place, ainsi que sur les responsabilités respectives des uns et des
autres. Disons-le immédiatement, la planification et l'organisation des
discussions et négociations est extrêmement complexe. La nouvelle
architecture du système interaméricain, pour reprendre la formule
utilisée par le conseiller spécial du président des
États-Unis pour les affaires interaméricaines, Richard E.
Feinberg, repose sur trois piliers.
Le premier pilier est celui des institutions régionales existantes qui
se partagent la responsabilité d'un certain nombre de dossiers. En vertu
de la Déclaration de principes adoptée lors du Sommet de Miami,
c'est en effet à l'OEA, ainsi revitalisée et en tant que "forum
naturel de la coopération dans les Amériques" de remplir la
tâche "vitale" de donner suite aux décisions et d'aider les
gouvernements pour toute question relevant de sa responsabilité. L'une
des premières tâches qui fut d'ailleurs confiée à
l'OEA fut de dresser l'inventaire comparatif des principaux accords commerciaux
dans les Amériques et de retracer l'évolution des relations
commerciales[55]. Notons que ces questions
relèvent du Comité spécial sur le commerce (CSC)[56] et de l'Unité du commerce (Trade
Unit)[57]. L'OEA travaille conjointement avec
la CEPALC[58], la BID[59], ainsi qu'avec les différents secrétariats
des organisations régionales ou sous-régionales. Un
mécanisme de coopération tripartite (OEA-CEPALC-BID) a
été mis sur pied à cet effet[60].
Le second pilier est celui des gouvernements. Tout d'abord, la formule retenue
pour les négociations est celle des Sommets sectoriels, qui vient
doubler l'action de l'OEA. Les Sommets touchent les domaines les plus divers :
affaires étrangères, commerce, développement durable,
sécurité, narcotiques, défense etc.. Ensuite, viennent les
Comités spéciaux, très nombreux, parmi lesquels figure
notamment le Comité hémisphérique pour les questions
financières. Une autre originalité de la démarche
entreprise depuis le Sommet de Miami est sans doute d'avoir voulu confier la
responsabilité de chacun des dossiers à un gouvernement en
particulier, que ce soit dans le domaine économique ou dans les autres
domaines[61].
Ainsi, lors de la Première Réunion des ministres responsables du
Commerce, à Denver les 29 et 30 juin 1995, ceux-ci ont convenu que la
mise sur pied de la ZLÉA devait être articulée aux accords
sous-régionaux et bilatéraux existants "afin d'élargir et
d'approfondir l'intégration économique de
l'Hémishère (...) et ce, en conformité avec les
dispositions de l'OMC"[62]. Les ministres
convinrent également de mettre sur pied des groupes de travail dans le
but de préparer les négociations en cours. Sept groupes avaient
alors été constitués respectivement sur l'accès aux
marchés, les règles d'origine, l'investissement, les
barrières techniques au commerce, les normes sanitaires, les
subventions, les mesures anti-dumping et les facteurs susceptibles d'affecter
les économies les plus petites.
La Seconde Réunion des ministres responsables du Commerce se tint
à Carthagène en mars 1996. L'on y discuta de
l'échéancier de la ZLÉA et, après avoir reçu
les compte-rendus des travaux des groupes mis sur pied la fois
précédente, quatre nouveaux groupes de travail ont
été créés, respectivement sur les achats
gouvernementaux, la propriété intellectuelle, les services et les
politiques de concurrence. Les onze groupes avec leurs pays responsables sont
actuellement les suivants : accès aux marchés (Salvador) ;
procédures douanières et règles d'origine (Bolivie) ;
investissements (Costa Rica) ; normes et barrières techniques au
commerce (Canada) ; mesures sanitaires et phytosanitaires (Mexique) ;
subventions, antidumping et droits compensateurs (Argentine) ; économies
de petite taille (Jamaïque) ; marchés publics (États-Unis) ;
droits de propriété intellectuelle (Honduras) ; services (Chili)
; politique de concurrence (Pérou). L'avantage de cette formule est
double : d'une part, elle permet de "responsabiliser" les différents
acteurs et de les impliquer étroitement dans le processus et l'agenda
des négociations; d'autre part et surtout, elle permet aux
États-Unis de garder la main haute sur les dossiers prioritaires tout en
ménageant les susceptibilités nationales.
Parallèlement à cette réunion, se tint la Dixième
Conférence Interaméricaine des ministres du Travail qui endossa
l'idée d'inclure des normes sociales dans le projet de ZLÉA.
Enfin, pour épauler le travail des ministres des Affaires
étrangères, les gouvernements ont mis sur pied, en mars 1995, une
structure spéciale, le Summit Implementation Review Group (SIRG). Cette
structure dirige, coordonne et suit les différentes activités et,
en particulier, les réunions à venir, soit celle de Belo
Horizonte en mai 1997 et celle de San José, Costa Rica, en 1998. Un
comité spécial de l'OEA assure la coordination des
décisions prises.
La Troisième Réunion des ministres du Commerce se tint à
Belo Horizonte le 16 mai 1997. À cette occasion, les ministres ont
proposé que les négociations en vue de la création de la
ZLÉA débutent, comme prévu, lors du Deuxième Sommet
des Amériques en avril 1998 à Santiago. D'ici-là, les
ministres du Commerce formuleront une procédure de négociations
et en définiront les objectifs, l'approche ainsi que la structure et
choisiront la ville où ces négociations devraient se tenir. Ces
recommandations feront l'objet de leur Quatrième Réunion qui se
tiendra à San José un mois plus tôt, en février
1998. Au surplus, la déclaration finale de cette Troisième
Réunion des ministres du Commerce fait état de plusieurs points
de convergence parmi lesquels deux méritent d'être
soulignés : d'abord le fait que la ZLÉA puisse être
compatible avec d'autres accords sous-régionaux ou bilatéraux
à la condition que ces accords aillent plus loin, ensuite, que
l'adhésion à la ZLÉA puisse se faire individuellement ou
en bloc. Il s'agit bien sûr, dans ces deux cas, de ménager un
espace de négociation qui fasse droit à l'existence d'accords
sous-régionaux, et surtout au MERCOSUR. Enfin, et c'est notre
dernière remarque, on convint également de mettre sur pied un
douzième Groupe de Travail sur les règlements de
différends dont la responsabilité échoit à
l'Uruguay.
Le troisième et dernier pilier de ce système extrêmement
dense de négociation est celui du secteur privé. Là
encore, il faut souligner l'originalité des négociations en
cours, puisqu'il ne s'agit pas simplement d'impliquer les États et les
différentes institutions sous-régionales dans le processus mais
également la "société civile" et, en particulier, les
organismes non-gouvernementaux comme les groupes environnementalistes, mais
surtout les milieux d'affaires. Notons d'ailleurs que, lors du Sommet de
Denver[63], quelque 1500 hommes d'affaires
avaient été impliqués dans un processus de
négociation parallèle à travers le Forum
hémisphérique des affaires et du commerce, qui regroupe les
milieux d'affaires par pays et sur une base sectorielle. Les réunions de
ce Forum se tiennent depuis lors en même temps que celles des ministres
du commerce, ce qui montre l'importance que l'on attache aux recommandations du
secteur privé. Il convient de noter à cet égard que cette
représentation quasi exclusive des milieux d'affaires dans une
définition soi-disant "privée" des termes de l'intégration
économique à l'échelle de l'Hémisphère a
conduit l'Organisation Interaméricaine des Travailleurs (ORIT),
c'est-à-dire la section hémisphérique de la
Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL),
à convoquer un Sommet Interaméricain sur le Commerce
International et les Droits des Travailleurs auquel assistèrent des
représentants de 23 pays, Sommet qui devait produire une
déclaration finale dans laquelle étaient réaffimés
trois droits fondamentaux, à savoir : la liberté d'association et
le droit au contrat collectif, l'interdiction du travail forcé, ainsi
que la promotion de meilleures normes en matière de santé et
sécurité au travail.
