Cahiers de recherche
Les mouvements syndicaux et sociaux d’opposition

à l’intégration économique par les marchés : de l’ALE à la ZLEA

Vers la constitution d’une Alliance sociale continentale 1

 

 

Dorval Brunelle et Christian Deblock

 

Depuis la signature de la Déclaration de Philadelphie, le 10 mai 1944, confirmant la mission et le mandat de l’Organisation internationale du travail fondée en 1919, au lendemain de la Première Guerre mondiale, le lien entre commerce, justice sociale et tripartisme au niveau international devrait être chose acquise. Or, ce n’est pas le cas, loin de là. Depuis une décennie surtout, comme le soulignait le rapport annuel du secrétaire général de l’OIT de 1997, la globalisation des marchés et la sanction des politiques néo-libérales absolvent les États de leurs responsabilités en matière de défense des droits sociaux et de redistribution de la richesse, tout en confortant les entreprises dans leur stratégie d’expansion à tout prix, à n’importe quel prix. Il semble ainsi, à première vue, que la fin de la Guerre froide, en portant un coup fatal au "socialisme réellement existant", soit venue sonner le glas du tripartisme. Depuis lors, tout se passe en effet comme si chaque projet bilatéral, régional ou multilatéral d’intégration par les marchés mais confirmer un peu plus la marginalisation dont sont victimes les forces sociales en général, et le mouvement syndical en particulier. Mais cette évaluation n’est peut-être pas fondée sur une analyse complète des faits. Malgré les difficultés rencontrées un peu partout dans le monde et les transformations des marchés du travail, nous voyons au contraire le mouvement syndical engager toute une série d’actions et d’initiatives originales pour surmonter les contraintes de la globalisation des marchés et rétablir le lien entre commerce et justice sociale sur la scène internationale.

Dans les lignes qui suivent, nous allons effectuer un tour d’horizon des stratégies mises en avant par plusieurs organisations syndicales des trois pays de l’Amérique du Nord face au projet de signature d’un accord de libre-échange nord-américain, l’ALENA, avant de nous pencher sur les oppositions et coalitions mises en place contre le projet de création d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) et l’éventuelle signature d’un Accord de libre-échange des Amériques (ALÉA). Ceci dit, nous allons concentrer l’attention sur une dimension spécifique de cette action, à savoir sa dimension politique, et sur deux niveaux, le niveau national et le niveau continental. Il s’agit dès lors de rendre compte des stratégies auxquelles le mouvement syndical a eu recours pour manifester son opposition à la fois politique et idéologique à l’ALENA, plus tard, au projet de ZLEA.

En ce sens, nous ne nous pencherons pas sur d’autres dimensions ou d’autres formes d’opposition à l’ALENA, comme par exemple, la formation de coalitions transfrontalières ponctuelles à la base en vue d’étendre des boycotts ou de favoriser la syndicalisation de certaines entreprises, de défendre les droits fondamentaux des ouvrières dans les "maquiladoras", ou encore de forcer des entreprises à mettre fin à certaines pratiques d’intimidation des travailleurs ou dommageables pour l’environnement, des stratégies utilisées surtout de part et d’autre de la frontière américano-mexicaine, mais qui s’étendent également à d’autres pays, surtout par le biais de la prolifération des zones franches de production 2. Il ne s’agit évidemment pas de prétendre que ces pratiques engagées au niveau local ne sont pas importantes, bien au contraire, puisqu’elles se sont avérées beaucoup plus efficaces que celles qui ont pu être menées au niveau national dans bien des cas. Il s’agit uniquement, dans cette contribution, de mettre en relief les formes et modalités d’un ensemble de pratiques engagées à un niveau politique précis d’intervention, pratiques adressées au pouvoir politique lui-même en tant que maître d’oeuvre de la négociation et de l’adoption des accords de libre-échange d’une part, de pratiques qui visent à consolider rien moins que la constitution d’une véritable Alliance sociale continentale de l’autre.

 

Le contexte

Les États-Unis ont ouvert la voie qui conduira à la signature d’une nouvelle génération d’accords commerciaux, tels que nous les connaissons aujourd’hui et tels qu’ils seront négociés par un nombre croissant de partenaires dans les Amériques, avec la négociation d’un premier accord bilatéral de libre-échange avec Israël, accord qui entra en vigueur en 1985 3. À peine cet accord signé, la Maison Blanche amorça un second cycle de négociations, avec le Canada cette fois, à l’hiver de la même année, cycle qui aboutit à la fin de 1988 à la signature d’un accord de libre-échange d’une très grande portée. L’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALE) entrera en vigueur le premier janvier 1989. Ceci fait, les autorités américaines se tournèrent alors vers leur autre voisin, le Mexique, et amorcèrent un troisième cycle de négociations commerciales bilatérales, tout en élargissant considérablement le périmètre de leurs ambitions en proposant à l’ensemble des pays d’Amérique latine et de la Caraïbe d’implanter le libre-échange de l’Alaska à la Terre de Feu dans le cadre de ce qui sera appelé en juin 1990, l’Initiative pour les Amériques. Pour toutes sortes de raisons tactiques et stratégiques, et malgré la faiblesse des échanges commerciaux entre le Canada et le Mexique, les autorités canadiennes sollicitèrent une place à la table des négociations essentiellement, pour protéger et consolider les acquis de l’ALE, une requête qui leur fut accordée par le président George Bush, apparemment, selon certains observateurs, à la suite de l’appui enthousiaste apporté par les autorités canadiennes à l’opération Desert Storm contre l’Irak à l’hiver 1991.

C’est ainsi que les négociations à trois furent enclenchées au tout début des années quatre vingt dix par les présidents George Bush du Parti Républicain et Carlos Salinas de Gortari du Parti révolutionnaire institutionnalisé (PRI), ainsi que par le premier ministre Brian Mulroney du Parti Progressiste-conservateur, et qu’elles aboutiront, en décembre 1992, avec la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Mais ce n'est finalement qu’en septembre 1993, après de nouvelles négociations, à la demande du Président Clinton, que les termes de l’entente seront définitivement arrêtés. La seule différence notable entre les projets de Bush et de Clinton, c’est que ce dernier exigera que l’ALENA soit accompagné de deux accords parallèles portant respectivement sur le travail, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT), et sur l’environnement, l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l’environnement (ANACE). Une exigence qui visait à calmer les appréhensions de deux alliés de longue date du Parti démocrate, les syndicats et les groupes environnementalistes, grâce à quoi l’Accord pourra être ratifié par le Congrès et entrer en vigueur comme prévu le 1er janvier 1994.

Au Canada, la seule différence notable entre l’approche du premier ministre conservateur et celle du nouveau premier ministre, le libéral Jean Chrétien, c’est que ce dernier signera l’ALENA malgré qu’il l’ait dénoncé en tant que Chef de l’opposition d’une part et qu’il s’opposera, de même que son vis-à-vis mexicain, mais sans résultat, à l’ajout des deux accords parallèles d’autre part, une opposition qui ne tiendra toutefois plus quand viendra le temps de négocier et de signer un accord de libre-échange entre le Canada et le Chili en 1997, puisque ce dernier incorpore deux accords parallèles qui reprennent les termes de l’ANACT et de l’ANACE 4. Aux États-Unis, en décembre de cette même année 1994, faisant fond sur le projet des Amériques de son adversaire politique et prédécesseur sur ce point également, le président Clinton sera l’hôte du Premier Sommet des Amériques qui réunira à Miami les 34 chefs d’État et de gouvernement "démocratiquement élus", excluant de facto la présence de Cuba. C’est à cette occasion que seront amorcées les première discussions en vue d’en arriver à un accord de libre-échange pan continental d’ici 2005. Le quatrième cycle de négociations sera officiellement lancé à l’occasion du deuxième Sommet des Amériques, à Santiago au Chili, au mois d’avril 1998.

 

L’opposition contre l’ALENA aux États-Unis: ART

Les deux premiers cycles de négociations devant conduire à la signature d’accords de libre-échange avec Israël, et ensuite le Canada, n’ont pas suscité d’intérêt au point de conduire à la formation de coalitions sociales importantes. Ce n’est que lors de l’ouverture des négociations avec les autorités mexicaines que des oppositions fortes issues de l’un et de l’autre extrême du spectre politique et idéologique prendront forme. Rappelons cet égard, les oppositions à droite, du télé-évangéliste républicain Patrick Buchanan et celles du candidat à la présidence Ross Perot, pour ne citer que les plus connues et, à gauche, celles des mouvements syndical et écologiste.

Avant de pousser plus avant l’étude de l’opposition syndicale à l’ALENA, il est indispensable de préciser deux ou trois choses importantes, afin de bien saisir et cerner quelques unes des caractéristiques propres au contexte étatsunien. En premier lieu, les États-Unis sont, par excellence, la terre d’élection des groupes de pression et associations de tous ordres. Leur pullulement est tel et leur autonomie si grande, que l’on n’imagine pas la formation de larges coalitions pluralistes comme on les rencontrera dans les autres contextes politiques et sociaux. En deuxième lieu, si certaines grandes organisations exercent une forte hégémonie sur des secteurs comme le syndicalisme ou l’environnement, il n’empêche que nombre d’organismes à la base, les fameux "grass-root movements", poursuivent des actions tout à fait déterminantes dans leurs domaines propres sans nécessairement établir de relations avec d’autres œuvrant dans les mêmes domaines. Ceci veut dire, et c’est notre troisième précision, qu’au moment de l’ouverture des négociations commerciales entre les États-Unis et le Mexique en 1990, nombre de groupes et d’associations de part et d’autre de la frontière américano-mexicaine, en particulier, avaient déjà établi ou noué et ce, depuis plusieurs années dans certains cas, tout un ensemble de réseaux d’échange ou de soutien, et mis en place des coalitions, des alliances ou des collaborations transfrontalières dans des domaines comme la protection des immigrants légaux ou illégaux, les droits des travailleuses et travailleurs des "maquiladoras", la défense du droit d’association, de négociation et l’exercice du droit de grève, ou comme la pollution et la protection de l’environnement5.

