Afef Benessaieh, «Le débat sur les effets sociaux du libre-échange», Continentalisation, Cahier de recherche 96-7,Septembre 1996.

Ce rapport est une recension des analyses et des positions prises au sujet de la question sociale, telle que traitée dans l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Une emphase particulière a été mise sur la recension des positions et analyses faites par les groupes ou les auteurs critiques au sujet du traitement de la question sociale dans l'ALÉNA.

Introduction

Le commerce contribue-t-il nécessairement à assurer un mieux-être social? Depuis la société de marché, la persistance avec laquelle cette interrogation perdure souligne l'ambiguïté de fond qui caractérise le projet libéral, promettant richesses tout en générant son contraire. Question sans issue théorique véritable, elle rappelle bien qu'on ne peut réduire l'activité commerciale à son seul aspect économique, car le mieux-être social ne se mesure pas uniquement en termes marchands.

Dans un contexte plus précis d'intégration économique régionale, la même préoccupation peut être reformulée, comme ce sera le cas ici avec l'exemple nord-américain[1], processus appréhendé avec craintes parfois. Sur le plan social, l'adoption de l'Accord de libre-échange nord américain (ALÉNA) est à l'origine de réflexions portant sur les conséquences du régionalisme économique sur l'emploi et les conditions de travail. L'entente provoque des prises de position diverses, selon qu'on la considère comme bénéfique ou néfaste pour le mieux-être de la société nord-américaine.

Partant du point de vue selon lequel les phénomènes économiques ont nécessairement une dimension sociale, le texte qui suit se veut une revue de la littérature[2] portant sur les retombées sociales de l'ALÉNA[3]. Dans une perspective polanyienne[4], l'étude d'un processsus économique ne peut être dissocié de la dimension humaine. D'une manière substantive, d'ailleurs, l'économie aborde tout ce qui a trait à la subsistance de l'homme dans la société. Dans ce texte, l'analyse des répercussions sociales de l'intégration économique traitera des tranformations matérielles que subiraient les sociétés nord-américaines par suite de la sanction d'un traité de libre-échange. Nous traiterons plus particulièrement dans le cadre de cette recension de la question du travail. Réduite à une perspective sur les travailleurs, la notion de dimension sociale de l'intégration économique bénéficie d'une plus grande précision qui en facilite l'analyse.

Traiter de la dimension sociale de l'intégration économique peut se faire à plusieurs niveaux, qu'ils soient économique, politique ou encore culturel. C'est la première perspective qui sera empruntée. D'abord, le débat théorique sur les effets sociaux du libre-échange sera présenté comme une polémique entre défenseurs du marché comme agent de régulation sociale et leurs opposants, qui privilégient l'État. En deuxième partie, nous nous intéresserons au point de vue d'un groupe spécifique d'acteurs sociaux -- les organisation syndicales et sociales --, qui ont mis en valeur les effets sociaux de l'ALÉNA. En conclusion, nous montrerons que l'Accord, avec l'ajout ultérieur d'un Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT)[5], a été le fruit d'un compromis entre les visions critiques de l'entente et les points de vue apologétiques. Par ailleurs, ce compromis montre bien que des paramètres sociaux, même lorsque initialement évacués, surgissent inévitablement pour baliser l'espace marchand[6].

1. Le point de vue des économistes

Dans le débat sur l'ALÉNA, les acteurs les plus influents ont été les économistes. Leurs travaux, qu'ils aient été peu ou prou d'inspiration mathématique, ont été mis à contribution parce qu'ils permettaient de renforcer les points de vue exprimés, favorables ou critiques. La controverse sur les effets de l'ALÉNA est divisée en deux tendances. Selon la première, les discussions ont essentiellement porté sur les retombées commerciales de l'Accord. Selon la seconde perspective, celle dont nous traiterons ici, les débats ont porté sur des thèmes reliés au commerce[7], entre autres sur les retombées sociales et environnementales de l'Accord.

Les économistes favorables au libre-échange soutiennent que la libéralisation du commerce entraîne la croissance économique, qui est à son tour nécessairement liée à une amélioration du niveau de vie des individus. Le point de vue minoritaire met en doute l'idée qu'un marché élargi puisse assurer le mieux-être des sociétés, et donne ainsi priorité aux effets pervers d'un commerce libéralisé. Donner raison à l'un ou l'autre n'est pas aisé, étant donné le caractère récent de la mise en vigueur de l'Accord et le manque d'informations empiriques sur ses effets actuels. Cette difficulté est d'autant plus insurmontable que les impacts de l'intégration économique sont, en général, étudiés sur le moyen et le long terme. Par ailleurs, l'évaluation des effets sociaux du libre-échange semble être prédeterminée par une adhésion aux " vertus ou aux travers " du libre-échangisme, selon l'expression de Brunelle et Deblock (1994). Ainsi, dans ce qui suit, il ne s'agira pas de prendre position pour un discours ou un autre, mais d'exposer les arguments de chacune des tendances. De plus, la section suivante ne sera pas le lieu d'une synthèse concernant l'ensemble des effets économiques de l'Accord. Pour rester près du sujet, nous nous concentrerons sur le traitement de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire que nous aborderons essentiellement les questions du revenu et du déplacement intersectoriel de la main-d'oeuvre.

1.1. Les défenseurs du libre-échange

Selon la tendance favorable à l'Accord, la relation entre marché et société est posée dans des termes positifs. Pour ces auteurs, le libre-échange permettrait une allocation plus efficace des ressources utilisées, ainsi que la consolidation d'un environnement économique compétitif, favorable à l'innovation et à la réduction des prix sur le marché[8]. Cette amélioration des conditions de la production serait profitable à l'ensemble de la société. Dans cette perspective, les restructurations industrielles initiées dans la foulée d'un processus d'intégration économique seraient tout au plus transitoires. Elles impliqueraient dans le long terme une amélioration globale du niveau de vie de la main-d'oeuvre nord-américaine, qui favoriserait l'établissement de meilleurs standards sociaux à l'avantage des travailleurs mexicains[9] et le maintien des niveaux actuels de protection sociale pour les travailleurs américains et canadiens.