* Le dernier point que nous allons aborder est celui des
négociations commerciales proprement dites. Il n'est pas inutile de
revenir, à ce propos, sur un document préparatoire au Sommet de
Miami produit en commun par la CEPALC, la BID et l'OEA. Dans ce document, en
effet, on envisageait deux scénarios possibles d'intégration :
celui du plurilatéralisme et celui du bilatéralisme. Dans le
premier cas, deux alternatives avaient été envisagées :
ou bien de prendre l'ALENA comme modèle de référence, ce
qui revenait en pratique et moyennant certains aménagements à
élargir l'accès à cet accord à l'ensemble des pays
du continent, ou bien de mettre directement en place un cadre institutionnel
nouveau qui serait venu se superposer, sinon se substituer, aux multiples
ententes existantes ; dans le second cas, qualifié de bilatéral,
il se serait agi plutôt de favoriser et de multiplier les ententes
bilatérales, que ce soit entre pays ou entre groupes et sous-groupes de
pays, pour ensuite les regrouper dans une seule et même entente[64].
L'ALENA a le double avantage de mettre en place un cadre légal
d'obligations réciproques et d'attirer, ne serait-ce qu'en raison de
l'importance du marché qu'il couvre, en l'occurrence les trois quarts du
commerce infra-continental, la majorité sinon l'ensemble des pays du
continent. Une clause d'accès est prévue à cet effet, mais
les procédures d'application sont complexes. Les conditions
d'accès sont difficiles sinon infranchissables encore pour un
très grand nombre de pays et les décisions doivent être
prises à l'unanimité, ce qui dans le contexte politique et
économique actuel n'est pas chose aisée[65]. En outre, cet accord suscite une certaine
méfiance et engendre plusieurs problèmes d'aménagement
avec les autres accords existants, mais le principal obstacle demeure toutefois
le Congrès des États-Unis comme on a pu le constater à
propos d'une éventuelle accession du Chili à l'ALÉNA.
L'autre scénario envisagé aurait consisté à
envelopper les différentes ententes existantes dans un cadre
général qui aurait repris et adapté le cadre actuel du
GATT/OMC. Si certains auteurs n'ont pas manqué de souligner
l'intérêt de mettre en place immédiatement une institution
centrale qui aurait été en mesure à la fois d'arbitrer les
différends et de piloter un processus de consultation et de
négociation devant conduire à la mise en place d'un régime
commercial commun, d'autres ont, quant à eux, jugé
prématurée une telle institutionnalisation, en raison de
l'hétérogénéité des systèmes
socio-politiques et des niveaux de développement notamment et ont
plutôt suggéré d'attendre que la voie du
libre-échange soit pavée avant de dégager l'architecture
du régionalisme.
Le scénario du bilatéralisme repose, quant à lui, sur les
effets d'entraînement et de débordement que ne manquerait pas de
susciter à l'échelle continentale la multiplication d'ententes
bilatérales ouvertes et compatibles avec les principes du GATT. Le
problème c'est que cette formule conduit à un
enchevêtrement d'ententes qui peut mener à une intégration
fragmentée et opaque et produire l'effet contraire à l'effet
recherché en créant des rigidités difficiles à
modifier par la suite. Par ailleurs, l'un des effets pervers de ce
système c'est d'entraîner les pays dans une surenchère pour
accéder aux marchés les plus importants et de conduire rapidement
à des fermetures autour d'ententes préférentielles
négociées pour le seul avantage des parties contractantes. Le
problème est d'autant plus sérieux que, si les pays devaient
s'engager dans cette voie, à cause des relations du type de celles qui
prévalent entre le moyeu et rayons, la situation d'ensemble ne saurait
profiter qu'aux États-Unis.
C'est pour ces diverses raisons que les trois organisations rejetteront cette
option et privilégieront l'approche plurilatérale sans toutefois
prendre parti pour l'une ou l'autre des deux options envisagées. Les
intérêts des uns et des autres feront que l'on adoptera une
formule souple à Miami qui, à toutes fins pratiques, laisse
ouverte les différentes options. Sans nous étendre davantage sur
le sujet, on ne peut néanmoins s'empêcher de constater que,
souvent vantée pour la souplesse de ses mécanismes,
l'intégration par le marché engage des processus de
négociations très complexes et la mise en place de
mécanismes de réglementation tout aussi complexes. Quoi qu'il en
soit, l'approche plurilatérale qui sera finalement retenue propose de
partir des accords existants pour les faire converger et tenter de les inscrire
dans un accord-cadre général, ce qui n'ira pas sans soulever
plusieurs problèmes.
Une première source de difficultés tient au fait que l'on
retrouve quatre grands types d'accords commerciaux à l'intérieur
des Amériques. Il y a tout d'abord les unions douanières, qui
sont au nombre de quatre : le MERCOSUR, le Groupe andin, le Marché
commun d'Amérique centrale (MCAS) et la Communauté des
Caraïbes (CARICOM). Il y a ensuite les accords de libre-échange,
comme l'ALENA, l'ALE dont certaines dispositions demeurent toujours en force,
l'Accord liant le Groupe des Trois ( Colombie, Mexique et Venezuela), et les
multiples accords bilatéraux qui ont été signés,
par exemple, entre le Mexique et le Chili, entre le Mexique et le Costa Rica,
entre le Canada et le Chili, pour ne mentionner que ceux-là. Viennent
ensuite les accords préférentiels, parmi lesquels il faut
mentionner l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes, l'accord
Canada-Caraïbes (CARIBCAN) ou encore l'accord entre les États-Unis
et les pays du Groupe andin. Enfin, il y a les accords à portée
plus générale, comme l'Association latino-américaine
d'intégration (ALADI), ou encore les accords à portée plus
sectorielle ou plus technique.
Une seconde source de difficultés tient à la question de savoir
comment les négociations, pour ce qui touche aux unions
douanières complètes ou non seront enclenchées. Si cette
question a trouvé une solution de compromis lors de la réunion de
Belo Horizonte, comme nous venons de le voir, il ne faut pas se cacher que le
plus difficile reste à faire et que les délais semblent fort
courts. En fait, nous touchons ici à un problème qui est d'ordre
politique et non plus technique.
En effet, force est de constater que la Maison Blanche n'est plus à
l'heure actuelle dans une position aussi forte qu'elle l'était lors du
Sommet de Miami. Plus que jamais, l'administration présidentielle doit
tenir compte des réticences du Congrès à signer de
nouvelles ententes commerciales. Les crises mexicaine de décembre 1994,
puis argentine de l'hiver 1995, sont venues jeter une douche froide sur la
stratégie hémisphérique de l'administration. Ceci dit, il
n'en reste pas moins que les enjeux stratégico-économiques sont
trop importants aux yeux des milieux d'affaires surtout pour que semblables
projets soient mis en veilleuse, comme on a pu le constater à l'occasion
du Sommet de Santa Cruz (Bolivie) de décembre 1996[66]. Par contre, ce qui est devenu beaucoup plus
délicat pour l'administration présidentielle, c'est qu'elle doit
désormais composer avec des partenaires qui entendent affirmer davantage
leur prétention à la différence. C'est
particulièrement vrai dans le cas du Canada[67] qui, après avoir signé, le 18 novembre
1996, un accord de libre-échange avec le Chili entend maintenant engager
des discussions du même ordre avec le MERCOSUR. Mais ce l'est encore
davantage et surtout dans le cas du MERCOSUR lui-même, et à
travers ce dernier, du Brésil.
*Il est intéressant de rappeler, à propos du MERCOSUR, que ce
projet de marché commun ne vise pas seulement à s'inscrire dans
la nouvelle vision compétitive de l'intégration à
l'économie mondiale qui s'est développée en
Amérique latine, mais qu'il reprend, en l'adaptant, la vision et les
ambitions communautaires des premiers modèles d'intégration,
s'inspirant d'ailleurs en la matière tout autant de l'expérience
européenne, et de celle du Bénélux notamment, que de celle
de l'ALALE et de l'ALADI[68]
On se souviendra que le MERCOSUR est issu du Traité d'Asunción du
26 mars 1991, traité qui est aussi le résultat d'un processus
d'intégration économique qui avait déjà
été enclenché par les deux principaux partenaires que sont
l'Argentine et le Brésil, en juillet 1986, avec la signature du
Programme d'Intégration et de Coopération Économique[69] (PICE). La signature de ce programme, qui
prévoyait l'ouverture des deux marchés nationaux et la recherche
d'une plus grande complémentarité dans certains secteurs de
production fut, peu de temps après, en 1988, suivie de la signature d'un
Traité d'intégration et de coopération, que viendra
compléter par la suite la signature de 24 protocoles de
coopération. Une dernière étape fut franchie, le 6 juillet
1990, à Buenos Aires, avec la signature de l'entente qui allait
entériner le projet de création d'un marché commun ainsi
que son échéancier, un projet d'intégration auquel se
seront joints entre temps le Paraguay et l'Uruguay.