Ces initiatives s’avéreront très précieuses quand il s’agira de mettre à l’épreuve les quelques recours prévus à l’Accord de coopération dans le domaine du Travail (ANACT), puisque ce sera essentiellement grâce aux coopérations existantes sur le terrain des deux côtés de cette frontière que les acteurs sociaux seront en mesure de monter les dossiers et de déposer les plaintes susceptibles de permettre de dénoncer les pratiques discriminatoires et violentes appliquées et sanctionnées par certaines entreprises.

Nous nous en tiendrons cependant à une approche politique qui privilégie un niveau national sans doute fort abstrait aux yeux de celles et ceux qui interviennent sur la ligne de feu en quelque sorte. Cette réserve étant faite, ce sont surtout l’American Federation of Labor et le Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO), ainsi que des organisations issues du mouvement écologiste, notamment, le Sierra Club et Greenpeace, qui ont constitué l’opposition sociale et lancé la cabale au niveau politique contre l’ALENA 6.

 

Le mouvement environnemental et le libre-échange

 

Alors que dans les années soixante et soixante-dix, les groupes et les citoyens concernés par l’environnement étaient surtout préoccupés par les problématiques locales, ce qui coïncide avec l’émergence des législations environnementales nationales que nous connaissons aujourd’hui, les années quatre-vingt correspondent plutôt à une prise de conscience des phénomènes mondiaux qui menacent notre environnement. Cette prise de conscience a été favorisée par la reconnaissance générale durant ces années de problèmes environnementaux planétaires comme le réchauffement global et l’amincissement de la couche d’ozone, ainsi que par des catastrophes environnementales aux répercussions internationales comme celle de Tchernobyl ou impliquant des entreprises transnationales comme celle de Bhopal. À partir de 1987, avec la publication du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, qui est venu articuler le concept de développement durable, les ONG environnementaux (ONGE) ont commencé à s’attarder davantage aux questions de commerce et d’environnement, qui étaient auparavant l’apanage des théoriciens.

Au moment même de l’amorce des négociations sur l’ALENA, au début de 1991, le mouvement environnemental était très bien organisé pour s’opposer à un accord de libre-échange qui ne rencontrerait pas certaines exigences de base visant à assurer la protection de l’environnement. D’abord, dans la foulée du rapport Brundtland et en prévision du Sommet de la Terre à Rio en 1992, d’importants ONGE étaient déjà mobilisés autour des questions d’intégration et d’environnement. Ensuite, les ONGE étaient familiers avec une multitude de problématiques environnementales transfrontalières dont plusieurs faisant déjà l’objet de traités bilatéraux ou trilatéraux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Enfin, au début des années quatre-vingt-dix, le mouvement environnemental bénéficiait d’un appui du public et d’un accès au pouvoir politique comme il n’en avait jamais connu auparavant. Les principales exigences du mouvement environnemental dans l’ALENA étaient : 1) des mécanismes garantissant l’harmonisation à la hausse des normes environnementales des trois pays; 2) la participation des ONG aux mécanismes de résolutions de disputes de l’ALENA; 3) une meilleure application des législations environnementales et l’ouverture de recours sous l’ALENA en cas de non-application; 4) une protection des législations environnementales face à toute contestation déposée en vertu de l’ALENA; et 5) un programme pour la réhabilitation environnementale de la zone frontalière entre le Mexique et les États-Unis (Johnson et Beaulieu, 1996 : 28).

Le manque d’intérêt vis-à-vis des conséquences environnementales de l’ALENA vers la fin de 1993 est probablement lié au fait que le mouvement environnemental est toujours demeuré profondément divisé sur l’acceptabilité de l’accord d’un point de vue environnemental. En effet, après deux ans de débat interne, il n’a pas réussi à communiquer un message unifié au public et aux politiciens (Johnson, 1996 : 25). Le débat au sein du mouvement environnemental était à savoir si la croissance économique et la protection de l’environnement étaient réconciliables ou non. D’un côté, il y avait les groupes environnementaux qui croyaient que l’augmentation de la richesse et la croissance qui seraient engendrées par un accord de commerce, particulièrement au Mexique, étaient susceptibles de contribuer à la solution de bien des problèmes environnementaux. Ces groupes, comme le World Wildlife Fund (WWF) et la National Wildlife Federation (NWF) n’étaient même pas en faveur d’assujettir l’ALENA à l’adoption d’un accord parallèle en environnement (Johnson, 1996 : 31). De l’autre côté, il y avait les groupes environnementaux comme Friends of the Earth et le Sierra Club, qui croyaient qu’une augmentation du commerce allait certainement entraîner une dégradation accélérée de l’environnement et qui souhaitaient une réouverture des négociations de l’ALENA pour y inclure plus de mesures de protection de l’environnement.

En fin de compte, en refusant d’inclure des mesures environnementales directement dans l’ALENA mais en rendant sa signature conditionnelle à l’adoption d’un accord parallèle en environnement, l’administration Clinton a su présenter au mouvement environnemental étasunien une solution de compromis qui a continué à le diviser. Certains ONGE ont maintenu leur opposition à l’ALENA malgré l’accord parallèle qui, à leurs yeux, ne rencontrait pas les exigences de base en matière de protection de l’environnement, cependant l’appui d’un nombre suffisant d’ONGE a contribué à la ratification de l’ALENA. Cette division du mouvement environnemental aura sans doute été une des causes importantes de la faiblesse de l’ALENA, ainsi que de celle de l’accord parallèle d’un point de vue environnemental.

 

Patrice Laquerre
Centre québécois du droit de l’environnement

 

 

La stratégie auxquelles ces organisations ont eu recours s’est déployée en deux temps et, à cette fin, en janvier 1991, elles ont mis sur pied deux réseaux parallèles ayant chacun une mission spécifique. Le premier réseau, appelé Citizens Trade Campaign (CTC), avait essentiellement pour fonction de développer une stratégie vis-à-vis des législateurs, c’est-à-dire du Congrès, afin de prévenir l’octroi de la procédure dite de "fast-track" requise par le président Clinton en prévision des négociations commerciales à venir. Quant au second réseau, il devait former une coalition sociale large contre le libre-échange appelée Alliance for Responsible Trade (ART) qui avait un double mandat : celui de développer des alternatives au projet des Amériques d’une part ; de nouer des liens avec des coalitions semblables ailleurs en Amérique du Nord, d’autre part.

Cette double initiative mérite d’être soulignée parce que, historiquement en tout cas, l’AFL-CIO avait plutôt été portée à défendre la politique extérieure du gouvernement américain et à éviter de se compromettre dans des mouvements de solidarité transfrontalière. On pourrait rappeler le rôle stratégique assumé par l’affiliée de l’AFL-CIO en Amérique Latine, l’American Institute for Free Labor Development (AIFLD) qui s’est portée à la défense des syndicats soi-disant "modérés" les plus proches des régimes autoritaires, sinon dictatoriaux, contre tous les syndicats progressistes ou radicaux, et dont l’histoire apparaît rien moins que "sordide" aux yeux de certains auteurs (Armbruster, 1995, p. 86). Nous assistons peut-être à un revirement important et significatif de la part de la grande centrale américaine qui semble désormais collaborer de manière plus ouverte avec des organisations syndicales moins complaisantes vis-à-vis des pouvoirs en place.

L’opposition politique et idéologique de l’AFL-CIO à l’ALENA s’explique par le lien direct que les analystes de la centrale établissaient entre le libre-échangisme et la perte d’emplois à court terme, une perte qui résulterait d’une relocalisation de certaines activités industrielles au Mexique de la part d’entreprises qui voudraient profiter des bas salaires et autres conditions avantageuses qui leur sont offertes dans ce pays par comparaison avec celles qui prévalent aux États-Unis. Cette menace pesait d’ailleurs plus lourdement sur les salariés syndiqués que sur tous les autres. Cependant, afin de contourner le reproche un peu facile qui lui était adressé de s’opposer à l’ALENA pour des motifs essentiellement corporatistes, l’AFL-CIO a très tôt cherché à étendre les enjeux et à élargir ses alliances: concernant les enjeux, l’organisation syndicale a invoqué d’autres questions sociales comme le travail des enfants, les migrations illégales ou le "dumping social", et quant aux alliances, elle a cherché, pour des raisons tactiques, à se rapprocher d’un autre adversaire des accords de libre-échange, le mouvement écologiste. En effet, les relations étaient demeurées tendues entre organisations syndicales et organisations environnementales, essentiellement parce que les premières reprochaient aux secondes d’ignorer ou de sous-estimer les effets négatifs de l’imposition de normes environnementales aussi bien sur les niveaux d’emplois que sur les perspectives de création d’emplois (Wiarda, 1994, p. 124-5).