Les effets théoriques du libre-échange

Être en faveur du libre-échange ne signifie pas nécessairement qu'on doive manifester un enthousiasme irrépressible quant à l'ensemble des effets de l'ouverture économique. Sauf exceptions, les libre-échangistes n'ignorent pas que celle-ci ne profite pas à tous les secteurs économiques, car certains, identifiés comme étant les moins compétitifs, déclineraient au bénéfice de secteurs plus avantagés. Selon le théorème de Stolper-Samuelson, proposé dans les années quarante par le prix Nobel Paul Samuelson et son collègue Wolfgang Stolper, le libre-échange est à l'avantage du facteur de production nationale le plus abondant, tout en étant au détriment des autres[10]. Associé à la théorie ricardienne des avantages comparatifs, selon laquelle chaque pays gagne à se spécialiser dans la production pour laquelle il possède le plus grand avantage comparé, ce théorème est fréquemment rappelé[11]. Ainsi, le effets prévus de l'ALÉNA seraient un renforcement des avantages comparatifs respectifs, et une spécialisation nationale dans les secteurs utilisant le facteur de production le plus abondant. De cette manière, le Mexique aurait avantage à se spécialiser dans la production nécessitant un fort apport en main-d'oeuvre, son facteur le plus abondant, tandis que le Canada et les États-Unis auraient tendance à mettre à profit les industries à forte teneur en capital, c'est-à-dire à technologie avancée. Dans l'ensemble des cas, les salaires auraient tendance à augmenter sur le long terme, si l'on se fie, entre autres, sur l'hypothèse d'une demande régionale en croissance pour des produits bon marché (Mexique) et des produits de haute qualité (États-Unis et Canada).

Les déplacements intersectoriels de la main-d'oeuvre

L'utilisation combinée de ces théories économiques d'inspiration classique permet de justifier le fait que la main-d'oeuvre nord-américaine puisse être contrainte de se déplacer des secteurs jugés les moins compétitifs vers les secteurs en expansion. Ces transitions sont perçues comme un effet positif des ajustements industriels, initiés par la reconfiguration économique caractérisant le processus d'intégration. En effet, les auteurs favorables au libre-échange considèrent que les déplacements intersectoriels de main-d'oeuvre apporteraient un surcroît d'efficacité à l'activité économique nationale[12]. Pour les États-Unis et le Canada, être plus efficace signifie d'avantage de spécialisation en terme technologique et une meilleure rénumération globale de la main-d'oeuvre. Ces transformations seraient positives, car elles démontreraient que les économies américaine et canadienne s'adaptent et tirent profit de la concurrence mexicaine. Même si quelques auteurs considèrent que les gains initiés par l'ALÉNA seraient réduits[13], un consensus se dégage pour prédire que l'Accord doit être profitable pour les trois économies, et ce, particulièrement pour le Mexique[14].

Un accord à l'avantage du Mexique

Une emphase particulière est mise par l'ensemble des auteurs sur les conséquences favorables de l'ALÉNA sur l'économie mexicaine. Cet accent est d'une certaine importance, car il permet de faire valoir d'une part que l'Accord ne signifierait pas une exploitation accentuée de la main-d'oeuvre mexicaine, et d'autre part, que ses effets positifs permettraient une croissance du niveau de vie local. Cette croissance revêt une signification stratégique pour ce qui est de la question des migrations mexicaines illégales en direction des États-Unis, un sujet controversé dont quelques auteurs ont souligné l'importance pour justifier la signature d'un accord entre le Mexique et les États-Unis[15]. D'une autre façon, cette croissance est essentielle pour conforter l'argument selon lequel le Mexique représenterait un marché grandissant pour les États-Unis.

Il est clair que le Mexique est présenté comme étant le partenaire commercial ayant le plus à gagner de l'entente. D'abord, structurellement, il est souvent rappelé que les petites économies sont celles qui ont le plus d'avantages à l'ouverture économique, car les effets de celle-ci s'y font plus largement ressentir[16]. Du point de vue économique, l'Accord permettrait de consolider une certaine stabilité économique mexicaine et de formaliser un accès prévisible au marché américain, ce qui réconforterait une société civile, plus prospère, de même que les investisseurs plus confiants[17]. Politiquement, l'Accord permettrait au Mexique de se comporter en chef de file, ouvrant ainsi la voie à une intégration économique " à l'américaine " aux autres pays d'Amérique latine[18]. Dans le secteur privé, l'ALÉNA a été accueilli avec confiance dans les industries les plus performantes, tout en soulevant des craintes dans les secteurs les plus traditionnels[19]. Enfin, et de façon plus générale, les effets de l'Accord sont perçus avec un certain optimisme par la société mexicaine, à qui la prospérité est promise par l'effet de l'intégration économique[20].