Le MERCOSUR regroupe quatre pays dont l'un, en l'occurrence le Brésil, a
toujours fait preuve, en raison de son poids économique, de son
dynamisme et de son commerce extérieur, d'une grande
indépendance, que ce soit vis-à-vis des institutions
économiques internationales ou des États-Unis ; ensuite, le
MERCOSUR, à la différence de l'ALENA, est une union
douanière qui s'achemine vers des formes communautaires
d'intégration ; en outre, cet accord ne relève pas de l'article
XXIV du GATT mais de la clause d'habilitation ; enfin, fort de ses
succès économiques et profitant d'un certain
désenchantement vis-à-vis de l'ALENA, le MERCOSUR se
présente comme une alternative beaucoup plus intéressante que ce
ne pouvait être le cas en décembre 1994 pour les pays riverains
qui n'ont pas hésité, dernièrement, à signer des
Accords de Complémentarité économique (ACE), comme ce fut
le cas pour le Chili et la Bolivie en 1996, et comme ce sera sans doute le cas
pour d'autres pays andins en 1997[70].
Ceci dit, il serait quelque peu audacieux d'envisager le MERCOSUR comme un
quatrième bloc économique régional, à l'instar de
l'UE, de l'ALENA et du CEAP (APEC) ainsi que certains en ont émis
l'hypothèse[71]. Sa faiblesse
institutionnelle est notoire, particulièrement en ce qui a trait au
règlement des différends commerciaux, voire quant à la
manière dont se prennent au niveau le plus élevé les plus
hautes décisions. Comme Alimonda[72]
l'a très bien montré, la création du MERCOSUR n'a
guère changé les rapports entre l'État et la
société civile, ni réduit les inégalités
sociales à l'intérieur des pays en dépit d'une croissance
économique retrouvée, bien au contraire. Tout comme dans le cas
de l'ALENA d'ailleurs, peu de place est laissée aux questions sociales
dans les structures organisationnelles du MERCOSUR et, à la
différence des milieux industriels et bancaires, les syndicats et les
groupes sociaux sont peu impliqués dans les processus
décisionnels. Les points de divergence et les sources de
différends demeurent nombreux entre le Brésil et l'Argentine,
comme on a pu se rendre compte récemment à propos des mesures
unilatérales prises par le Brésil pour rétablir
l'équilibre de ses comptes extérieurs et protéger certains
secteurs de son économie, notamment l'industrie automobile, devant
l'afflux des importations. Quoi qu'il en soit, on ne doit pas sous-estimer le
pouvoir de contrepoids qu'entend jouer cet ensemble vis-à-vis de l'ALENA
et des États-Unis en particulier[73],
ni l'effet d'attraction qu'il exerce actuellement sur les autres pays
d'Amérique latine, ni non plus, enfin, l'importance grandissante de la
négociation directe, de bloc à bloc, représentée,
en particulier, par la signature, en décembre 1995, d'un Accord-cadre de
Coopération inter-régionale entre le MERCOSUR et l'UE, le premier
accord du genre entre deux "blocs"[74]. Le
simple fait que le MERCOSUR soit depuis peu une entité juridique
internationale à part entière au même titre que l'UE, par
exemple, lui accorde une crédibilité et une stature
renouvelées en matière de négociations commerciales, et
c'est d'ailleurs ce qui lui permet de mener de front les deux types de
négociations, de bloc à bloc et de bloc à pays, comme il
en a encore été question lors de la visite en territoire
canadien, en avril 1997, du président Fernando-Henrique Cardoso.
Succès politique, le MERCOSUR peut également être
qualifié de succès économique, du moins sur le plan des
échanges économiques comme sur le plan de la coopération
politique entre les membres. Comme le montrent les données relatives au
commerce intra-régional, il apparaît clairement qu'une
véritable dynamique intégrative est ici à l'oeuvre sur le
plan économique. Ainsi, la part du commerce intra-régional dans
le commerce total est-elle passée de 9 % à 19 %, de 1990 à
1995. Actuellement (en 1995), l'Argentine réalise plus du quart de ses
exportations avec les autres pays membres, et environ 20 % de ses importations
; le Brésil environ 14 % dans les eux cas, le Paraguay plus de 47 % de
ses exportations et près de 37 % de ses importations, et l'Uruguay un
peu plus de 46 % dans les deux cas. Ces résultats notables au niveau du
commerce intra-régional, qui contrastent d'ailleurs avec les
résultats beaucoup plus mitigés pour les autres regroupements
économiques dans la région, ne doivent cependant pas nous faire
perdre de vue que les États-Unis restent un acteur central,
incontournable, y compris pour le Brésil, que ce soit en matière
de commerce ou d'investissements.
Au terme de notre analyse, il n'est pas inutile de revenir sur cette
idée selon laquelle le régionalisme économique devrait
être envisagé comme une forme particulière d'alliance qui
reposerait sur la formation d'espaces économiques dont les acteurs
attendraient qu'ils puissent assurer un meilleur développement et
dégager un certain modus vivendi à l'intérieur du
système économique mondial. Or, l'étude et les
données utilisées ont permis de faire ressortir à quel
point le projet des Amériques poursuivait ce double objectif, elles ont
également permis de mettre en lumière les divergences entre les
positions respectives des acteurs impliqués dans le projet. Par
ailleurs, que ce projet ait pour effet de favoriser une plus grande
coopération intergouvernementale, de même qu'une plus forte
intégration économique, n'empêche pas que la
coopération et l'intégration en cours s'inscrivent dans un espace
au sein duquel les États-Unis occupent une place tout à fait
déterminante et dominante. D'ailleurs, les quelques données
fournies ont été fort éclairantes sur ce point
puisqu'elles font bien ressortir le degré élevé de
polarisation des échanges avec les États-Unis qui tient tout
autant à l'effet de taille et au dynamisme de leur économie
qu'à la profondeur de l'implantation des firmes multinationales
américaines dans l'ensemble du continent. Ce constat, pour n'être
pas nouveau, doit être souligné avec d'autant plus de force que
les tendances actuelles du commerce vont dans le sens d'une intégration
plus poussée de l'ensemble des économies à celle des
États-Unis, un processus qui va de pair avec le renforcement de la
position des firmes multinationales américaines sur les
différents marchés. Ceci nous conduit à faire une seconde
remarque, et partant, à ouvrir une autre piste de recherche qu'il
s'agira d'emprunter ultérieurement. À l'instar de tous les
régionalismes économiques, le projet des Amériques repose
en effet sur l'hypothèse explicite en vertu de laquelle il serait
possible de faire converger deux rationalités, l'une propre aux
entreprises et l'autre propre aux États. Or, l'espace économique
continental n'est encore et toujours qu'un sous-espace dans une économie
mondiale qui doit composer aujourd'hui avec deux grands mouvements de fond, la
globalisation des marchés d'un côté et le
déplacement de son centre de gravité vers le Bassin du Pacifique
de l'autre. Il reste à voir, dans ces conditions, si et comment la
stratégie d'intégration mise en oeuvre au niveau politique pourra
composer avec la logique du déploiement d'un espace d'accumulation; en
d'autres termes, il restera à voir comment les États sauront
arbitrer entre les nécessités liées au renforcement de
l'intégration sociale et politique d'une part, et les contraintes
économiques qui favoriseraient plutôt la prise en charge, par les
filières de production elles-mêmes, des normes techniques,
scientifiques, voire sociales, susceptibles d'assurer leur croissance et leur
développement dans une économie mondialisée d'autre part.
En attendant, l'analyse que nous avons faite démontrerait hors de tout
doute que les projets actuels d'intégration dans les Amériques
accordent le moins de place possible aux conséquences sociales de la
globalisation des marchés et des filières de production, mais
qu'ils privilégient bien au contraire l'approche économique la
plus libérale qui soit.