 

L’opposition au Mexique : la RMALC

Le cas mexicain est très différent de celui des États-Unis et du Canada, surtout à cause de l’ascendant qu’exerce le PRI, au pouvoir depuis 19287, sur l’ensemble des composantes de la société civile et de ses organisations. Cette domination s’exerce par le biais de l’affiliation obligatoire au parti grâce au soutien étatique accordé, par exemple, à la Confederacion de los Trabajadores mexicanos (CTM) ou la Confederacion Nacional de los Campesinos (CNC). Le mouvement syndical officiel est en fait incapable de soutenir et de défendre une position autonome face à la politique économique du gouvernement (Baer et Weintraub, 1994, p. 163). L’adhésion au libre-échange à l’aube des années quatre-vingt est d’autant plus révélateur de cette absence d’autonomie du mouvement syndical officiel que les autorités mexicaines avaient systématiquement eu recours au protectionnisme pendant les décennies précédentes d’une part, et que le réalignement engagé successivement par les présidents de la Madrid et Salinas de Gortari, le premier en fin de "sexenio", l’autre à son début, constituait ni plus ni moins une rupture radicale avec la politique nationaliste là vis-à-vis leur puissant voisin du Nord, d’autre part.

Le plus frappant dans la "contre-révolution monétariste" mexicaine, au delà de ses dimensions politiques, voire idéologiques, c’est la rapidité du revirement de la part de l’opinion publique qui s’est montrée passablement complaisante vis-à-vis de la sanction d’un éventuel accord de libre-échange avec les États-Unis (Villarreal, 1985). Ce retournement s’explique non seulement par l’efficacité de l’ascendant du PRI et de ses instruments de propagande sur les organisations de la société civile, mais également par le fait que des segments importants de l’opinion publique ont cru repérer dans cette éventuelle ouverture commerciale, une occasion à saisir pouvant permettre à la fois de desceller l’emprise du PRI sur la société et d’élargir l’espace de la démocratie sur le plan domestique. Soulignons, au passage, que la privatisation et la déréglementation apportent sans doute, dans nombre de contextes, leur lot de misères et de capitulations, il n’en demeure pas moins que, en obligeant des pouvoirs institués passablement autoritaires ou autocratiques à relâcher certains contrôles et à lever certaines entraves, ces mêmes mesures peuvent permettre d’ouvrir des brèches dans les dispositifs de domination et de contrôle des pouvoirs en question.

Ces précisions prennent tout leur sens dès que l’on se tourne du côté des quelques organisations qui ont fait état de leur opposition au projet d’accord de libre-échange et qui, plutôt que de s’opposer purement et simplement à l’ensemble du processus d’intégration économique, ont choisi la voie de l’ébauche d’un projet alternatif. Il est revenu à une organisation syndicale comme le Frente Autentico del Trabajo (FAT) de saisir l’occasion dès 1991 pour monter, de concert avec d’autres organisations8, une coalition, la Red Mexicana de Accion frente al Libre Comercio (RMALC) qui s’est donnée le double mandat d’élargir l’opposition à l’ALENA et d’engager une réflexion d’ensemble autour de la rédaction d’un autre accord d’intégration qui tiendrait compte des exigences d’un développement social et durable.

L’action et la stratégie du Réseau mexicain se sont ainsi développées en deux temps. Entre l’ouverture des négociations et l’entrée en vigueur de l’ALENA, c’est-à-dire entre 1991 et 1994. La RMALC a d’abord exigé que les discussions autour des termes d’un éventuel accord soient menées en public et revendiqué en parallèle l’élargissement de la participation. Par la suite, une fois l’accord signé, le réseau a modifié son action et sa stratégie pour se concentrer sur l’analyse et l’étude des impacts de l’ALENA sur l’économie nationale et la population d’une part, et ouvrir les discussions autour d’une proposition d’accord alternatif qui favoriserait de manière efficace un développement soutenable et juste, d’autre part. Parmi ces actions, la plus notable, est sans doute celle qui a conduit la RMALC à élaborer et à proposer un programme économique alternatif pour le Mexique qui fut soumis à une consultation publique à l’occasion de la tenue d’un "Référendum de la liberté" en 1995. Plus de 430 000 citoyens participèrent à cette consultation.

 

Canada et Québec: pourquoi deux coalitions?

Pour comprendre pourquoi la ligne de partage des oppositions au libre-échange dans le contexte canadien est loin de suivre un tracé simple, par exemple, un tracé qui opposerait des organisations patronales à des organisations syndicales au-delà de toute référence à une allégeance à un groupe linguistique anglophone ou francophone, il convient de revenir sur la conjoncture économique et politique dans laquelle s'inscrit le débat sur le libre-échange tant au Canada et qu'au Québec. En fait, cette ligne de partage est tributaire de trois facteurs : premièrement, de la dotation en ressources des provinces et de leurs relations avec leurs principaux marchés extérieurs qui sont, dans tous les cas, les États-Unis d'Amérique ; deuxièmement, de la nature des relations commerciales que les provinces entretiennent entre elles ; et, troisièmement, des rôle et fonction de la politique régionale du gouvernement fédéral sur la centralisation et la décentralisation de l’activité économique au pays. Quelques éclaircissements méritent d’être rapidement effectués9.

En premier lieu, si les États-Unis et le Canada sont venus si tard à la formalisation de leurs relations commerciales dans un accord de libre-échange, c’est bien parce que les deux pays en étaient venus à se satisfaire d’un certain statu quo qui avait le mérite d’apaiser les craintes qu’aurait inévitablement suscitées dans l’opinion publique canadienne la signature d’un tel accord tout en ne remettant pas en question les liens économiques privilégiés entre les deux pays. Il convient de rappeler à ce sujet que les deux partenaires comptaient déjà au lendemain de la Deuxième Guerre et comptent toujours à l’heure actuelle, parmi les deux économies les plus intégrées de l’économie mondiale. (Deblock et Brunelle, 1998). En ce sens, et comme nous le soulignerons bientôt, l’ouverture des négociations visait moins à consolider des acquis, mais bien à préparer le passage à des niveaux encore plus profonds d’intégration au moment où les négociations dans le cadre du Cycle Uruguay (GATT), en particulier, semblaient piétiner, voire même promises à l’échec. Repoussée jusque là par le Canada au nom de l’indépendance nationale, la signature d’un accord formel du libre-échange entre les deux pays s’avèrera alors indispensable au Canada pour consolider son statut de premier partenaire commercial des États-Unis, et aux États-Unis pour faire avancer les négociations multilatérales dans des directions nouvelles, plus conformes aux réalités des activités transfrontalières.

En deuxième lieu, rappelons que durant toute la phase antérieure, celle qui court depuis la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au milieu des années quatre-vingt, si l’on n’avait pas cru devoir recourir à un libre-échange général, on n’en avait pas moins eu recours à la signature d’accords sectoriels de libre-échange. Cette approche semblait d’ailleurs à ce point conforme à l’esprit de l’intégration canado-américaine que c’était non seulement celle que le gouvernement fédéral favorisait encore en 1983, alors que le cabinet Trudeau avait lancé l’idée de négocier un libre-échange dans cinq secteurs clé avec les Américains, mais qu’elle ralliera également les faveurs du nouveau chef du Parti progressiste-conservateur, Brian Mulroney, durant la campagne électorale fédérale tenue l’été de la même année. C’était précisément cette approche et cette démarche qui avaient contribué au développement et à la concentration de l’activité industrielle, à l’intérieur de l’Ontario surtout. Deux accords sectoriels, le Defence Production Sharing Agreement (DPSA) de 1958 et le Pacte de l’Automobile de 1965, avaient en effet permis d’asseoir et de consolider la prééminence économique de cette province sur toutes les autres, avec le résultat que, à terme, cette province devait capter la plus grande part des échanges dans l’axe est-ouest au pays, tout en étant aussi celle qui entretenait le plus haut niveau d’échanges avec les États-Unis.

Cette réalité économique permet d’expliquer, du moins en partie, la réaction des autorités ontariennes qui préféreront, au mieux, le maintien du statu quo, au pire, le recours à des accords sectoriels à toute stratégie qui aurait débouché sur la signature d’un accord général de libre-échange. A contrario, cette même réalité permet de comprendre la réaction des autorités politiques du Québec qui, tous partis politiques confondus, se montreront plutôt favorables à l’ouverture de négociations qui pouvaient avoir pour effet d’accroître en faveur de l’économie québécoise la fluidité des échanges dans un axe nord-sud, au lieu de maintenir inchangée une structure des échanges dans un axe est-ouest qui défavorisait l’économie québécoise en lui imposant un déficit commercial systématique vis-à-vis de sa province voisine. Si cette position de principe paraît aller de soi dans le cas du Parti Québécois, qui a pu se rallier au libre-échange pour des motifs essentiellement stratégiques, elle a également reçu les faveurs du Parti libéral du Québec, alors dirigé par le premier ministre Robert Bourassa en prenant fait et cause en faveur du libre-échange, celui-ci se trouvant à prendre le contre-pied de l’option du Parti libéral du Canada à l’époque et à se rallier à celle du Parti progressiste-conservateur (PPC).