Les conséquences minimisées de l'Accord

Parallèlement à une mise en valeur des effets régionaux de l'Accord, les auteurs aiment à en minimiser l'ampleur. Ils soulignent le peu d'impact de l'ALÉNA sur les économies américaine et canadienne[21] et insistent sur le fait que l'Accord n'inciterait pas les firmes à se relocaliser au Mexique[22]. Plusieurs auteurs expliquent à ce sujet que le coût de la main-d'oeuvre n'est pas un facteur déterminant, car certaines entreprises misent sur une main-d'oeuvre productive et spécialisée[23]. Au surplus, certains rappellent que l'ALÉNA n'est qu'une reconnaissance formelle de l'intensité des relations économiques entre le Mexique et les États-Unis, qui se sont accentuées depuis les libéralisations mexicaines initiées dans les années quatre-vingt. Dans la même logique, plusieurs auteurs, comme Watson (1994), mettent l'accent sur le fait que les barrières tarifaires entre les trois pays étaient déjà presque inexistantes avant la signature de l'entente[24]. Ce qui renforce la thèse, défendue avec éloquence par des auteurs comme Hinojosa-Ojeda et Robinson (1992), selon laquelle les firmes intéressées à profiter des faibles coûts du travail mexicain auraient déjà délocalisé leurs filières de production. Ces arguments défensifs visent essentiellement à répondre aux critiques selon lesquelles l'ALÉNA provoquerait des pertes d'emplois au nord, par suite de la relocalisation des entreprises au Mexique.

Une stratégie d'efficacité économique

Ces auteurs expliquent également que les secteurs qualifiés de " non-compétitifs " pour les économies américaine et canadienne ne gagneraient rien à être protégés, car ils ralentissent l'économie plus qu'ils ne contribuent à sa croissance[25]. D'une manière plus radicale, quelques auteurs considèrent que l'ALÉNA n'a pas pour objectif de créer ou de protéger des emplois (Hufbauer et Schott, 1993-1994)[26]. Son principal impact est un surcroît d'efficacité des économies impliquées, c'est-à-dire une restructuration de l'activité économique régionale sur une base concurrentielle. En témoignent quelques extraits particulièrement explicites, comme par exemple, les suivants :

The argument of free trade proponents in the United States is the following : free trade is not a sufficient condition for a high-wage strategy, but protection of low-wage industries is a prescription for a low-wage strategy.(Weintraub, 1992b, p. 38)

The 'job debates' has been marked by hyperbole on both sides. The trade pact is not primarly about increasing U.S. employment, as a few enthusistic proponents claim, but neither does it pose a threat to American workers, as the critics assert. (Hufbauer et Schott, 1993-1994, p. 105). (...) Over the long term, NAFTA'S most important consequence will not be a gain or loss of jobs but rather a spur to America's economic efficiency and productivity. (Ibid., p. 108)

Fréquemment cités dans la littérature sur l'ALÉNA, Hufbauer et Schott, de l'Institute for International Economics, vont jusqu'à soutenir que la cause majeure à l'origine des déplacements de la main-d'oeuvre est l'innovation technologique et non le libre-échange. Cette thèse est particulièrement défendue par l'économiste Krugman, qui, toutefois, ne se réfère pas nécessairement à l'ALÉNA dans ses travaux récents. Selon cette perspective, le libre-échange ne fait qu'accentuer une transformation du marché du travail qui surviendrait " de toute manière ", en raison de l'intégration économique mondiale croissante (globalisation), de la libéralisation accentuée du commerce international (concurrence) et de la technologisation accrue des lieux de travail (technologie). On retrouve souvent ce recours à l'argument " global " et technologique chez des économistes comme Hufbauer et Schott (1993-1994), Madian (1993), ou encore Weintraub (1992b).

Pour terminer et résumer cette section, disons que les auteurs acquis au libre-échange utilisent une argumentation assez traditionnelle en économie, invoquant ainsi le fait que l'intégration économique renforcerait un processus de restructuration nécessaire, à l'avantage de chacune des économies impliquées[27]. L'intégration économique permettrait également l'élimination des industries non-compétitives dans un espace régional, comme le défendent particulièrement Hetzel (1994), Hufbauer et Schott (1993-1994), Leamer (1992), et parfois Weintraub (1992b). Ainsi, l'ALÉNA favoriserait la consolidation d'un environnement économique plus compétitif, à l'intérieur duquel les activités économiques se dérouleraient sur une base d'efficacité accrue[28]; ce qui signifie que le démantèlement des industries non-concurrentielles est nécessaire. Parallèlement, les libre-échangistes soutiennent aussi que les effets de l'ALÉNA seraient minimes et positifs pour les trois économies impliquées. Dans l'ensemble, ces effets seraient profitables aux travailleurs de la région nord-américaine, qui se spécialiseraient respectivement dans les secteurs nationalement compétitifs et verraient leur rémunération augmenter.

1. 2. Les adversaires

À l'opposé, les économistes peu favorables à l'Accord remettent en question l'idée que le commerce puisse garantir un mieux-être social. La perspective des gains économiques générés par la libéralisation des marchés est ainsi parfois mise en doute par les auteurs critiques qui refusent l'évidence classique d'un mieux-être social assuré par le marché. L'ensemble de ces auteurs dénonce essentiellement le contenu libéral des termes de l'Accord, qui confient au marché plutôt qu'à l'État la régulation de l'économie[29]. Quelques-uns défendent une perspective protectionniste parce qu'ils considèrent que le libre-échange met en péril certaines industries. Les auteurs critiques sont aussi les défenseurs d'une politique industrielle réaffirmée, menée par un État interventionniste renouvelé[30]. D'autres sont favorables au libre-échange, mais ils formulent des restrictions quant aux coûts sociaux d'une stratégie économique de ce type[31]. Dans l'ensemble, les uns et les autres mettent l'accent sur les coûts immédiats de l'interdépendance économique pour les travailleurs, en terme d'emploi et de déplacements de la main-d'oeuvre. Quelques auteurs enfin, empruntent parfois des avenues moins fréquentées qui consistent à étudier l'impact de l'ALÉNA sur les négociations collectives dans le milieu du travail[32].