[1]. Ce Bureau avait pour mandat de fournir des
informations sur tout ce qui a trait au commerce et aux législations
douanières. Relevant au départ du Département
d'État, ce Bureau sera placé sous l'autorité d'un
comité composé de quatre représentants des
républiques à partir de 1898. À l'occasion de la
deuxième conférence panaméricaine, tenue à Mexico
du 2 octobre 1901 au 31 janvier 1902, le Bureau changera de nom pour s'appeler
dorénavant Bureau international des républiques
américaines. Il sera placé sous l'autorité d'un conseil
composé de l'ensemble des représentants, conseil dont la
présidence revenait de droit aux États-Unis. C'est lors de la
quatrième conférence, à Buenos Aires en 1910, que l'on
changera le nom du Bureau pour l'appeler désormais Union
panaméricaine. Les conférences qui devaient suivre allaient
élargir le mandat du Conseil exécutif de l'Union, jusqu'à
ce que finalement, en 1928, lors de la sixième conférence tenue
à la Havane au début de l'année, fut adoptée la
convention qui devait donner à l'union son caractère
constitutionnel. Si, faute d'avoir été ratifié par tous
les États signataires, cette convention n'est jamais entrée en
vigueur, les républiques n'en continuèrent pas moins de se
rencontrer de manière régulière, en principe tous les
quatre ans. Pour l'historique des débats jusqu'aux années trente,
voir Orestes Ferrara , L'Amérique et l'Europe. Le
panaméricanisme et l'opinion européenne, Paris, Les oeuvres
représentatives, 1930.
Ajoutons encore un fait pour mémoire à cette occasion. Si le
Canada n'est jamais mentionné ni invité à ces
réunions et conférences c'est pour une raison bien simple; en
effet, une des conditions de participation au projet des Amériques
était l'indépendance nationale or, le Canada, dont le chef
d'État était, et est toujours d'ailleurs, en même temps
souverain du Royaume Uni, se trouvait d'entrée de jeu
disqualifié. D'ailleurs, le gouvernement canadien a toujours
laissé libre cours aux États-Unis dans les affaires
pancontinentales et n'a adhéré à l'OEA qu'en 1991.
[2]. L'Argentine, trop proche des puissances de
l'Axe durant la guerre, ne fut pas invitée à la
conférence.
[3]. Voir à ce sujet l'article de
Hermán Santa Cruz : "The Creation of the United Nations and ECLAC",
CEPAL Review, ndeg. 57, pp. 17-33.
[4]. United Nations, Department of Economic
Affairs (1951), Economic Survey of Latin America, 1949, New York. Ce
document est généralement considéré comme le
Manifeste de la CEPAL, pour reprendre la formule de Hirschman (Albert O.
Hirschman, "The Political economy of Import-substitution Industrialization in
latin America", dans C. T. Nisbet, Latin America : Problems in Economic
Development, Los Angeles, University of California). Il s'inspire
directement des thèses développées par Prebisch dans son
ouvrage : The Economic Development of Latin America and its Principal
Problems (1950). Cet ouvrage a d'ailleurs inspiré
considérablement la réflexion théorique sur le
développement en Amérique latine et ailleurs dans le monde,
Prebisch présentant une vision dualiste du monde, marquée par
l'existence d'un "centre" industrialisé et d'une
"périphérie" exportatrice de matières premières. On
allait dès lors dépasser l'analyse essentiellement
"évolutionniste" du sous-développement, proposée par les
modernistes. Si la littérature sur le structuralisme cépalien est
très volumineuse, il faudrait néanmoins porter une attention
particulière aux travaux de R. Prebisch, J. Love, W. Baer , ainsi que de
J.A. Lanus .
[5]. La CEPAL est devenue depuis 1984 la CEPALC,
incorporant ainsi les pays des Caraïbes. Pour des raisons de
commodité linguistique, nous désignerons tout au long du texte
par "Amérique latine", l'ensemble des pays d'Amérique latine et
des Caraïbes.
[6]. L'initiative reviendra aux pays du
cône sud. Les autres pays d'Amérique du Sud, ainsi que le Mexique,
allaient être par la suite invités à participer aux
négociations,
[7]. L'élimination des barrières
tarifaires et autres devait se faire dans un délai fixé au
départ à douze ans, chaque pays s'engageant à produire
annuellement une liste appelée "liste nationale" de marchandises qui
feraient l'objet d'une réduction ou d'une élimination de tarifs.
La réduction annuelle de 8% par an de la moyenne pondérée
des tarifs douaniers devait conduire à leur élimination
quasi-totale au terme de la période de transition. Le Traité
prévoyait cependant que les produits considérés comme
sensibles pouvaient être retirés des listes nationales. Aussi,
pour atteindre l'objectif recherché d'une libéralisation des
échanges au terme de la période de transition, en 1972, le
Traité prévoyait-il également que des "listes communes" de
produits devaient être dressées avant la fin de cette
période. Les listes communes devaient permettre de libéraliser
progressivement le commerce par tranche de 25 % tous les trois ans, pour
arriver à 100 % à la fin de la douzième année.
La prise en compte des différences dans le niveau de
développement entre les pays signataires est un autre
élément intéressant à noter dans le Traité
de Montevideo. Ainsi, en raison de leur niveau comparativement bas de revenu
per capita et de leur faible niveau d'industrialisation, quatre pays, la
Bolivie, l'Équateur, le Paraguay et l'Uruguay, furent-ils
qualifiés de "pays à moindre développement
économique relatif", ce qui les autorisait à demander un
traitement commercial préférentiel. Le Traité
prévoyait aussi la possibilité pour les pays de signer des
"ententes de complémentarité industrielle" dans les secteurs
industriels jugés prioritaires. Deux ou plusieurs pays pouvaient ainsi
s'octroyer des concessions mutuelles additionnelles sans être tenus de
les étendre, dans le court terme du moins, à l'ensemble des pays
signataires de l'ALALE. Le Traité invitait cependant les pays à
coordonner leurs politiques d'industrialisation.
[8]. Les principaux instruments prévus
dans le cadre de l'ALALE étaient les suivants: le programme
général de libéralisation, qui comprenait, d'une part, une
liste commune et, d'autre part, des listes nationales; le régime
particulier appliqué aux "pays de moindre développement
économique relatif" (Bolivie, Équateur, Paraguay, Uruguay); des
accords de complémentarité pour les secteurs industriels; enfin,
des accords d'harmonisation et de coordination des politiques.
[9]. Le Protocole contient entre autres les
points suivants :
- la conclusion d'une zone de libre-échange allait être
reportée de huit ans, l'objectif d'élimination presque totale des
tarifs douaniers étant fixé à décembre 1980 ;
- partant d'un niveau théorique de libéralisation des
échanges de 64 % en 1970, on prévoyait réduire les tarifs
douaniers de 2,9 % par année, avec le résultat que 96 % des
échanges devaient ainsi être exemptés de droits de douane
au terme de la nouvelle période de transition ;
- les engagements concernant les listes communes seraient suspendus
jusqu'à la fin 1974, date à laquelle l'Association devait se
pencher à nouveau sur la question.
[10]. Cette organisation fut créée
au sein du Conseil interaméricain économique et social
(ECOSOC-IA) de l'OEA et ce, à la suite d'une initiative du Mexique et du
Venezuela. Inspirés par le succès remporté par l'OPEP en
1973, ces deux pays proposèrent en effet aux autres pays
d'Amérique latine de mettre sur pied un organisme dont le mandat aurait
été de favoriser la coopération entre les pays membres, de
promouvoir un développement régional plus autonome et
d'établir des positions communes aux pays de la région dans les
grands forums économiques internationaux, notamment, en ce qui a trait
aux prix des matières premières. C'est le 17 octobre 1975, au
Panama, que cet organisme fut créé ; il regroupe vingt-cinq pays.
Mais, à l'instar de l'ALALC et de L'ALADI, et aussi intéressantes
que purent être les initiatives envisagées, entre autres celle de
favoriser l'émergence de firmes multinationales
latino-américaines et celle de servir de pont dans les échanges
et les relations entre les pays de la région et le reste du monde, le
SELA n'a guère répondu aux attentes, sinon de servir lui aussi de
catalyseur pour favoriser l'ouverture des pays d'Amérique latine vers le
reste du monde.