Cette réflexion nous conduit tout droit à notre troisième point, c’est-à-dire aux effets et résultats de l’économie politique du fédéralisme même qui, loin de parvenir à enrayer le glissement de l’axe de l’industrialisation vers les Grands Lacs, l’ont bien au contraire favorisé et qui, malgré le recours à toute une panoplie de programmes de développement régional, ne sont jamais parvenus à infléchir la dynamique de la croissance économique et de la localisation industrielle et financière. Ces interprétations différentes rallient ou divisent les partis politiques, non plus selon une ligne partisane, mais selon le niveau où ils interviennent. Ainsi, au Québec, tous les partis provinciaux se déclareront-ils favorables à la signature d’un éventuel accord de libre-échange avec les États-Unis, tandis que, au niveau fédéral, le Parti libéral du Canada (PLC) et le Nouveau Parti démocratique (NPD) y seront tous deux opposés. Au demeurant, l’opinion publique canadienne était sans doute beaucoup plus sensible aux arguments du protectionnisme culturel qu’elle ne l’était au Québec même où les séquelles de la campagne référendaire du mois de mai 1980 se faisaient encore sentir. Le rapprochement entre les deux évènements s’impose, car le libre-échange engageait un débat de société apparenté à bien des égards à celui qui avait été monté quelques années plus tôt, mais qui, cette fois, ne touchait plus l’opinion publique québécoise que de manière très distante (Brunelle et Deblock, 1989). Pour ajouter encore à la confusion, lors de l’élection fédérale de novembre 1988, qui portait d’abord et avant tout sur le projet d’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, le parti du premier-ministre Brian Mulroney avait eu l’habilité de superposer à ce dossier l’épineuse question de la reconnaissance du Québec en tant que "société distincte" dans la Constitution, ce qui lui valut l’appui tactique du PQ et, ce faisant, lui permit de récolter un nombre suffisant de sièges au Québec même pour lui assurer le retour au pouvoir. Sans cet appui, le PPC n’aurait pu s’assurer d’un nombre de voix suffisant dans le reste du Canada pour faire triompher son option libre-échangiste.

 

Les oppositions au Canada et au Québec : Common Frontiers et RQIC

Le coup d’envoi des négociations commerciales Canado-américaines sera donné par les deux chefs d’État, le président Ronald Reagan, et le Premier ministre, Brian Mulroney, lors du Sommet Shamrock tenu à Québec en mars 1985. Le débat devait capter l’attention jusqu’aux élections fédérales de 1988.

Au départ, tous les organismes syndicaux et nombre d’organismes sociaux mettront en lumière les menaces que le projet faisait planer sur l’emploi, sur la législation du travail et, plus généralement, sur les lois sociales au pays. Pourquoi avoir établi cette connexion ? Trois raisons à cela. D’abord le rapport de la commission d’enquête qui avait recommandé la signature d’un accord de libre-échange entre les deux partenaires avait lui-même établi la relation entre la libéralisation des échanges et les niveaux d’emploi. En effet, le Rapport de la Commission sur l’Union économique et les perspectives de développement du Canada, mieux connu sous le nom de Rapport Macdonald, prévoyait qu’"une libéralisation des échanges se ferait surtout sentir sur notre secteur manufacturier", ajoutant immédiatement ce raisonnement sibyllin: "ce secteur ne représente à l’heure actuelle que moins de 20 pour cent des emplois au Canada. Donc, au pire, une libéralisation des échanges n’aurait d’effets directs que sur le cinquième de la main d’oeuvre canadienne" (Rapport, t.I, p. 369), comme si une mesure d’économie politique qui risquait d’affecter vingt pour cent de la main d’oeuvre au pays devait être tenue pour une mesure anodine !

Ensuite, le Rapport Macdonald avait lui-même évoqué le fait qu’un éventuel accord de libre-échange pourrait avoir des effets négatifs sur "l’encouragement au développement économique régional", ainsi que sur les "initiatives culturelles", en passant. Face à ces défis, les commissaires avaient proposé de recourir à des "exclusions précises qui laisserai(en)t certains domaines hors de l’accord et préserverai(en)t ainsi l’aptitude des gouvernements canadiens, à tous les niveaux, de poursuivre ces grands objectifs" (Rapport, t.I : 395).

Enfin, parce que ce même rapport souligne que le libre-échange "obligerait les provinces à abandonner une partie de leur liberté en ce qui concerne l’utilisation des politiques portant sur les barrières non tarifaires. Cette contrainte les priverait sans doute d’une partie de leur champ de manoeuvre politique et gouvernementale" (Rapport, t.I : 401) ; or, dans le contexte canadien, ce sont les gouvernements provinciaux qui ont juridiction en matière syndicale et sociale, la juridiction du gouvernement du Canada en matière de travail étant limitée aux seuls employés du gouvernement fédéral et à ceux des entreprises de la Couronne qui relèvent de sa propre juridiction, ainsi qu’à certains secteurs comme les chemins de fer.

Au-delà de ces raisons immédiates, il faut également prendre en compte d’autres facteurs tout aussi déterminants, comme l’évolution de la négociation elle-même entre les deux pays, dont les nombreux rebondissements interpellaient directement les acteurs sociaux en général, et les syndicats en particulier, ainsi que la nouvelle approche en matière de politique sociale défendue par le gouvernement conservateur de Mulroney. On soulignera alors que la presse avait fait état du débat en cours entre les négociateurs américain, Peter Murphy, et canadien, Simon Reisman, à propos de l’inclusion des programmes sociaux dans les négociations, une revendication portée par les Américains pour qui ces programmes auraient constitué de véritables barrières non-tarifaires10. Au demeurant, on voyait aux États-Unis à la même époque, des groupes de pêcheurs de la côte Est attaquer la politique canadienne d’assurance-chômage qui prévoyait le versement de primes à des travailleurs saisonniers et qui considéraient que cette mesure était discriminatoire à leur égard dans la mesure où elle exerçait une pression à la baisse sur le niveau des rémunérations au Canada par rapport au niveau des rémunérations aux États-Unis11. De plus, on peut mentionner la divulgation des résultats d’une enquête menée à l’été 1986 auprès de dirigeants de multinationales à propos des impacts du libre-échange sur les polItiques gouvernementales et qui ont répondu qu’un tel accord devrait conduire à revoir les politiques d’achat préférentiel, les pouvoirs trop étendus des provinces canadiennes et l’environnement réglementaire canadien. Enfin, il convient de ne pas oublier également que le gouvernement conservateur cherchait déjà, sur le plan interne, à remettre en cause l’universalité de certains programmes sociaux comme la sécurité de la vieillesse et l’aide aux familles12. Pour toutes ces raisons, au Canada comme au Québec, l’ouverture des négociations entre les deux pays devait immédiatement susciter l’émergence de coalitions syndicales opposées au projet en question13.

Au Québec, c’est en 1986 que la Coalition québécoise d’opposition au libre-échange (CQOL) est formée. Elle regroupe les principales centrales syndicales, à savoir la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), ainsi que l’Union des producteurs agricoles (UPA). La première coalition canadienne, Pro-Canada Network, qui changera son nom et s’appellera bientôt Action Canada Network, naîtra l’année suivante, en 1987. Malgré la publication et la diffusion de travaux et d’analyses sur les effets négatifs d’un éventuel accord de libre-échange, la CQOL ne connaîtra jamais le même succès que sa contrepartie canadienne qui saura, quant à elle, engager un véritable débat de société autour des enjeux sociaux et culturels du libre-échange.

Entre temps, dans un important document publié en 1986, la Coalition québécoise avait fait état des effets éventuels du libre-échange, non pas tant sur les conditions de vie et de travail des travailleurs syndiqués, mais bien sur le sort des politiques sociales canadiennes. En fait, autant le débat sur le libre-échange, au niveau canadien, aura pu compter sur des appuis vastes issus de milieux les plus divers, c’est-à-dire les milieux sociaux, politiques, culturels, environnementaux, entre autres, autant au Québec, le débat sera concentré surtout sur les effets économiques du libre-échange et, dans une moindre mesure, sur ses effets sociaux.

Quoi qu’il en soit, le résultat de l’élection fédérale de l’automne 1988 eut un effet démobilisateur pour les opposants au libre-échange au Canada et, peu de temps après, les coalitions se sont sabordées. Tout au plus certains groupes et syndicats opposeront-ils une fin de non recevoir quand s’annoncera la ronde subséquente de négociations, avec le Mexique cette fois, mais ils renonceront à s’engager plus avant.

En revanche, la situation au Québec évoluera différemment, puisque dès avril 1991, dans la foulée même de l'ouverture des négociations entre le Canada, les États-Unis et le Mexique en vue d'en arriver à la signature d'un Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), une Coalition québécoise sur les négociations trilatérales (CQNT) est mise sur pied. Cette coalition se donnera trois objectifs : premièrement, critiquer l'approche réductrice, c'est-à-dire exclusivement commerciale et tarifaire, adoptée par les trois partenaires tout au long de leurs délibérations ; deuxièmement, porter le débat sur la place publique en organisant rencontres, colloques et conférences de presse, tout en sollicitant des entrevues auprès des responsables de ce dossier au niveau politique ; et, troisièmement, participer à la mise sur pied de rencontres et d'échanges avec des syndicats, des associations ou des groupes qui, à l'échelle du continent, partageaient cette approche critique vis-à-vis du projet d'intégration en cours d'implantation.

Peu de temps après, des groupes et syndicats formèrent une nouvelle coalition au Canada, Common Frontiers14, tandis que la CQNT, après avoir également élargi ses alliances, devient le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC)15, en 1994, après l’entrée en vigueur de l’ALENA.