Les études quantitatives

L'essentiel des analyses réalisées par les auteurs s'opposant au libre-échange est de type qualitatif. En effet, il existe peu d'études économiques quantitatives qui évaluent les effets de l'Accord sur une base critique, hormis quelques analyses issues des travaux de Koechlin et Larudee (1992) ou de Stanford (1993a.b). Ces études ont démenti l'optimisme des économistes en faveur du libre-échange. Généralement parlant, elles ont mis l'accent sur les pertes d'emplois provoquées par l'ALÉNA, seulement compensées par les gains réalisés par les investisseurs. La contribution nouvelle de ces travaux consiste à prévoir que le fait que le plein-emploi ne sera pas atteint et que la seule mobilité des capitaux connaitra une forte croissance. Koechlin (1993) et Koechlin et Larudee (1992), ont particulièrement travaillé sur la mobilité du capital afin de démontrer que la relocalisation de capitaux productifs au Mexique provoquerait de nombreuses pertes d'emploi aux États-Unis[33]. Stanford (1993a.b) a proposé une critique des méthodes économétriques, qualifiées d'irréalistes. Son modèle dynamique d'équilibre général intègre des données telles que le chômage structurel, le déséquilibre des balances commerciales et la mobilité croissante des capitaux. Reprenant la logique du théorème Stolper-Samuelson, il montre que les travailleurs canadiens et américains -- le facteur de production national le moins abondant --, perdent au libre-échange[34].

En addition à ce type de travaux, quelques auteurs critiques se sont aussi adonnés à des études d'impact. Ces études, comme celles de Campbell (1993b), Conroy et Glasmeier (1992-1993), ou encore l'article de Cypher (1993), sont surtout descriptives. Elles consistent principalement à dénombrer le nombres d'emplois perdus depuis la signature de la première entente de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et à extrapoler sur la quantité d'emplois que l'ALÉNA contribuerait à éliminer[35].

Les déplacements de la main-d'oeuvre

La pierre d'achoppement sur laquelle vient buter la majorité des analyses critiques porte sur les questions de restructurations industrielles et de déplacements de la main-d'oeuvre. Malgré le nombre d'études économiques estimant les effets du libre-échange sur quelques indicateurs-clé comme le revenu national, le commerce et l'emploi, il n'existe pas d'analyses évaluant les coûts d'ajustements que subiraient les travailleurs, comme le rappelle Weston (1994). Cette lacune est parfois comblée par quelques études cherchant à estimer les pertes d'emplois qu'entrainerait l'Accord.

Dans une perspective critique, les ajustements industriels constituent une menace réelle pour les travailleurs de la région. Délocalisations d'entreprises, précarisation de l'emploi, chômage aggravé, difficulté pour les travailleurs à se tourner rapidement vers de nouvelles spécialisations, tel est l'essentiel des craintes avancées par les adversaires du libre-échange. De plus et contrairement à ce que soutient le crédo dominant, il convient d'émettre certaines réserves à propos de l'éventuelle amélioration salariale au Mexique, grâce au libre-échange. En effet, on peut prendre en compte le fait que les bas salaires mexicains constituent un avantage concurrentiel national majeur, que le gouvernement en place est tenté de maintenir par une politique de compression salariale[36]. De la même façon, on peut mettre en doute le fait que la croissance de l'économie mexicaine puisse se traduire nécessairement par une hausse des salaires locaux, compte tenu de la faiblesse des syndicats non contrôlés par le pouvoir politique en place[37].

Par ailleurs, il n'est pas sûr non plus que les secteurs à haute valeur ajoutée soient en expansion au nord, car les travailleurs déplacés pourraient se diriger vers les secteurs les moins rémunérés, allant vers l'emploi le plus accessible dans l'immédiat[38]. Ce dernier argument est particulièrement intéressant lorsqu'on se reporte aux analyses favorables au libre-échange qui misent fortement sur la spécialisation technologique qui surviendrait au Canada et aux États-Unis grâce à l'Accord, conformément à la théorie ricardienne des avantages comparatifs. On peut voir dans cette oposition le fruit d'un désaccord théorique, par lequel on a, d'un côté, les défenseurs d'une explication classique des phénomènes économiques et, de l'autre, une tendance qui questionne la validité de cette explication.

Les politiques sociales

Plusieurs auteurs estiment que les retombées sociales de l'ALÉNA consisteraient en un nivellement par le bas des normes de travail. Certains parlent de " dumping

social ", une pratique qui consiste à abaisser les coûts de la main-d'oeuvre afin de produire à moindres frais. En ce sens, le dumping social implique que ce sont les travailleurs qui subventionnent les firmes qui les emploient. Invoquant la théorie classique, Stanford et al. (1993) concluent que ces concessions relèvent de la concurrence déloyale, car elles permettent une réduction artificielle des prix sur le marché.

D'une autre manière, la formation d'un espace économique unifié favoriserait une mobilité accrue des facteurs de production. Pour Brunelle et Deblock (1994), cela accentuerait les contraintes de compétitivité qui affecteraient les différents systèmes normatifs nationaux, dès lors en situation de concurrence les uns avec les autres. À la suite de cette constatation, la ligne critique soutient que la libéralisation du commerce pourrait faire pression sur les politiques sociales nationales, afin de favoriser un environnement économique concurrentiel et attirer un plus grand nombre d'entreprises[39].

Au Canada, la question des politiques sociales est un sujet délicat, qui a marqué la controverse libre-échangiste. Plusieurs critiques craignent que l'ALÉNA ne porte atteinte au système de sécurité sociale canadien, un système unique dans l'espace nord-américain. Deux scénarios de révision à la baisse des politiques sociales devraient être envisagés : abaisser les sources de revenu et couper dans les dépenses. Par exemple et pour attirer d'avantage d'entreprises étrangères, le gouvernement pourrait réduire la contribution fiscale des firmes, ce qui diminuerait le revenu publique, ou encore alléger leurs coûts salariaux consistant en des avantages sociaux. L'État serait de moins en moins en mesure de subventionner la protection sociale nationale, par manque de revenu ou par alourdissement de sa contribution[40]. De plus, certains programmes sociaux concernant l'emploi et la formation pourraient être mis en question, voire privatisés, sous prétexte qu'ils constituent une subvention indirecte aux firmes[41]. C'est, des deux scénarios, le plus crédible, car on voit difficilement comment le gouvernement pourrait alléger son système fiscal, puisque le problème de la protection sociale consiste surtout en des dépenses publiques jugées excessives, et non pas en de revenus trop abondants[42].