[11]. Quatorze accords de
Complémentarité économique furent signés entre 1982
et 1993, et dix autres, entre 1990 et 1993.
[12]. Pour répartir plus
équitablement les gains de l'échange, le Traité classe les
pays en trois groupes :
i. les pays les moins développés : la Bolivie, l'Équateur
et le Paraguay ;
ii. les pays à développement intermédiaire : la Colombie,
le Chili, le Pérou, l'Uruguay et le Venezuela ; et
iii. les pays considérés comme développés :
l'Argentine, le Brésil et le Mexique.
Les dispositions du Traité s'appliquent de façon
différente pour chacun des groupes. Alors qu'ils
bénéficient automatiquement des privilèges
négociés dans les ententes bilatérales, les pays moins
nantis ne sont pas tenus d'appliquer une réciprocité ponctuelle
des avantages accordés pour le commerce inter-régional.
[13]. Les accords étaient signés
auparavant sur une base bilatérale, produit par produit, en fonction de
la situation sur le marché intérieur pour chacun d'eux.
L'approche actuelle prévoit l'abaissement linéaire et
irréversible des tarifs et l'élimination ou l'harmonisation des
barrières non-tarifaires, ce qui permet de mettre en place des zones de
libre-échange. On estime à plus de 80 le nombre d'accords de ce
type qui sont actuellement en vigueur, dont plus du tiers dans le cadre de
l'article 25 du Traité.
[14]. Il est d'ailleurs significatif de noter
que le Conseil des ministres de l'ALADI n'ait guère eu d'autre choix que
de s'entendre, le 13 juin 1994, sur un protocole, le protocole
d'interprétation de l'article 44 du Traité de Montevideo, qui
autorise ses membres à faire partie d'autres ententes régionales.
L'un des premiers pays à se prévaloir de ce protocole devait
être le Mexique, qui allait de la sorte, en l'invoquant en septembre
1994, régulariser sa situation vis-à-vis de l'ALENA, ouvrant
ainsi la porte à la signature d'ententes du même genre avec des
pays tiers.
[15]. Dani Rodrik, "Closing the Productivity
Gap : Does Trade Liberalization Really Help ?", dans Gerald K. Helleiner (dir.
), Trade Policy, Industrialization and Development : New Perspectives,
Oxford, Oxford University Press, 1991.
[16]. L'exemple en la matière
étant celui du Pacte andin, qui, avec le protocole de Quito de 1988,
allait revivre de ses cendres, déboucher, le 18 mai 1991, sur un
Marché commun andin, et devenir le Groupe andin.
[17]. Voir entre autres, Sergio de la Pena,
"America Latina frente a los bloques economicos y la globalisacion de la
economia", Problemas del desarrollo, Vol. XXII, n
* 84, janvier-mars
1991, pp. 11-17; Laredo, Iris Mabel, "Definicion y redefinicion de los
objectivos del proceso de integracion latinoaméricana en las tres
ultimas decadas (1960-1990", Integracion latinoaméricana, ; ,
Vol. 16, n
* 171-172, septembre-octobre 1991, pp. 3-25 Reinaldo
Gonçalves, Latin America's Trade Issues and Perspectives: A Skeptical
View. Fletcher Forum and World Affairs, 16, ndeg. 1, hiver 1992, pp.
1-13 Charles Chatterjee, "The Treaty of Asuncion: an Analysi", Journal of
World Trade, Vol. 26, n
*1, février 1992, pp. 63-71 ; Julian
Castro, Du pessimisme chronique à l'optimisme éméraire.
L'intégration latino-américaine et l'Initiative pour les
Amériques, Continentalisation, Cahier de recherche, 93-3, juin 1993,
Groupe de recherche sur la continentalisation des économies canadienne
et mexicaine; Jean-Jacques Kourliandsky, L'Amérique latine à
l'heure des marchés communs: le Mercosur. Relations internationales
et stratégiques; n
*5, printemps 1992, pp. 80-110 ; Alberto
Fuentes et Javier Villaneuva, Economia mundial e integracion de
América Latina. Buenos Aires, 1989.
[18]. L'examen de quelques accords commerciaux
nous a permis de cerner un certain nombre de traits communs. Nous en avons
retenu cinq : 1deg.. tous les accords entendent favoriser la
libéralisation du commerce et des capitaux sur une base
réciproque et mutuelle ; 2deg.. ils comportent tous de nombreuses
dispositions, parfois très importantes, concernant les services et les
barrières non tarifaires ; 3deg.. ils comportent aussi diverses
dispositions visant à favoriser l'intégration physique des
territoires : transport, énergie, communications, développement
régional frontalier, etc.; 4deg.. le champ de la coopération
couvre des domaines très larges : mécanismes de règlement
des différends, normes communes, drogues, propriété
intellectuelle, culture, éducation, approvisionnement
énergétique, etc. ; 5deg.. ils se caractérisent tous par
une très grande souplesse institutionnelle. Une analyse plus fine nous
conduit cependant à distinguer entre les accords bilatéraux dits
de "coopération économique" et les accords sous-régionaux
proprement dits et parmi ces derniers, entre ceux qui sont nouveaux, comme le
MERCOSUR, des plus anciens qui n'ont été que refondus.
[19]. La plupart des accords signés en
Amérique latine depuis le début des années 1990
dépassent le cadre strictement économique. D'une part, aux dires
mêmes des gouvernements, ces accords ont été motivés
par la perspective de pouvoir éventuellement signer un accord de
libre-échange avec les États-Unis. Dans cette perspective, et
conformément aux exigences américaines, la plupart des
gouvernements ont multiplié les signaux pour faire la preuve de leur
engagement en bonne et dûe forme en faveur de la démocratie, de la
libéralisation de l'économie et du commerce, et de la
stabilisation monétaire. D'autre part, la plupart de ces accords,
calqués sur l'ALE et l'ALENA, incluent un nombre de plus en plus
important de domaines jusque là de juridiction nationale, entre autres
en matière d'environnement et de normes de travail ! Enfin, il faut
aussi noter qu'au fil des négociations, les spécificité
des modèles de développement nationaux tendent à
disparaître au profit d'un modèle libéral de plus en plus
uniforme. Le cas du Chili est intéressant à cet égard.
Écartelé entre le souhait d'accéder à l'ALENA et
une certaine volonté de se rapprocher du MERCOSUR, le Chili a dû
faire preuve de beaucoup de souplesse et d'habileté lors des
négociations commerciales avec le Canada. S'il est parvenu à
préserver certaines spécificités de son modèle de
développement, entre autres l'interdiction qu'ont les investisseurs de
rapatrier les capitaux investis avant un an et l'obligation imposée
à ces derniers de déposer 30 % des capitaux à court terme
à la banque centrale pendant deux ans (annexe G-09.1 de l'accord), il ne
s'agit là que de mesures temporaires. Dernier point, on ne saurait
jamais trop souligner que les États-Unis n'ont jamais vraiment voulu
reconnaître dans leurs négociations commerciales un statut
particulier pour les pays moins développés, sinon dans le cadre
des accords préférentiels. La reconnaissance récente des
différences culturelles et de développement dans le cadre des
négociations continentales montrent un certain changement d'attitude en
la matière, mais il reste à voir dans quelle mesure la
reconnaissance de ces différences va trouver une certaine
matérialisation concrètes à l'intérieur d'un cadre
juridique qui vise d'abord et avant tout à faire reconnaître
l'égalité de traitement et à éliminer toute forme
de discrimination.
[20]. Sur les débats d'ordre
théorique que cela pose, voir Ronald J. Wonnacott, "Free-Trade
Agreements : For Better or Worse ?", American Economic Review, vol. 86,
ndeg. 2, mai 1996, pp. 62-66.