Depuis lors, les deux coalitions ont resserré leurs liens. Elles travaillent en parallèle autour des questions de formation et d’information d’une part, et elles ont toutes deux été activement impliquées, à l’instar des coalitions issues d’autres pays, dans l’organisation du Sommet des peuples tenu à Santiago en avril 1998, en marge du Deuxième Sommet des Amériques, d’autre part.

 

L’opposition à la ZLEA

Avant de traiter des oppositions à la ZLEA, il convient d’apporter quelques précisions au sujet du processus de la négociation lui-même. Ce processus opère à deux niveaux. Au premier niveau, nous avons les sommets des chefs d’État et de gouvernement qui sont convoqués aux quatre ou aux trois ans : le premier Sommet des Amériques s’est tenu à Miami en décembre 1994, le deuxième Sommet, à Santiago du Chili, en avril 1998, tandis que le troisième Sommet aura lieu à Québec en mai 2001. Au second niveau, nous avons les Réunions ministérielles qui réunissent les 34 ministres du commerce des Amériques et qui se tiennent tous les dix-huit mois. Elles ont été tenues successivement à Denver (Colorado) en 1995, à Carthagène (Colombie) en 1996, à Belo Horizonte (Brésil) en 1997, à San José (Costa Rica) en 1998 et, enfin, à Toronto (Canada), en novembre 1999. La sixième Réunion ministérielle aura lieu en avril 2001 à Buenos Aires, soit un mois avant le Sommet de Québec. Elle servira à faire le point sur l’avancement des négociations et à lancer l’étape subséquente, tout comme la quatrième Réunion ministérielle de mars 1998 à San José avait permis de mettre au point le Plan d’action et la formule de négociation qui furent divulgués le mois suivant lors du deuxième Sommet des Amériques.

Quant au contenu, si le premier Sommet avait débouché sur la conclusion d’un accord de principe en vue de la création d’une Zone de libre-échange d’ici 2005, c’est lors du deuxième Sommet que l’on assiste au lancement officiel des négociations de la ZLEA. Un récent document officiel du gouvernement du Canada précise la portée des négociations en cours dans les termes suivants : "L’objet de ces pourparlers est de créer la zone franche la plus vaste au monde, un marché unique qui comprend aujourd’hui 800 millions d’habitants et affiche une produit intérieur brut (PIB) global de plus de 10 billions (10 000 milliards) de dollars US. La ZLEA servira à consolider les régimes de libre-échange que le Canada a établis avec les Etats-Unis, le Mexique et le Chili, ainsi que les liens, de plus en plus nombreux, qu’il noue avec d’autres pays du continent ".

À l’issue du Sommet de Santiago, le Canada assumera la tâche de présider les négociations pendant les dix-huit premiers mois, responsabilité qui échoira à l’Argentine après la Réunion ministérielle de Toronto. À titre de président des négociations, le pays responsable dirige le Comité des négociations commerciales (CNC). La première réunion du CNC a eu lieu à Buenos Aires en juin 1998 et l’on y a défini le programme de travail de neuf équipes de négociations et des trois organes consultatifs16. Depuis septembre 1998, les négociations se poursuivent à Miami "afin de mettre au point un ensemble important de mesures de facilitation du commerce pour réaliser les progrès concrets souhaités par les chefs d’État et de gouvernement et les ministres d’ici l’an 2000 "17.

Les négociations officielles sont suivies de très près par les milieux d’affaires qui ont mis sur pied un Forum des gens d’affaires des Amériques (FGAA), mieux connu sous son appellation anglaise, Americas Business Forum (ABF), forum qui s’est vu octroyer un statut consultatif officiel par les chefs d’État et de gouvernement18. Le Forum tient ses rencontres en même temps que celles des ministres et celles chefs d’État et de gouvernement depuis la réunion ministérielle de Denver en 1995. À cette occasion, "les discussions s’articulaient autour des secteurs économiques énoncés dans la déclaration de Miami sur l’amélioration de la coopération économique, soit les télécommunications, l’énergie et les transports ". La fois suivante, à Carthagène en 1996, de même que les fois subséquentes, les travaux des participants du Forum furent liés de très près à ceux des Réunions ministérielles. Ainsi, à Belo Horizonte, "plus de 200 recommandations ont été formulées et présentées aux ministres du commerce", tandis qu’au Forum de San José, "les discussions ont porté sur les 221 mémoires présentés par diverses organisations du secteur privé de 17 pays et groupes régionaux tels CARICOM, le MERCOSUR et le Marché commun d’Amérique centrale (…) et les participants ont établi quelque 210 recommandations ". L’effet utile de ces rencontres mérite d’être souligné car "plusieurs des recommandations proposées par les participants au Forum de San José se reflètent dans le mandat des équipes de négociations de la ZLEA et dans le Plan d’action issu du Sommet des Amériques de 1998 "19. D’ailleurs, au delà de ces entrecroisements stratégiques entre milieux politiques et milieux des affaires, il faudrait également faire état du soutien financier réciproque qui a conduit les gouvernements à subventionner la tenue des Forum des gens d’affaires, tout comme des entreprises contribuent au financement des rencontres officielles, soit dit en passant.

Pour sa part, à l’occasion de la Réunion ministérielle de Denver, le mouvement syndical, appuyé par l’Organisation régionale interaméricaine du Travail (ORIT), l’aile continentale de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), organisera une conférence parallèle au terme de laquelle sera rédigée une Déclaration finale dans laquelle les participants font état de leurs préoccupations et revendications face au projet d’intégration économique des Amériques. De même à Carthagène, en 1996, le mouvement syndical des Amériques, non seulement élaborera un nouveau document de réflexion, mais il tentera également d’exercer des pressions sur les représentants des gouvernements. Ceux-ci, dans leur Déclaration finale, reconnaîtront "l’importance de favoriser une plus grande reconnaissance et la promotion des droits des travailleurs et la nécessité d’envisager des mesures appropriées à ce sujet auprès de (leurs) gouvernements respectifs" (Deuxième Réunion..., 1996, 164).

Au cours de ces années, nous assistons à un rapprochement significatif et original, non seulement entre les centrales syndicales elles-mêmes, qui poursuivent leurs échanges et consultations comme elles le faisaient par le passé, mais aussi entre les centrales syndicales et les autres mouvements sociaux à l’intérieur des coalitions nationales d’opposition au libre-échange mises en place au Nord comme au Sud. Ainsi, lors de la réunion des présidents des pays membres du MERCOSUL, du Chili et de la Bolivie tenue à Fortaleza en décembre 1996, la principale centrale syndicale des États-unis, l’AFL-CIO, de même que l’ORIT, envoyèrent des représentants pour appuyer les autres centrales sud-américaines qui s’étaient entendues pour commémorer une "journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs du MERCOSUL". Cependant, peu après, lors de la troisième Réunion ministérielle de Belo Horizonte en mai 1997, ce ne sont plus seulement les représentants du mouvement syndical des Amériques qui se réunissent, mais également les délégués des coalitions d’opposition au libre-échange qui cherchent depuis lors à développer des positions communes et à construire les alternatives à l’intégration par les marchés. Parmi les décisions prises à Belo Horizonte, la plus innovatrice est sans doute celle qui a consisté à lancer une Alliance sociale continentale (ASC), c’est-à-dire à jeter les bases d’une alliance large et profonde appuyée sur la construction "d’alternatives viables et concrètes à la ZLEA "20

Par la suite, les principales coalitions nationales ont réussi à organiser, en marge du Deuxième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des Amériques, le premier Sommet populaire des Amériques, tenu à Santiago du 14 au 17 avril 1998. Ce sommet avait été convoqué à l’instigation de cinq coalitions nationales d’opposition au libre-échange, dont quatre issues du Nord, ART, la RMALC, Common Frontiers et le RQIC, une issue du Sud, la Red Chile por una Iniciativa de los Pueblos (RECHIP), la coalition hôte, ainsi qu’à l’instigation d’organisations, dont l’ORIT, environnementales, féministes, autochtones, de même que de l’Instituto Brasileiro de Analise Social e Economica (IBASE)21. Le Sommet des peuples a non seulement représenté un moment fort de l’opposition au libre-échange dans les Amériques, il a surtout permis de rassembler des opposants venus des horizons les plus divers et d’établir un consensus autour d’un document intitulé: "Des Alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent". Ce document réunit et rassemble les déclarations et prises de positions issues des dix forum réunis autour du Sommet des peuples22.

Face à de semblables initiatives politiques et sociales, les gouvernements ne sont pas restés passifs, loin de là. Inquiets devant la montée des oppositions au projet de ZLEA et tirant d’amères leçons du ratage des négociations menées à l’instigation de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en vue d’en arriver à un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), les chefs d’État et de gouvernement des Amériques ont mis sur pied un Groupe consultatif sur la participation de la société civile (Deblock et Brunelle, 1999). L’idée générale qui court derrière cette initiative, c’est que les négociations de l’AMI, en particulier, ont péri faute d’information de sorte que, si l’on réussissait à remédier à cette lacune, les populations adhéreraient sans réticence au projet des Amériques. Cependant l’initiative en question rallie les deux extrêmes, à savoir les deux pays les plus riches, les États-Unis et le Canada d’une part, la plupart des 21 plus petits pays23 d’autre part, tout en rencontrant une opposition très forte de la part d’un seul, le Mexique, mais dont on sait par ailleurs qu’il sert de porte-voix à quelques autres qui préfèrent demeurer passifs sur toute cette question. Étant donné que le processus de négociation, dans le cadre de la ZLEA, est mené sur la base de consensus, chaque partenaire dispose, dans la pratique, d’un droit de veto. La position mexicaine vis-à-vis de la société civile est d’autant plus difficile à défendre que l’ABF est dûment reconnu et accrédité, et que les pays soutiennent activement et financièrement sa participation. En revanche, la position mexicaine s’explique aisément : au niveau formel, elle s’appuie sur une vision exclusive du rôle des pouvoirs législatif et exécutif en tant que seuls représentants dûment mandatés pour parler au nom de la société civile ; au niveau stratégique ou tactique, elle veut éviter les affrontements avec une opposition politique qui occupe une place fort réduite au sein des institutions officielles24. On aura alors compris que cette position de principe rallie essentiellement les pays qui vivent sous l’empire de régimes autoritaires, mais cette qualification ne peut évidemment pas être utilisée dans le contexte d’une négociation menée entre chefs d’États et de gouvernement "démocratiquement élus", l’exigence qui a servi à exclure Cuba des négociations en cours.