Un État-Providence renouvelé

En somme, on peut synthétiser les critiques formulées à l'endroit de la stratégie libre-échangiste en faisant valoir qu'elles expriment une inquiétude face à la réduction des capacités d'intervention de l'État. Le libre-échange ne permettrait plus la régulation économique nationale par le biais de politiques ciblées. Dans cette perspective, certains auteurs soulignent que l'ALÉNA permettrait une restructuration de l'économie nationale sur la base de principes néo-libéraux, afin de limiter considérablement la marge de manoeuvre de l'État[43]. Par ailleurs, l'Accord élargit la liberté d'action des firmes et des investisseurs, ce qui défie à la fois les travailleurs et les gouvernements, confinés nationalement à subir les effets de cette mobilité accrue. L'Accord aurait des conséquences sur le pouvoir de négocier des travailleurs syndiqués, qui devraient se plier aux pressions accentuées de la partie patronale, en situation de force parce que capable de délocaliser les lieux de production[44]. Dans cette perspective, l'ensemble des auteurs s'opposant à l'Accord favorise la formulation de politiques économiques claires, protégeant les travailleurs d'une concurrence régionalisée, basée sur le marchandage de leurs normes de travail[45]. Toutefois, et comme le rappellent très justement Gunderson et Verma (1993), la protection des normes de travail par l'État, par le biais de programmes d'assistance et de formation dispensés aux travailleurs déplacés, pourrait rencontrer la résistance de la part des employeurs peu enclins à absorber des coûts supplémentaires lorsqu'ils ont la possibilité de s'y soustraire par la délocalisation.

Pour nous résumer, l'essentiel des critiques adressées à l'ALÉNA proviennent d'une évaluation négative de l'Accord et de ses effets. Par opposition aux auteurs favorables au libre-échange, les économistes dont nous avons traité ici réfutent le bien-fondé des spéculations sur le long terme concernant les effets bénéfiques du processus intégratif. Ils souhaitent mettre l'emphase sur le court et moyen terme en soulignant particulièrement les coûts sociaux immédiats d'une exacerbation de la concurrence économique. Dans cette logique, les travailleurs seraient les grands perdants de l'Accord, car ils verraient leurs différents systèmes sociaux mis en situation de concurrence. Enfin et pour contrer ce processus, les auteurs critiques soulignent l'importance de l'intervention étatique.

Entre les libre-échangistes et leurs adversaires, le dialogue est particulièrement malaisé. Nous avons pu constater, dans les pages précédentes, l'ampleur des enjeux qui les distancient. Par ailleurs, il s'agit de deux points de vue difficiles à concilier, car les deux tendances abordent le problème des retombées sociales de l'Accord de manière spécifique à chacun. Les uns donnent priorité au commerce, vecteur de croissance et de progrès social, tandis que les autres partent de la perspective opposée en s'interrogeant sur les stratégies spécifiques qui pourraient assurer le progrès social. De cette manière, le commerce, du moins tel qu'envisagé dans le cadre de l'ALÉNA, semble d'avantage être une menace qu'une promesse. Ainsi, et avant d'aborder le prochain chapitre pour étudier la position de groupes sociaux particulièrement interpelés par les questions sociales dans l'Accord, nous terminerons ceci en soulignant que c'est le lien entre marché et société qui pose problème, car il n'est pas formulé avec le même sens des priorités, par les uns et par les autres.

2. Le point de vue des acteurs sociaux

Après une mise en perspective somme toute théorique du débat sur les effets sociaux du libre-échange, il faudrait maintenant voir quelle a été la position d'un groupe d'acteurs sociaux spécifiques dans une polémique bien réelle. Trois types d'acteurs sociaux pourraient être étudiés : les représentants gouvernementaux, patronaux et syndicaux. C'est le dernier groupe qui a été retenu, car sa visibilité lors des négociations du traité de libre-échange permet une analyse documentée. De plus, il semble logique de faire le lien entre les retombées sociales de l'ALÉNA et le point de vue exprimé par différents regroupements sociaux à ce sujet, acteurs les plus directement interpellés par cette question.

Pour l'ensemble des groupes sociaux, le projet intégratif donne essentiellement priorité à un modèle de développement économique et social assuré par le seul marché, ce qui est insuffisant, voire menaçant. Dans la perspective sociale, l'économie est tout au plus un vecteur, certes déterminant mais non prioritaire, qui participe à la réalisation du mieux-être commun. Il s'agit ainsi de déterminer quelles sont les stratégies économiques et politiques à adopter pour assurer le progrès social. Le point de vue dominant est clairement politique; il plaide en faveur d'un retour à l'État-Providence et se refuse à réduire le social à une définition univoque. Ici, les questions sociales ne sont pas limitées au seul traitement de la main-d'oeuvre, comme c'est souvent le cas chez les économistes.

Les acteurs en présence

Avant de poursuivre plus loin sur l'essentiel des critiques formulées par les groupes sociaux à l'encontre de l'ALÉNA, un décompte des forces en présence s'impose. Les groupes populaires se rassemblent autour de thématiques très diverses, ce qui réflète bien dans l'ensemble les nombreux aspects d'une question dite " sociale ". Dans les trois pays membres, les groupes mobilisés provenaient de secteurs divers, allant des syndicats aux organisations non gouvernementales, en passant par les nombreux mouvements communautaires et les regroupements politiques[46].Pour plus de simplicité, deux seules catégories ont été retenues pour décrire l'activité de ces groupes; nous emploierons les termes d'organisations sociales et syndicales.