[21]. Le dernier sommet
hémisphérique auquel a assisté un président des
États-Unis fut celui de Punta del Este (Uruguay). Tenu sous les auspices
de l'Organisation des États américains (OEA) en avril 1967, ce
sommet avait débouché sur une déclaration commune
(Declaration of the Presidents of the Americas) dans laquelle les pays
s'engageaient à mettre sur pied, à partir de 1970, un
Marché commun latino-américain. Un Programme d'action
destiné à faire avancer "l'intégration économique
et le développement industriel" de l'Amérique latine avait aussi
été adopté à cette occasion. Cette rencontre devait
marquer le chant du cygne de l'Alliance pour le progrès et du plus
ambitieux programme d'aide économique jamais proposé par les
États-Unis. Ce programme avait été lancé, en mars
1961, par le président Kennedy pour faire obstacle à l'influence
de Cuba et à la montée du communisme dans la région. Ce
nouveau programme était aussi grandiose que le précédent
mais il fut vite oublié, les pays d'Amérique latine
préférant prendre eux-mêmes en mains leur propre
destinée comme ils en exprimeront leur intention dans la
Déclaration de Viña del Mar de 1969.
[22]. On peut se demander d'ailleurs si
certains des accords signés n'avaient pas d'autre objet que de
préparer le terrain à une éventuelle accession à
l'ALENA. Les accords signés par le Chili, notamment celui avec le
Canada et celui signé avec le Mexique, vont en ce sens. Mais on pourrait
en dire tout autant des accords signés par le Costa Rica ou de l'accord
signé en juin 1994 par les trois pays qui allaient former le Groupe des
Trois, soit le Mexique, le Venezuela et la Colombie.
[23]. Bagdish Bhagwarti, "Regionalism versus
Multilateralism", The World Economy, Vol. 15, ndeg. 5, (1992), pp.
535-555
[24]. Sur l'évolution de la politique
commerciale américaine, on consultera l'ouvrage classie de I. M.
Destler, American Trade Politics, Wahington, Institute fort
International Eonomics / 20 th Century Fund, 1995, troisième
édition.
[25]. Nous avons eu l'occasion de
développer plus en détail ces trois points dans Christian
Deblock et Dorval Brunelle, "Le régionalisme économique
international : de la première à la deuxième
génération", dans Michel Fortman, S. Neil Macfarlane et
Stéphane Roussel (dir.), op. cit.
[26]. Comme le déclarait d'ailleurs
sans ambage la représentante au Commerce, Charlene Barshefsky, au
lendemain de la signature de l'accord sur les télécommunications
à l'OMC, "les États-Unis ont réussi à exporter les
valeurs américaines de la libre concurrence ... et à faire de
leur passion pour la déréglementation un outil de politique
étrangère." (New York Times, 17 février 1997).
[27]. ("Remarks on the Global Economy at
American University", Weekely Compilation of Presidential Documents, 1
mars 1993, Vol. 29, ndeg. 8, pp. 325 ; nous soulignons)
[28]. Voir à ce sujet, notamment Henry
R. Nau, "Making United States Trade Policy truly Strategic", International
Journal, Vol. XLIX, été, 1994, pp. 509-535 ; et, Theodore H.
Moran, American Economic Policy and National Security, New York, Council
on Foreign Relations, 1993..
[29]. Voir notamment à ce sujet, Pietro
S. Nivola, Regulating Unfair Trade, Washington, Brookings Institution,
1993 ; de même que l'étude fort éclairante de Judith
Goldstein sur le réglement des différends et
l'internationalisation du droit (International Law and Domestic Institutions
: Reconciling North American "unfair" Trade Laws, International
Organization, Vol. 50, ndeg. 4, automme 1996, pp. 541-564.
[30]. Le chiffre est tiré de
l'Economic Report de 1996.
[31]. Adoptée par le Congrès, en
1983, et entrée en vigueur en janvier 1984, la Loi relative au
redressement économique du bassin des Caraïbes (Caribbean Basin
Economic Recovery Act) , la loi sera renouvelée par la suite pour
devenir permanente.
[32]. 24 à l'heure actuelle :
Antigua-et-Barbuda, Antilles néerlandaises, Aruba, Bahamas, Barbade,
Belize, Costa Rica, Saint-Domingue, El Salvador, Grenade, Guatemala, Guyane,
Haïti, Honduras, Ïles Vierges britanniques, Jamaïque,
Montserrat, Nicaragua, Panama, République dominicaine,
Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte Lucie, Saint-Voncet-et-Grenadines,
Trinité-et-Tobago.
[33].Outre l'ouverture unilatérale du
marché américain, le programme prévoyait l'octroi de
certains avantages fiscaux aux compagnies américaines ainsi que des
appuis techniques, financiers et de formation pour les entrepreneurs locaux. Il
s'agissait de la sorte de promouvoir l'investissement productif local et
étranger, un preréquis pour profiter des avantages commerciaux
prévus.
[34]. Cette initiative comprenait de
nombreuses propositions et mesures, notamment à l'égard de la
dette latino-américaine, mais l'élément central, qui est
aussi la partie la plus improvisée de l'Initiative, sera la proposition
de faire des Amériques un seul et unique grand marché. La
proposition était d'autant plus novatrice qu'elle reprenait, pour
l'élargir à l'échelle du continent, l'idée de
partenariat économique avancée dans l'Initiative pour le Bassin
des Caraïbes, et qu'elle associait étroitement la croissance
économique à l'établissement de la démocratie, au
respect des droits de l'Homme et surtout, à l'accès
réciproque aux marchés.
[35]. Voir à ce sujet, Andrew Hurrell,
"Latin America in the New World Order: A Regional bloc of the Americas".
International Affairs, Vol 28, n
*1, janvier 1992, pp. 121-139 ; Juan
Alberto , K. Fuentes, "Entre la diversidad y la incertidumbre: la economia de
America Latina y el Caribe en los 90. Nueva Sociedad"; n
* 117,
janvier-février 1992, pp. 29-37 ; Abraham F. Lowenthal, "Rediscovering
Latin America", Foreign affairs, , Vol. 69, n
* 4, automne 1990, pp.
387-404 ; Clark W Reynolds, "International Perspectives: the United States
and Latin America: Toward sa Theory of Interdependance and Full Exchange",
Business Economics , , Vol. 27, n 3, juillet 1992, pp. 49-54 ; Richard
Weisskoff, "Income distribution and Enterprise of the America's Initiative",
Journal of Interamerican Studies and World Affairs, Vol.33 ndeg. 4,
hiver 1991, pp. 111-132 ; Eduardo Gitli, "Latin American Integration and the
Enterprise for the Americas" Journal of World Trade; Vol. 26, n
*1,
août 1992, pp. 25-45.
[36]. Rares sont les pays d'Amérique
latine qui n'ont pas été tentés par cette
possibilité, à commencer par le Chili et l'Argentine, deux pays
considérés généralement comme remplissant les
conditions d'une telle accession.
[37]. Il est intéressant de relever
à ce propos avec Winham à quel point les positions canadienne et
mexicaine étaient similaires lors de ces négociations. (Gilbert
R. Winham, NAFTA and the Trade Policy Revolution of the 1980s : A Canadian
Perspective", International Journal, Vol. XLIV, été 1994,
pp. 472-508. Voir également pour le Canada, Michaël Hart,
Decision at Midnight. Inside the Canada-Us Free-Trade negociations,
Vancouver, University of British Columbia Press, 1994).
[38]. La crise financière que devait
traverser le Mexique en 1982 et la crise économique et constitutionnelle
que devait connaître de son côté le Canada en 1981 ont
indubitablement eu pour effet de précipiter le cours des
événements. Mais, il ne faudrait pas pour autant
mésestimer le fait, premièrement, que les politiques nationales
suivies jusque là avaient montré depuis quelque temps
déjà leurs limites évidentes ; deuxièmement que,
dans un cas comme dans l'autre, les pressions très fortes de la part des
milieux d'affaires n'ont pas été sans influencer la
décision des pouvoirs publics de se tourner vers les États-Unis ;
et troisièmement, que le climat d'incertitude qui planait alors sur les
relations bilatérales avec ces derniers ne rendait leur économie
que plus vulnérable.