En attendant, le processus de formation de coalitions s’étend et s’approfondit. Après le Brésil et la formation là-bas de la REBRIP, ce fut au tour de l’Amérique centrale de se doter de sa propre coalition, la Iniciativa de la sociedad civil sobre la integracion centro-americana (ICIC), tandis que le Congrès latino-américain d’organisations rurales (CLOC) se joignait à l’ASC. À leur tour et au niveau interne, chacune de ces coalitions rallient un nombre croissant d’organisations. Elles sont activement engagées dans la formation au niveau de chacune des sociétés civiles, tout en travaillant à la constitution d’un front large d’opposition au projet des Amériques. Ceci dit, ces coalitions ne visent pas à établir une quelconque hégémonie sur les organisations issues de la société civile puisque certaines d’entre elles, les organisations des femmes et des autochtones, pour ne citer que ces deux-là, préfèrent conserver leur autonomie, leur marge de manœuvre ainsi que leur propre stratégie d’internationalisation.

 

Les Alternatives pour les Amériques et l’Alliance sociale continentale

Prenant acte des échecs consécutifs aux stratégies poursuivies par les coalitions nord-américaines contre les accords de libre-échange durant les deux étapes successives de négociations de l’ALE, puis de l’ALENA, d’une part, et prenant acte des acquis, aussi réduits soient-ils, obtenus par suite des pressions et négociations menées par les syndicats et autres acteurs sociaux dans le cadre du MERCOSUR25, d’autre part, les membres des diverses coalitions d’opposition au projet des Amériques ont convenu de défendre une approche plus offensive face au projet des Amériques. Cette approche vise à accroître l’implication des opposants et à en élargir le nombre en travaillant sur des alternatives au Plan d’action, au lieu de se contenter d’un refus pur et simple. Devant la démultiplication des lieux d’opposition, devant l’accroissement des effets pervers de la mondialisation des économies et devant la prolifération des critiques, le temps était venu d’engager la convergence la plus large possible en vue de dégager des pistes de réflexion et d’action susceptible d’offrir des alternatives, et non plus une alternative, à la mondialisation des économies. Il s’agissait désormais de proposer des alternatives sociales, populaires et soutenables face au projet préparé par les chefs d’État et de gouvernement. À leur tour, ces alternatives prenaient appui sur les recommandations issues de toute une panoplie de forum couvrant toutes les dimensions des sociétés26.

La diffusion, dans les quatre langues officielles, au lendemain de la tenue du Premier Sommet des peuples des Amériques, du document intitulé Des Alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent, marquait à la fois l’aboutissement d’un travail amorcé à Belo Horizonte et un jalon important dans cet ambitieux projet de constitution d’un alliance sociale embrassant le plus grand nombre de secteurs et d’acteurs issus des 35 sociétés civiles des Amériques, y compris Cuba.

Au point de départ, le document sur les alternatives définissait les principes généraux suivants, à savoir que " le commerce et l'investissement ne doivent pas constituer des fins en soi, mais bien des moyens susceptibles de nous mener vers un développement juste et durable. il est essentiel que les citoyens et les citoyennes exercent leur droit de participer à la formulation, à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques sociales et économiques du continent. Les objectifs centraux de telles politiques doivent être la promotion de la souveraineté économique, le bien-être collectif et la réduction des inégalités à tous les niveaux ".

Or, en attendant cet autre événement majeur qui fournira une nouvelle occasion de rassembler les forces sociales des Amériques dans la ville de Québec lors de la tenue du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement en 2001, quelque deux cents représentants de l’Alliance sociale continentale se sont réunis à Toronto du premier au 5 novembre, en marge de la cinquième Réunion ministérielle. Cette réunion a permis de consolider l’Alliance et de préparer le terrain en prévision du deuxième Sommet des peuples des Amériques. Une des revendications centrales autour de laquelle l’unanimité s’est faite, c’est la dénonciation de la clandestinité du processus de négociation et l’exigence de transparence. Nous sommes dès lors encore loin de l’établissement d’une consultation en bonne et due forme.

 

Des Alternatives pour les Amériques (extraits)

Droits humains : Les nations des Amériques doivent accepter un programme commun sur les droits humains qui fera partie intégrante de tout accord d'envergure continentale, comprenant les mécanismes et les institutions susceptibles d'en assurer la mise en œuvre, le respect et la sanction. Ce programme devra promouvoir une définition des droits humains la plus large possible, englobant les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux, l'égalité entre les sexes, ainsi que les droits applicables aux collectivités et aux peuples autochtones.

Environnement : Les accords continentaux doivent permettre aux pouvoirs publics d'orienter les investissements vers des activités économiques durables et, parallèlement, d'élaborer des plans permettant "l'internalisation" progressive (la prise en compte) des coûts sociaux et environnementaux des activités de production et de consommation non durables.

Travail : Les accords continentaux doivent prévoir des modalités qui assurent le respect des droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs, offrir une aide suffisante pour permettre d'adapter la main-d'œuvre à l'ouverture des marchés et promouvoir l'amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs et travailleuses, ainsi que de leur famille.

Immigration : Les accords doivent reconnaître la diversité des situations dans chaque pays en matière d'immigration et permettre les modifications aux politiques d'immigration, tout en encourageant le financement des programmes visant l'amélioration des possibilités d'embauche dans les régions qui affichent un taux d'exportation net de main-d'œuvre. En outre, les pouvoirs publics doivent veiller à l'application uniforme des droits syndicaux auprès de tous les travailleuses et travailleurs à l'échelle nationale, quel que soit leur statut aux yeux de l'immigration, et sanctionner sévèrement les employeurs qui violent ces droits.

Rôle de l'État : Les accords continentaux ne doivent pas affaiblir la capacité de l'État-nation à répondre aux besoins sociaux et économiques de leurs citoyens. Cependant, le but des réglementations nationales sur le plan économique ne doit pas conduire à la défense pure et simple d'un protectionnisme classique, mais ces réglementations doivent plutôt promouvoir un développement juste et durable des activités économiques engagées sous l'égide du secteur privé. De même, les accords doivent permettre à l'État-nation de conserver des sociétés du secteur public et des politiques d'approvisionnement qui répondent à des objectifs de développement national, et lui permettre également de combattre la corruption gouvernementale dans le secteur public.

Investissement : Les règles applicables à l'échelle continentale doivent encourager les investissements étrangers qui garantissent la création d'emplois de qualité, une production durable et la stabilité économique, tout en permettant aux gouvernements de refuser les investissements qui ne constituent pas un apport net en termes de développement, plus particulièrement, les mouvements de capitaux à caractère spéculatif. Les groupes de citoyens et tous les paliers de gouvernement doivent avoir le droit de poursuivre les investisseurs qui enfreignent les règles nationales d'investissement.

Finance : Afin de promouvoir la stabilité économique, les accords doivent imposer une taxe sur les transactions effectuées sur le marché des devises qui permettrait de créer un fonds de développement. Les pouvoirs publics doivent imposer les gains spéculatifs, exiger que les portefeuilles de valeurs mobilières demeurent au pays pour un temps déterminé et offrir des mesures incitatives aux investissements directs et productifs. Afin d'uniformiser les règles du jeu, les pays à faible revenu devraient pouvoir renégocier leur dette étrangère, en réduire le capital et les intérêts, et pouvoir également repousser l'échéance des remboursements.

Propriété intellectuelle : Les ententes doivent protéger les droits et les moyens de subsistance des personnes qui pratiquent l'agriculture et la pêche, de même que ceux des collectivités faisant office de dépositaires de la biodiversité. Les intérêts commerciaux ne doivent pas primer ces droits. Les réglementations doivent interdire l'émission de brevets sur la vie et veiller à ce que les droits d'auteurs soient versés aux artistes, musiciens et autres artisans de la culture, et non pas aux seules industries de l'édition et du divertissement.

Développement énergétique durable : L'accord doit permettre aux signataires de déposer des plaintes à l'endroit d'un pays qui chercherait à obtenir un avantage concurrentiel aux dépens d'un développement durable. Les organisations internationales doivent collaborer à la mise en place d'incitatifs en matière d'efficacité énergétique et d'énergie renouvelable. Elles doivent mettre en valeur les technologies alternatives et éliminer les politiques visant à promouvoir ou à subventionner la vente, la consommation ou l'utilisation des combustibles fossiles.