Les mobilisations contre le libre-échange ont été rassemblées par un discours essentiellement politique : contre la version néo-libérale de l'Accord et pour un renouvellement de l'État-Providence. À première vue sur un même front commun, les différentes coalitions ont néanmoins privilégié des positions relativement dissemblables, même si elles ont partagé une préoccupation centrale portant sur l'exclusion de normes sociales au projet commercial.

Les regroupements canadiens

Au Canada, l'opposition à l'ALÉNA est principalement constituée par une organisation nationale, le Réseau canadien d'action (RCA). Celui-ci, fondé en 1987, rassemble la majeure partie des regroupements anti-libre-échangistes[47]. Même si faisant partie du RCA, deux autres groupes importants se distinguent par leur dynamisme : le Conseil des Canadiens (1985), formation non-partisane orientée vers le recrutement individuel et Common Frontiers[48], qui travaille à construire des réseaux de solidarité trinationale. De plus, le Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC)[49] constitue l'équivalent provincial du RCA le plus actif.

Les groupes canadiens n'ont pas montré une même attitude face à chacun des accords de libre-échange. Lors des négociations du premier traité, en 1988, l'opposition était générale. Les coalitions ont opposé un refus net au projet, invoquant surtout une perte de souveraineté politique face aux États-Unis et la crainte d'une érosion des protections sociales. Lors des négociations portant sur l'ALÉNA, leur discours s'est nuancé en prenant le ton de la défensive. La raison essentielle tient au fait que le Canada était en position de sollicitateur, et non plus de négociateur comme c'était le cas lors de l'accord conclu en 1988. Ainsi, les organisations sociales ont surtout insisté sur l'effet accentuateur de l'ALÉNA, simple extension de l'accord précédent déjà amplement critiqué.

Par ailleurs, il faut tenir compte d'un facteur politique spécifique au Canada pour souligner la position particulière de certains regroupements québécois. Au Québec, le facteur souverainiste participe à l'explication du fait que plusieurs organisations aient considéré favorablement le libre-échange avec les États-Unis, parce qu'il permettait de lier économiquement la province à un partenaire autre que canadien. De plus, la position du Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC) tranche avec celle des regroupements provenant du Canada anglais. Les derniers se sont fortement opposés à la ratification de l'Accord et de ses ententes parallèles. Le RQIC, partageant quelque peu la position des coalitions mexicaines, a plutôt orienté son intervention vers une analyse critique du contenu des différents accords signés dans la foulée de l'ALÉNA, tout en proposant des alternatives qui auraient permi d'en améliorer la portée[50].

Les groupes américains

Aux États-Unis, environ six organisations nationales rassemblent les groupes d'opposition au libre-échange[51], mais le groupe principal est l'ART-CTC (Alliance for Responsible Trade et Citizen's Trade Watch Campaign)[52]. Cette coalition de deux groupes de pression formée en 1991, immédiatement après le vote du Congrès sur l'ALÉNA, a travaillé à établir un réseau anti-libre-échangiste à travers le pays, constituant en quelque sorte la contrepartie américaine à ACN. L'ART-CTC milite pour une plus grande prise en compte de la participation des citoyens aux négociations commerciales et à la gouverne politique nationale.

Les groupes américains ont réagi avec une forte agressivité face à l'ALÉNA. Le plus souvent, c'est le mythe de l'étranger menaçant qui était invoqué. Le problème de l'immigration mexicaine illégale a souvent été présenté comme un processus persistant que l'entente allait favoriser. Les craintes de perdre des emplois et d'assister à un mouvement de relocalisations massives des firmes américaines ont aussi été fréquemment mises à contribution. Ainsi, c'est une allure essentiellement protectionniste, à la fois culturelle et économique, qui ressort de cette opposition nationale à l'ALÉNA.

De surcroît, le discours des groupes américains a souffert d'un discrédit que n'ont pas connu les coalitions canadiennes et mexicaines, généralement épaulées par leurs formations politiques nationales les plus travaillistes. Aux États-Unis, la campagne d'opposition à l'Accord a été associée à l'aile d'extrême-droite du parti Républicain[53], ce qui lui a ôté le caractère progressiste dont elle aurait pu faire montre sans cette affiliation.

Les organisations mexicaines

Du côté mexicain, une organisation principale coordonne l'activité de plusieurs groupes sociaux préoccupés par les effets de l'Accord. Le Réseau mexicain d'action face au libre-échange (RMALC), créé en 1991, représente une quinzaine d'organisations populaires[54]. Il diffuse de l'information sur le libre-échange et constitue un forum de discussion national à partir duquel des liens avec les organisations sociales américaines et canadiennes sont faits. Le RMALC a essentiellement proposé la tenue d'une consultation publique sur l'ALÉNA et une plus grande participation des organisations sociales aux négociations commerciales. Il demande également une égalisation des salaires à travers les trois pays et un nivellement régional par le haut des systèmes de sécurité sociale.

La position des groupes mexicains a été, et est encore, d'une nature relativement neutre, moins critique à proprement parler quant à l'aspect commercial de l'entente. Par ailleurs et étant donné la rigidité du contexte politique mexicain, les critiques de l'Accord ont été moins entendues qu'ailleurs, parce que minimisées par les structures médiatiques[55]. Néanmoins, les organisations sociales mexicaines ne se sont pas particulièrement opposées à l'ouverture économique, qui représentait une opportunité politique d'expansion de leurs activités, ainsi qu'une possibilité d'exposer les agissements de l'État au regard de l'ensemble des Nord-américains, comme le souligne l'économiste mexicain Heredia (1994)[56]. Malgré cela, les groupes mexicains ont formulé une critique prudente quant à l'aspect social de cette entente : ils craignent que le développement économique ne se fasse sans être accompagné d'une amélioration des niveaux de vie et des standards sociaux[57].