[39]. Encore aujourd'hui, on ne saurait trop
que souligner le rôle particulier que jouent ces deux pays dans le
dossier du libre-échange, non sans chercher d'ailleurs à prendre
une certaine distance vis-à-vis des politiques souvent
unilatérales de leur puissant voisin ni défendre, en
matière commerciale notamment, des politiques qui, à
défaut d'être totalement autonomes, n'en témoignent pas
moins d'une certaine volonté de leur part de garder la haute main sur
une politique étrangère qui a perdu beaucoup de son lustre
d'antan. En ce sens, dans le cas du Canada par exemple, il est sans doute
difficile de ne pas établir un lien étroit entre la
stratégie commerciale américaine et celle que poursuit de son
côté la diplomatie canadienne, ainsi qu'en témoignent les
accords bilatéraux que ce pays a été amené à
signer, comme celui qui a récemment été signé
à Ottawa, le 18 novembre 1996, par le premier ministre, Jean
Chrétien, et le président du Chili Eduardo Frei, accord qui doit
entrer en vigueur en juillet de cette année, et celui qui, plus
tôt dans l'année, a été signé le 27 juillet,
avec Israël, ou encore les nombreuses initiatives que le Canada a pu
prendre ces derniers temps, que ce soit dans le cadre du Dialogue
transatlantique, de l'Organisation des États américains (OEA)
depuis son entrée récente, du Forum de coopération
économique de l'Asie et du Pacifique (APEC), ou encore de l'OMC,
notamment à propos des mécanismes d'examen des accords
régionaux. Mais d'un autre côté, il n'en demeure pas moins
que, sous bien d'autres aspects, que ce soit dans le cadre de la nouvelle
stratégie commerciale qui a été définie en
février 1996 ou autrement, comme on a pu le constater à propos de
la loi Helms-Burton, le Canada entend poursuivre une politique
étrangère qui soit non seulement indépendante de celle des
États-Unis mais lui permette également d'arbitrer, au mieux de
ses intérêts commerciaux, entre la relation
privilégiée avec les États-Unis et des relations plus
étroites qu'il entend développer avec ses autres grands
marchés.
[40]. USA, Economic Report of the
President, janvier 1993, p. 311. Voir également, GATT, Examen des
politiques commerciales. États-Unis, Genève, vol. 2, 1994, p.
13.
[41]. "La politique commerciale des
États-Unis vise à réduire les obstacles, les distorsions
qui faussent les échanges, tant dans le pays qu'à
l'extérieur, de façon que les forces du marché puissent
jouer librement et que le commerce puisse se développer. Ces mesures
devraient contribuer à relever les niveaux de vie, à promouvoir
le plein emploi et à développer la production de biens et de
services. (....)
La politique commerciale des États-Unis, comme celle qu'ils
mènent dans tous les domaines, est fondée sur la foi dans
suprématie du droit et l'efficacité de l'économie de
marché. Tous les aspects de leur politique économique ont pour
but d'accroître la prospérité du peuple américain et
de contribuer au progrès économique mondial. (...)
L'un des principes fondamentaux de la politique commerciale des
États-Unis est qu'il faut promouvoir un système de commerce
multilatéral fondé sur des règles claires et efficaces,
s'appliquant à tous les participants. (...) De façon
générale, la politique américaine a pour objet
d'éliminer les pratiques commerciales déloyales, ainsi que les
mesures protectionnistes et autres politiques qui faussent les échanges,
dans le pays et à l'extérieur. (...) GATT, Examen des
politiques commerciales, États-Unis, Genève, Vol. 2, 1992, p.
8)"
[42]. La Stratégie économique
nationale du président Clinton comporte cinq volets : i. mettre de
l'ordre dans les finances publiques de la nation ; ii. adapter les entreprises
et les travailleurs aux changements technologiques et à la globalisation
de l'économie, notamment par l'augmentation des investissements publics
dans l'enfance, l'éducation et la formation, la science et la
technologie, et les infrastructures et par des mesures fiscales incitatives
destinées à encourager les investissements des entreprises et des
ménages dans les ressources physiques, scientifiques et humaines ; iii.
modifier la fiscalité pour rétablir la justice fiscale entre les
différentes catégories de contribuables ; iv. réinventer
le gouvernement fédéral ; et v. lier la stratégie
économique domestique à la stratégie économique
internationale fondée sur la libéralisation des échanges
à l'échelle mondiale.
[43]. L'influence du courant
stratégique au sein des conseillers économiques est manifeste. Du
moins, lors du premier mandat. Elle est d'autant plus marquée que, par
delà le volontarisme qui l'anime, on dénote une très nette
volonté de ne pas s'en tenir aux seuls jeux du marché en
matière d'avantages compétitifs, avec le résultat que, si
les conditions de la croissance de l'économie américaine
dépendent de son degré de compétitivité sur les
marchés internationaux, il incombe aussi à l'État, ainsi
relégitimé après plus de dix ans de
néolibéralisme, d'agir de concert avec les entreprises de
manière telle que les asymétries dans la concurrence sur ces
marchés soient corrigées d'une part et que les marchés
américains soient en parfaite symbiose avec ceux dans lesquels oeuvrent
ces dernières à l'extérieur, d'autre part.
[44]. L'Union européenne
représente 38,6 % des exportations et 37,1 % des importations mondiales.
L'ALENA (États-Unis inclus) et la Zone de libre-échange des
Amériques (ALENA inclus) représentent, respectivement, 17,2 % et
20,2 % des exportations mondiales et 19,8 % et 23,4 % des importations
mondiales. Le Forum CEAP représente 48,4 % des exportations et 46 % des
importations mondiales. Sans les trois pays de l'ALENA et le Chili, l'ensemble
APEC* représente 27,9 % des exportations et 25,9 % des importations
mondiales.
[45]. Les calculs tiennent compte des
dédoublements dûs à la participation du Canada, du Chili,
du Mexique et des États-Unis à l'APEC.
[46]. United States of America, Economic
Report of the President, février 1995, p. 220.
[47]. ibidem.
[48]. La part des États dans le
commerce international des deux pays, qui était déjà
très élevée, a progressé, entre 1989 et 1995, de
plus de 10 points de pourcentage dans le cas du Canada et de près de 13
points dans celui du Mexique en ce qui a trait aux exportations, pour se situer
à plus de 80 % dans le premier cas, et à près de 84 % dans
le second, et de plus de trois (3) points de pourcentage et de plus de six (6)
points dans le cas des importations, pour s'élever, en 1995, à
près de 67 % pour le Canada et à près de 75 % pour le
Mexique. À l'inverse, le Canada a vu sa part dans les exportations et
les importations américaines ne progresser que d'environ un point de
pourcentage entre 1989 et 1995, pour se stabiliser autour de 22 %, dans le cas
des exportations et autour de 19 % dans celui des importations ; le Mexique a,
quant à lui, vu sa part dans les exportations américaines passer,
entre 1989 et 1994, de 6,9 % à 9,9 %, pour chuter à 7,8 % en
1995, une chute imputable à la dépréciation brutale du
peso, et sa part dans les importations américaines, passer de 5,6 %
à 7,3 % entre 1989 et 1994, et à 8,1 % en 1995. Les
données sont tirées de l'annuaire commercial du FMI (Direction
of Trade Statistics, Yearbook, 1995)
[49]. le Canada occupe le deuxième rang
en ce qui a trait à la destination des investissements américains
dans le monde, soit, pour 1995, 11,4 % des investissements totaux (contre 21,2
% en 1981 ; en termes de stocks), derrière le Royaume-Uni (16,8 %), et
le cinquième rang pour l'origine (8,4 %), derrière le Royaume-Uni
(23,6 %), le Japon (19,4 %), les Pays-Bas (12,1 %) et l'Allemagne (8,6 %). Il
est indéniable par ailleurs que, dans le cas du Mexique, on a
assisté à un accroissement des investissements internationaux
ainsi que le montre l'étude comparative de la CNUCED dans son rapport de
1995 : entre 1990 et 1992, les entrées de capitaux ont
représenté 6,2 % du PIB, contre 5,9 % pour le Chili, 2,2 % pour
l'Argentine, 1 % pour la Colombie et - 0,3 % pour le Brésil. Ces
chiffres contrastent avec ceux enregistrés entre 1984 et 1989,
négatifs (de - 0,4 %) dans le cas du Mexique comme dans celui des autres
pays d'ailleurs à l'exception de la Colombie (UNCTAD, Trade and
Development Report, New York, 1995, p. 86).