Agriculture : Pour garantir la sécurité alimentaire, les pays doivent pouvoir protéger ou exclure les denrées de base de la portée des ententes commerciales. Des mesures à l'échelle continentale doivent également stimuler l'harmonisation à la hausse de l'aide financière accordée au secteur agricole (en fonction d'un pourcentage du PIB), renforcer la protection des ouvriers agricoles et les droits traditionnels des peuples autochtones de vivre du produit des terres ancestrales.

Accès aux marchés : La définition et l'évaluation de l'accès aux marchés pour les produits et les investissements étrangers doivent se faire dans le cadre des plans de développement nationaux. L'échéancier de réduction des tarifs doit s'accompagner de programmes visant à permettre aux industries nationales de devenir concurrentielles durant la phase de transition. En ce qui concerne les barrières non tarifaires, des mesures s'imposent pour voir à ce que celles-ci répondent bien à des intérêts sociaux légitimes, non à la protection de certaines entreprises.

Mesures d'exécution et règlement des différends : Pour que les règles et les normes proposées ne restent pas lettre morte, elles doivent comporter des mécanismes efficaces de règlement des différends et de mise en application. Ces mesures doivent permettre de réduire les inégalités et elle doivent reposer sur l'application de procédures justes et démocratiques. Enfin, les accords doivent prévoir des mesures de protection pour les pays en difficulté du fait d'une augmentation soudaine des importations

Conclusion

Partisans et adversaires du Plan d’action issu du deuxième Sommet des Amériques ne sont pas campés dans des positions inconciliables ou irréconciliables. Le processus est long et les négociations s’avèrent complexes27, voire même, aléatoires, puisque la Maison Blanche ne dispose pas encore du mandat de négocier que lui assurerait l’octroi de la procédure dite de fast-track de la part du Sénat, une condition indispensable à la sanction de l’accord par le pouvoir législatif28.

Pour le moment, les partenaires des États-Unis poursuivent les négociations sans se préoccuper outre mesure des contraintes constitutionnelles, tout en gérant au mieux les défis posés par les revendications issues des sociétés civiles elles-mêmes. Dans le cas du Canada, une position conciliante a poussé les autorités politiques à reconnaître le rôle de la société civile et de ses représentants ; cette reconnaissance a pris la forme d’un appui apporté à l’organisation du Sommet parallèle qui s’est tenu en même temps que le Sommet ministériel de Toronto en novembre 1999. Bien sûr, on peut penser que cette concession de la part des autorités canadiennes relève moins d’une ouverture d’esprit qu’elle ne répond à un objectif stratégique précis ; en effet, en tant qu’hôte du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement qui se tiendra à Québec en avril 2001, le gouvernement doit chercher à atténuer du mieux que possible les éventuelles oppositions sociales au projet des Amériques.

Pour leur part, les coalitions ne font pas relâche non plus. On peut s’attendre à un élargissement des alliances d’un côté, à l’approfondissement des revendications de l’autre. De plus en plus, elles dénoncent la clandestinité de la négociation elle-même, ne serait-ce qu’en comparaison du peu qui se fait déjà dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), par exemple. C’est ainsi que les trois organisations régionales, la BID, l’OEA et la CEPALC préparent documents et autres études sur les effets et retombées de l’intégration économique, mais ces documents demeurent classés et disponibles uniquement pour les négociateurs. Que peut bien signifier la consultation des sociétés civiles dans ces conditions si les organisations sociales et autres n’ont même pas accès à l’information de base produite par les experts sur les sujets qui les intéressent au premier chef?

Face à ces enjeux, la dénonciation des négociations en cours risque de gagner en intensité et ce, malgré les velléités de consultation exprimées par ailleurs.

Enfin, de plus en plus, l’opposition dans les Amériques noue des liens avec d’autres oppositions et, notamment, avec celles qui émergent en ce moment contre le Cycle du millénaire dont on annoncera l’ouverture lors de la réunion des 135 membres de l’OMC à Seattle à la fin novembre 1999. Plus tard, en avril 2000, la réunion des pays membres de l’OEA risque d’être, là encore, une autre occasion importante à saisir pour toutes les forces d’opposition qui cherchent à définir et à imposer un projet de mondialisation sociale et environnementale encore en chantier, contre l’actuel projet de mondialisation des économies.

 

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    Wiarda, Howard J. (1994), "The U.S. Domestic Politics of the U.S.-Mexico Free Trade Agreement", in Baer et Weintrab, op. cit., pages 117-143.

     

     

  • Notes

    1 Ce texte est un prolongement et une mise à jour d’un article antérieur. Voir: D. Brunelle, "As novas praticas sindicais frente ao NAFTA", in Yves Chaloult et P. A. de Almeida, coordonnateurs (1999), MERCOSUL, NAFTA e ALCA. A Dimensao Social, Editoria LTR, Sao Paulo, p. 217-231.

    2 Voir, à ce sujet, la publication diffusée par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) : Jean-Paul Marthoz et Marcela Szymanski (1996), L’enfer des nouveaux paradis fiscaux. La répression antisyndicale dans les zones franches, CISL.

    3 Nous avons été amenés à proposer une distinction forte entre deux générations d’accords commerciaux, distinction en vertu de laquelle l’accord de 1985 entre les Etats-Unis et Israël, mais surtout l’ALE de 1989 entre ceux-là et le Canada, représentent bel et bien l’instauration d’un nouveau régime commercial international qui trouvera un premier aboutissement au niveau mondial dans l’AMI, en particulier. Cet argument a été développé dans : C. Deblock et D. Brunelle (1996), "Le régionalisme économique international : de la première à la deuxième génération", in Michel Fortmann, S. Neil Macfarlane et Stéphane Roussel (dir.) Tous pour un ou chacun pour soi. Promesses et limites de la coopération régionale en matière de sécurité, Québec, Institut québécois des hautes études internationales, p.271-316.

    4 Il y aurait beaucoup à dire sur cette inconstance politique, ou sur cette constance économique, selon le point de vue où l’on se place, puisque trois chefs d’État et de gouvernement de trois pays ont modifié radicalement leur stratégie devant cet enjeu du libre-échange. Selon nous, l’explication doit être recherchée au-delà du seul recours à la manipulation, voire au cynisme, de la part des leaders politiques. Non pas que cette dimension soit absente, loin de là, mais elle serait nettement insuffisante si elle nous devait nous empêcher de mettre en lumière un phénomène beaucoup plus grave, au fond, qui est celui du poids déterminant des contraintes économiques elles-mêmes. En ce sens, l’exigence de la libéralisation des marchés s’impose aux pouvoirs exécutifs quels que soient les engagements électoraux auxquels tel ou tel chef de parti a pu souscrire. Et c’est bien cet aspect de la question qui est le plus grave, car il a pour conséquence première de déplacer l’enjeu de l’imputabilité avec le résultat que les citoyens électeurs sont privés de l’emprise qu’ils pourraient exercer sur leurs élus dans le moment même où ce sont d’autres forces économiques qui imposent leurs propres contraintes au pouvoir politique et à ceux qui l’exercent. C’est ce à quoi l’on réfère quand on évoque la question du "déficit démocratique" qui caractérise l’ensemble du processus d’intégration dans les Amériques. Déficit essentiellement lié au fait que nous glissons vers une démocratie d’exécutif qui s’exerce aux dépens des autres aspects et dimensions du processus démocratique et, ce, aux dépens des pouvoirs législatifs.

    Les pouvoirs exécutifs ont de plus en plus en prise sur la mondialisation et imposent leurs exigences et contraintes auprès de toutes les autres instances de pouvoirs et par conséquent des citoyens. Témoigne de ceci, à un niveau très superficiel, non seulement l’extraordinaire excroissance des bureaucraties et des personnels qui relèvent directement des ministères, mais surtout la prolifération des agences, centres et autres forums financés à même les fonds publics qui répondent directement à tel ou tel ministère et dont les missions centrales consistent à développer, à défendre, à approfondir, à propager ou à diffuser les politiques de leurs bailleurs de fonds ministériels.

    5 Cette précision est d’autant plus importante dans le contexte américano-mexicain, que le rapprochement entre les gouvernements frontaliers au niveau "étatique" précède de plusieurs années l’entrée en vigueur de l’ALENA. En effet, c’est en janvier 1992, que l’on assiste à la création de l’Association des États du Golfe du Mexique, une association qui réunit dix États, cinq au Mexique (Tamaulipas, Veracruz, Tabasco, Campeche et Yucatan) et cinq aux États-Unis (Floride, Alabama, Louisiane, Texas et Mississippi). Le but de l’Association était précisément de favoriser les échanges entre les partenaires.

    D’ailleurs, comme l’a bien montré Sidney Weintraub, dans A Marriage of Convenience (1990, pages 69-113), il faut préciser que l’ouverture même des négociations qui devaient conduire à la signature de l’ALENA avait été sans doute en grande partie rendue possible par suite de la signature de plusieurs accords commerciaux entre les deux pays, voire entre certaines entreprises comme IBM et le gouvernement mexicain (Idem, pages 108-112), durant les années quatre-vingt.