Des trois groupes nationaux, les Mexicains considèrent que ce sont eux qui ont le plus à gagner sur le plan d'un positionnement politique vis-à-vis de l'ALÉNA : ils ne craignent pas de perdre du terrain en terme de normes sociales, déjà faibles, mais ils redoutent l'immobilisme. En somme, les groupes mexicains tentent d'obtenir des garanties sur ce qu'ils gagneraient à l'Accord. En comparaison, les autres organisations nationales défendent plutôt ce qu'elles pourraient perdre par suite de l'entente. Enfin, on peut certainement remarquer que les mobilisations suscitées par l'ALÉNA ont encouragé une plus grande activité chez les groupes sociaux, la formation d'une solidarité transfrontalière et la prise en compte de l'utilité de regrouper l'ensemble de ces forces pour constituer une contre-partie aux points de vue gouvernementaux et patronaux. Chez certains auteurs, comme Ambruster (1995), Harvey (1993), Vanderbusch (1994) et Zinser (1994), cette influence des groupes sociaux de la région comme groupe d'intérêt uni, représente l'avantage majeur de l'entente, dont il s'agit de ne pas sous-estimer la portée[58].

Les ententes parallèles

Une majorité de groupes sociaux s'entend sur ce point : les deux accords ne sont pas satisfaisants et leur portée est extrêmement limitée. Aux États-Unis, les syndicats ont refusé de reconnaître les ajouts apportés à l'entente économique par l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT)[59]. Au Canada, la Fédération canadienne du travail et le Congrès du travail du Canada n'ont pas non plus révisé leurs critiques à l'égard de L'ALÉNA. Enfin, au Mexique, la Confédération des travailleurs du Mexique (syndicat officiel) a partagé avec les associations patronales et économiques, une certaine satisfaction face au respect de la souveraineté nationale garanti par l'accord parallèle.

L'Accord sur le travail ne respecterait pas plusieurs des requêtes mises de l'avant par certaines organisations. Par exemple, au Québec, la CQNT demandait que soient inclus les droits syndicaux à la négociation collective et de grève, l'abolition du travail des enfants, des mesures relevant les niveaux salaires au Mexique, une égalisation des salaires entre les sexes, une reconnaissance des droits des immigrants, ainsi que des politiques visant à maximiser la création d'emplois. Malgré l'énonciation de onze principes concernant l'ensemble de ces exigences dans le préambule de l'ANACT, les trois pays ne seraient liés dans les faits que par " l'obligation générale de veiller à l'application de leur propre législation du travail ". Cela signifie que rien ne garantit la hausse générale de ces normes. De plus, la Coalition souligne la portée limitée du mécanisme contraignant de l'Accord, qui ne sanctionne que trois principes sur les onze décrits dans le préambule. Ces trois principes concernent la santé et la sécurité au travail, le travail des enfants et le salaire minimum. Ainsi, les droits syndicaux ne sont pas couverts par cette procédure, même si ce sont justement ceux qui posent problème au Mexique, selon la CQNT et d'autres groupes comme le RCA[60]. Malgré l'existence de l'entente parallèle sur le travail dont ils trouvent par ailleurs le contenu fort imprécis, les opposants maintiennent leur arguments de nature économique contre l'ALÉNA, qui sont principalement les suivants :


* Les firmes canadiennes et américaines pourraient se relocaliser au Mexique, attirées par les bas salaires et les normes de travail peu développées;


* La compétition mexicaine pourrait peser sur le nivellement par le bas des normes sociales nord-américaines;


* Rien n'indique que la main-d'oeuvre non spécialisée possède les ressources pour se déplacer d'un secteur à l'autre (surtout vers les secteurs à haute valeur ajoutée);


* En conséquence, le chômage augmenterait au Canada et aux États-Unis et les salaires nord-américains baisseraient;


* De plus, rien n'indique que la croissance de l'économie mexicaine se traduirait par une hausse des salaires locaux, compte tenue de la faiblesse des unions syndicales non contrôlées par le pouvoir politique en place. Ainsi, il n'est pas sûr que cette croissance (hypothétique) soit distribuée équitablement à travers la société mexicaine.

Sur la question environnementale, l'insatisfaction est similaire. Les groupes sociaux font tous le lien entre développement économique et dégradation de l'environnement[61], qui est réfuté par les défenseurs de l'ALÉNA. L'Accord nord-américain de coopération dans le domaine de l'environnement (ANACE) est d'une portée essentiellement dissuasive à l'égard des investisseurs et des entrepreneurs qui souhaiteraient relocaliser des industries au nord du Mexique, afin de bénéficier des normes environnementales plus basses[62]. De plus, l'accord encourage une plus grande distribution de l'industrialisation au Mexique, ce qui ralentirait la progression de la pollution au nord. Les critiques de l'ALÉNA persistent néanmoins à affirmer que l'accord entraînera :


* Une croissance de l'activité industrielle qui affectera l'environnement, particulièrement au Mexique;


* Des coûts environnementaux avec ou sans croissance, car ils sont également liés à l'intensification des échanges commerciaux, qui consomment des ressources;


* Une dégradation générale de l'environnement nord-américain, dont les normes seront nivellées vers le bas, comme conséquence éventuelle des politiques de concurrence nationales;


* Une relocalisation des firmes au Mexique, qui trouveront un avantage aux standards environnementaux faibles[63].