[50]. Rappelons que c'est le 15
décembre 1993, que la réunion ministérielle du GATT en est
arrivé à un compromis qui permettra de boucler les
négociations commerciales multilatérales de la Ronde Uruguay. Les
accords, qui portent création de l'OMC, seront signés le 15 avril
1994 à Marrakech. L'année suivante, lors du Sommet du G7 à
Naples en juillet, le président Clinton subira la rebuffade des autres
membres qui refuseront de poursuivre les négociations post-Uruguay dans
le cadre d'un vaste programme de libéralisation des échanges
présenté par les États-Unis sous le nom de "Commerce an
2000" et de procéder au renouvellement des organisations
économiques internationales.
[51]. C'est au mois de juillet 1993, lors du
Sommet du G 7 de Tokyo, le président Clinton proposera la
création d'une "Communauté du Pacifique" et, par la même
occasion, suggérera que l'assemblée générale du
Forum de coopération économique du Pacifique (APEC) se tienne
dorénavant au niveau des chefs d'État et de gouvernement des 15
pays membres. Le Sommet de Seattle de novembre 1993 sera ainsi le premier
sommet du genre. Vers la fin de l'année 1994, le 5 novembre, les pays de
l'APEC s'entendront entre eux pour mettre en place dans le Pacifique une zone
de libre-échange d'ici 2010 pour les pays industrialisés, d'ici
2015 pour les pays à revenu intermédiaire, d'ici 2020 pour les
pays les moins développés, dont la Chine.
[52]. Il faut noter que les États-Unis
ont repris à leur compte l'initiative canadienne lancée en ce
sens en 1994.
[53]. Mentionnons que le lecteur trouvera dans
la revue Journal of Interamerican Studies and World Affairs, volume 39,
ndeg.1, printemps 1997, un dossier complet sur les relations entre les
États-Unis et l'Amérique latine.
[54]. Entente de coopération avec
l'OCDE,
[55]. Deux rapports importants furent
présentés lors du premier Sommet ministériel tenu à
Denver en juin 1994 : "Analytical Compendium of Western Hemisphere Trade
Arrangements" ; et, "Toward Free Trade in the Americas". La BID présenta
de son côté un rapport intitulé : "Protection, Preferential
tariff Elimination and Rules of Origin in the Americas". Lors du second sommet
ministériel, tenu à Carthagène en mars 1996, une version
plus à jour du Compendium a été soumise aux ministres. La
BID a, de son côté, présenté un nouveau document de
travail : "Rules of Origin in Preferential Trade Agreements in the Americas".
[56]. Le Comité a été
créé en 1993, par la Résolution 1220 de l'assemblée
générale. Le mandat du Comité est de suivre
l'évolution et les progrès du commerce dans les Amériques,
de procéder aux études et de formuler des recommandations
susceptibles d'améliorer le commerce entre les pays membres. Le nouveau
comité vient remplacer l'ancien Comité spécial sur la
consultation et la négociation (CECON)
[57]. Le rôle de l'Unité de
commerce est de fournir l'information technique aux membres dans le domaine du
commerce, de veiller à la coordination des organisations
régionales et sous-régionales, d'améliorer les
systèmes d'information en matière de commerce et de
procéder aux études sur tout sujet en matière de commerce.
L'Unité relève du bureau du secrétaire
général. Il faut noter qu'une autre unité a aussi
été créée : l'Unité pour la promotion de la
démocratie ; de même qu'un comité pour les questions de
sécurité dans l'hémisphère.
[58]. La CEPALC est responsable des documents
produits conjointement avec l'OEA et la BID : "Toward Free Trade in the Western
Hemisphere (15 septembre 1994), "The Fight against poverty in the Hemsiphere
Agenda" (30 novembre 1994) ; "Reflections on Ways to Approach the Topic of the
Free Trade of the America's"
[59]. La BID a mis sur pied, en septembre
1994, une Division sur l'intégration et le commerce, qui relève
du Département de l'intégration, du commerce et des questions
hémisphériques, ainsi que des programmes régionaux.
L'Institue for Latin American Integration (INTAL) relève de cette
nouvelle division.
[60]. Un Comité de liaison a
été mis sur pied par l'OEA et la BID en vertu de l'accord de
coopération signé entre ces deux organismes le premier juin 1995.
[61]. Ainsi le Brésil et le Canada se
sont-ils portés volontaires pou coordonner les activités en
matière de démocratie et de droits de la personne. Le Mexique est
quant à lui responsable du dossier de l'éducation alors que les
États-Unis sont responsables des dossiers de la finance, des narcotiques
et de l'énergie.
[62] Sommet des Amériques.
Réunion ministérielle sur le Commerce, Déclaration
conjointe, Denver, 30 juin 1995.
[63]. 29 juin-2 juillet 1995.
[64]. Rappelons que c'est de cette
manière que le GATT fut mis en place en 1947.
[65]. Les États-Unis ont fixé
cinq conditions préalables à l'accession : un degré
raisonnable de stabilité monétaire, de faibles protections
tarifaires, une politique économique orientée sur la
libéralisation des marchés, l'existence préalable de
relations et d'accords de coopérationcommerciaux et financiers avec
eux, et enfin la présence d'un régime démocratique. Voir
à ce sujet Gary Clyde Hufbauer et Jeffrey J. Schott, NAFTA. An
Assesssment, Washington, Institute for International Economics, 1993.
[66]. Le résultat le plus tangible a
été la signature d'un plan d'action liant un développement
viable du continent à la lutte contre la pauvreté et à la
protection de l'environnement. Le plan détaillé définit en
65 initiatives les enjeux institutionnels, financiers, écologiques et
technologiques.
[67]. Mentionnons également le
rôle joué par le Canada dans la contestation de la loi
Helms-Burton.
[68]. Ce sont ses structures
particulières qui font d'ailleurs dire à de Almeida qu'il s'agit
là d'un "hybride conceptuel"(Paulo R. de Almeida "Presentacion", dans
José Angelo Faria, O MERCOSUL : Principios, Finalidade e Alacance do
Tratado de Asunçâo, Ministerio das relaçôes
Exteriores, Brasilia, 1993. p. ix). Il ne s'agit pas d'un simple accord
commercial, doté de structures dites souples comme dans le cas de
l'ALENA, puisqu'on y retrouve également, entre autres, une
assemblée parlementaire, des conseils économiques et sociaux et
des groupes de travail (dix). Les influences sont nombreuses. Si le
Traité de Rome a été une source d'inspiration importante
sur le plan institutionnel, les signataires du traité d'Asunción
se sont aussi inspirés du GATT, et même de la Convention de 1944
créant le BENELUX et du Protocole de La Haye de 1947. Quoi qu'il en
soit, c'est en décembre 1994 à Ouro Preto (Brésil) que le
projet a été définitivement scellé, le protocole
signé par les présidents des quatre pays concernés
attribuant au MERCOSUR une personnalité juridique internationale.
[69]. Pacto de Integración y de
Cooperación Económica Argentina-Brasil.
[70]. Yves Chaloult, "Transnacionalizacao das
praticas sindicais", Revista Brasiliense de Politicas Comparadas, à
paraître, 1997.
[71]. Sedi Hirano et Dae Won Choi,
"Globalizaçâo e Regionalizaçâo : América
Latina e a Nova Ordem Mundial", dans Marilia Costa Morosini (dir.),
Universidade no MERCOSUL, Cortez Editora, Sâo Paulo, 1994, pp.
73-79.
[72]. H. Alimonda, "MERCOSUR, Democracy, and
Labour", Latin American Perspectives, Vol. 21, ndeg. 4, automne, pp.
21-33.
[73]. Contrairement à l'ALENA, le
MERCOSUR se définirait comme un véritable bloc économique.
Il est intéressant de relever d'ailleurs que le Brésil a
clairement défini sa position dans les négociations commerciales
pancontrinentales : le plan proposé avant la réunion de Santa
Cruz de décembre 1996 était d'examiner d'abord les moyens de
favoriser le commerce puis de passer à l'harmonisation des règles
commerciales et, seulement ensuite, de discuter de l'accès aux
marchés.
[74]. Le Sommet du MERCOSUR, qui s'est tenu
à Buenos Aires au mois de juin de 1996, aura permis de constater le
rôle de leadership qu'entendait jouer le Brésil dans les
négociations commerciales pancontinentales, ainsi que les
prétentions nouvelles de cet ensemble économique dans la
région.