    6 Une liste incomplète des groupes environnementaux et des associations de consommateurs opposés à l’ALENA comprendrait les noms suivants: Environmental Action; Friends of the Earth, U.S.; Greenpeace; Natural Resources Defence Council; Sierra Club; Center for Science in the Public Interest; Community Nutrition Institute; Consumer Federation of America; National Consumer League; Public Citizen; Public Voice; Arizona Toxins Information Project; Child Labor Coalition; Community Nutrition Institute; Southern Arizona Environmental Management Society. Ces groupes et associations, formellement ou non, ont constitué le front des "Verts" contre l’ALENA. De plus, on a assité à la formation de plusieurs autres coalitions formées de groupes de droite, par exemple, avec Patrick Buchanan, derrière de mot d’ordre "America First". À ce propos, il convient de préciser que le Citizens Trade Campaign dont il sera question ci-après, se présente comme une coalition formée de groupes de gauche (Wiarda, 1994, p. 128-9).

    7 Le PRI porte ce nom depuis 1946. Cependant, il est l’héritier direct du Partido Revolucionario établi par Plutarco Elias Calles en 1928-9. Le nom a été par la suite changé en Partido de la Revolucion Mexicana par Lazaro Cardenas en 1938.

    8 La RMALC est composée d’organisations syndicales, paysannes et indigènes, de groupes environnementalistes, d’ONG ainsi que de chercheurs.

    9 Ce n’est pas le lieu d’approfondir cette question, mais il n’en demeure pas moins que la raison fondamentale qui explique le mieux l’existence de deux coalitions, c’est peut-être parce qu’il y a bien deux sociétés civiles au Canada, l’une opérant sous l’égide d’un Code civil, la province de Québec, l’autre, sous l’égide de la Common Law, les neufs autres provinces. Voir D. Brunelle (1997), Droit et exclusion. Critique de l’ordre libéral, Montréal et Paris, L’Harmattan.

    10 Voir, par exemple, Le Devoir du 20 mai 1986: "Reisman exclut les programmes sociaux".

    11 Ces mêmes groupes auront finalement gain de cause puisque c’est à la suite du dépôt d’une plainte des homardiers américains en vertu de l’ALE que le gouvernement fédéral devra s’abstenir de combler les déficits de la caisse d’assurance-chômage. Cette décision venait alors confirmer ex post facto le lien que des analystes avaient établi au départ entre commerce et politique sociale.

    12 Le gouvernement conservateur avait annoncé ses intentions dans un document présenté aux lendemains de son élection. À ce propos, on pourra consulter: Ministère des Finances, Une nouvelle direction pour le Canada, programme de renouveau économique, Ottawa, 1985, dans lequel il était question de la réduction des avantages aux bénéficiaires et de la compression des dépenses gouvernementales.

    13 Entre autres indicateurs de ce réalignement intervenu dans l’économie politique des pouvoirs en place, il conviendrait de citer également: le Rapport Forget sur la réforme de l’assurance-chômage, au niveau fédéral, ainsi que le Rapport Fortier sur la privatisation, le Rapport Scowen sur la dérèglementation (Québec, Réglementer moins et mieux, juin 1986) et le Rapport Gobeil sur l’organisation gouvernementale, au niveau de la politique provinciale québécoise.

    14 À l’heure actuelle, Common Frontiers rassemble deux syndicats, Canadian Autoworkers Union/ les Travailleurs canadiens de l’auto et United Steelworkers, ainsi que la principale centrale syndicale au pays, Canadian Labour Congress/le Congrès du travail du Canada, de même que les cinq organismes suivants: Canadian Environmental Law Association, Latin American Working Group, Ecumenical Coalition for Economic Justice, Oxfam-Canada et Solidarity Work/Maquila Network, ainsi que le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique..

    15 Le RQIC est formé de seize organisations. Il comprend trois centrales syndicales, la Centrale des enseignants du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, ainsi que les organismes suivants: Alternatives, Association des avocats en droit du travail, Association québécoise des organismes de coopération internationale, Centre d’études sur les régions en développement de l’Université McGill, Centre international de solidarité ouvrière, Centre québécois du droit de l’environnement, Conseil central de Montréal-Métropolitain, CUSO-Québec, Développement et Paix, Groupe de recherche sur l’intégration continentale, Ligue des droits et libertés, Réseau québécois des groupes écologistes et, enfin, Solidarité populaire Québec. Déjà, en tant que CQNT, la coalition avait noué des liens serrés avec la RMALC, en particulier; c’est ce qui explique sans doute une partie de la convergence entre les stratégies auxquelles les membres ont eu recours dans les contextes mexicain et québécois où il s’est agi de monter des plates-formes alternatives aux accords existants plutôt que d’avoir recours à la seule opposition de principe à l’ouverture des marchés. À son tour, ce rapprochement s’explique du fait que certains membres de la CQNT, la CSN en particulier, entretenaient des relations étroites avec le FAT au Mexique et la CUT au Brésil.

    16 Les neuf groupes de négociations sont : accès aux marchés ; agriculture ; investissement ; services ; marchés publics ; droits de propriété intellectuelle ; subventions, droits antidumping et droits compensateurs ; politique de concurrence ; règlements des différends. Les trois organes sont : le Conseil consultatif sur les économies de petite taille ; le Comité des représentants des gouvernements pour la participation de la société civile ; le Comité mixte (public/privé) des spécialistes du commerce électronique.

    17 Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Document d’information, 1er novembre 1999.

    18 Cette participation sera de nouveau confirmée dans le Plan d’action issu du deuxième Sommet des Amériques. En effet, le plan précise que les gouvernements s’engagent à "faciliter la participation du secteur privé aux projets d’infrastructure tant aux niveaux local que transnational qui peuvent servir de base aux accords bilatéraux et multilatéraux à venir" (à la page 26).

    19 ABF-Canada, Document d’information, Cinquième Forum des gens d’affaires des Amériques, 1er novembre 1999.

    20 Des Alternatives pour les Amériques. Vers un accord entre les peuples du continent, version préliminaire, octobre 1998, p. 5.

    21 Depuis lors, en début d’année 1999, le Brésil s’est doté d’une coalition en bonne et due forme, la Red brasileira sobre integraçao dos povos (REBRIP).

    22 Ces dix forums portaient respectivement sur les domaines et thèmes suivants: les alternatives socio-économiques, l’environnement, la paysannerie et l’agriculture, les droits humains, l’éducation, l’éthique, les autochtones, les femmes, les parlementaires, et, enfin, le travail et le syndicalisme.

    Voir: Memoria de la Cumbre de los Pueblos de América, Santiago de Chile, janvier 1999.

    23 Il y aurait sans doute davantage à dire sur les place et rôle des petits pays dans tout le processus de négociation de la ZLEA où ils se trouvent considérablement désavantagés par rapport à leur situation objective à l’OMC, par exemple. En ce sens, le recours au consensus les pénalisent gravement vis-à-vis de pays plus forts, comme le Mexique, en particulier. Notons, pour mémoire qu’il y 24 économies de petite taille dans les Amériques, sur 34 partenaires, et plus de 90 à l’OMC sur 135 membres.

    24 Le Mexique est le seul pays, à notre connaissance, où plusieurs partis d’opposition, dont le PRD, le PT et le PVEM, entre autres, se sont alignés, sinon en totalité, du moins en grande partie, sur les termes de l’opposition définie par la RMALC. Voir: RMALC (1997), Espejismo y realidad: El TLCAN tres anos despues. Analisis y propuesta desde la sociedad civil, p. 10.

    25 Le MERCOSUR prévoit certains mécanismes de consultations, en particulier, à l’intérieur du Sous groupe de travail 10 sur "Les affaires syndicales, les entreprises et la sécurité sociale". Voir la contribution de Ana Maria Stuart, "A sociedade civil na intregraçao : movimentos sociais e organizacoes sindicais", in Yves Chaloult et Paulo Roberto de Almeida, dir, (1999), MERCOSUL, NAFTA e ALCA. A dimensao social, Sao Paulo, LTr. p. 120-131.

    26 La liste de ces forum a été fournie à la note 20 supra.

    27 Ce n’est pas le lieu d’entrer dans la mécanique de ces négociations. Qu’il suffise, pour donner une idée de cette complexité, de rappeler que les négociations sont menées en parallèle par neuf Groupes de Négociations, (GN) trois comités, ainsi qu’un Comité tripartite. Les neuf GN mènent chacun la négociation sur les thèmes particuliers. Le Comité tripartite est une instance qui regroupe les trois organisations régionales qui sont activement engagées dans le soutien à la fois logistique et analytique à la négociation, à savoir: l’Organisation des états américains (OEA), la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe (CEPALC). Les trois comités et les neuf GN répondent à leur tour à un Comité technique de négociation ou Technical Negociation Committee (TNC) qui constitue en quelque sorte le lieu où l’on décide ce qui mérite de monter d’un cran vers le haut et d’être déposé à la table de négociations où siègent ministres ou chefs d’États et de gouvernement eux-mêmes.

    28 Aux États-Unis, la Constitution sanctionne un dualisme fort en vertu duquel le pouvoir législatif a toujours le dernier mot en matière d’application des traités et autres instruments internationaux signés par l’exécutif. Pour contourner cette difficulté, on a mis au point la procédure de fast-track qui autorise le président à négocier un accord dans un délai prescrit et si ce délai est respecté, le Sénat ne peut pas amender le texte déposé pour sanction devant lui, il ne peut que l’approuver ou le rejeter en bloc. Bien sûr, pour le moment, les échecs répétés de la Maison Blanche de se voir octroyer la procédure n’affecte pas sa capacité de négocier, mais il arrivera bien un moment où il faudra que l’Accord de libre-échange des Amériques (ALEA) soit déposé devant la Chambre Haute.

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