Il n'est pas inintéressant de remarquer que les oppositions à l'accord environnemental sont moins véhémentes que celles concernant l'accord sur le travail. La raison principale tient au fait que l'entente environnementale met en place des mécanismes de consultation qui sont directement reliés au centre exécutif, ce qui lui confère une plus grande efficacité d'action. Le Secrétariat central de la Commission environnementales peut recevoir directement des plaintes, provenant de groupes ou d'individus. Dans le cas de la Commission du travail, ces plaintes sont d'abord filtrées par le personnel des Bureaux d'administration nationale (BAN), avant d'être acheminées vers le Secrétariat si jugées pertinentes.

Le rôle de l'État

La notion de contrat entre société, État et marché revient souvent dans les textes consultés. Elle fait principalement référence à l'Après-guerre et aux politiques keynésiennes mises en place dans la plupart des pays industrialisés. Ces politiques ont favorisé une forme de relation réciproque favorable entre le capital et la main-d'oeuvre, dans laquelle l'État se posait comme un protecteur du bien-être collectif tout en intervenant dans les activités économiques pour permetttre un développement national. Aujourd'hui, avec la redéfinition du champ d'intervention gouvernementale, initiée dans les années 80, et les ouvertures commerciales acrues -- dont l'ALÉNA serait un des produits -- ce contrat serait rompu.

La capacité de l'État à agir sur son économie interne est notamment mise en question par l'émergence accrue d'acteurs économiques capables de limiter cette marge de manoeuvre. Le libre-échangisme se traduit ainsi par un surcroît de contraintes économiques s'imposant aux États, qui n'ont plus l'autonomie de naguère pour maîtriser une activité économique nationale de moins en moins contrôlable. Le processus intégratif accentuerait l'érosion du rôle actif que pouvait jouer l'État dans la promotion du bien-être social, en réduisant la capacité gouvernementale à protéger les droits économiques et sociaux des gens. Face à cette éviction progressive de l'État, il conviendrait de contrer cette mise hors jeu par l'affirmation renouvellée de sa pertinence comme élément central de la vie économique nationale. Étant de nouveau légitimé à agir, l'État pourrait répondre à l'intégration économique par des mesures correctives, dirigées vers la préservation des acquis sociaux nationaux.

Alternatives proposées

Il serait erroné de croire que les groupes dont nous avons exposé la perspective critique se soient contentés de s'en tenir à un dénigrement systématique de l'ALÉNA. Ils ont proposé des scénarios alternatifs, qui consistent essentiellement à envisager une meilleure gouvernance politique en économie ouverte.

Sur un plan international, l'ensemble des organisations sociales et syndicales recommandent de s'en remettre au multilatéralisme et aux institutions internationales[64] plutôt qu'au libre-échange à deux ou trois. La libéralisation des échanges sur une base multilatérale pourrait, pour un pays comme le Canada, le prémunir de sa dépendance vis-à-vis des États-Unis. Le recours aux accords commerciaux internationaux pourrait, d'autre part, être utile pour l'insertion d'une clause sociale qui renforcerait à l'échelle mondiale la protection des droits des travailleurs. Régionalement, les groupes proposent la création d'institutions politiques pour gérer les conséquences sociales de l'intégration économique. Ainsi, c'est le dialogue entre les gens, et la possibilité pour eux de s'organiser sur une base institutionnelle régionalisée qui leur permettrait de surveiller le processus d'intégration économique[65].

Sur le plan de la politique interne, les groupes sociaux invoquent un renforcement de l'État-Providence et une actualisation des politiques économiques tournées vers le développement national. Des groupes consultés, les organisations canadiennes sont celles qui ont décrit le plan d'action le plus exhaustif[66]. Elle sont proposé un éventail d'actions, allant des politiques régulant l'investissement ou encore réformant la fiscalité[67], à des mesures d'exception concernant certains secteurs sensibles à protéger, comme la culture, l'agriculture, de même que les ressources énergétiques.

Enfin, et nous terminerons cette seconde section là-dessus, malgré le branle-bas de combat organisé par les différents groupes sociaux qui se sont opposés à l'Accord, et malgré leur volonté de dialoguer avec les pouvoirs publics, il va de soi que leurs critiques n'ont pas été entendues. Toutefois, on peut croire que la signature des ententes parallèles signifie une certaine prise en compte du facteur social dans le processus intégratif. Dans ce sens, l'activisme des groupes sociaux a porté fruit, même si modestement.

3. Éléments de synthèse

Le débat sur la dimension sociale de l'intégration économique a été essentiellement le fait de deux grandes tendances. La première consistait en un débat théorique, se déroulant entre spécialistes de l'Accord, sur les effets sociaux de l'intégration économique. La seconde présentait un caractère véritablement empirique, car elle concernait les différentes prises de positions des groupes sociaux qui se sont impliqués dans un débat transformé en sorte de consultation informelle régionalisée. D'une part, les économistes constituaient les acteurs les plus autorisés à intervenir, selon qu'ils considéraient favorablement ou non le libre-échange en soi. D'autre part, les groupes sociaux, que ce soit les syndicats ou les organisations de citoyens, ont opposé une résistance généralisée à la conclusion d'une entente économique régionale.

Marché, État et société

Les discussions soulevées par la perspective du projet intégratif peuvent se résumer à une controverse portant principalement sur deux grands thèmes : le statut de l'économie dans la société et le rôle de l'État dans l'économie. Les deux tendances, favorables et opposées au projet, se sont affrontées sur leur compréhension même des statuts du marché, de l'État et du social. Pour les libre-échangistes, l'épanouissement du marché contribue nécessairement au mieux-être social. Les effets de l'intégration économique seraient donc positifs, même s'ils signifient dans l'immédiat des coûts de transition. Pour leurs opposants, le libre-échange est une stratégie menaçante, car le mieux-être social ne pourrait être garanti par les seules performances du marché. Au contraire, il s'agit de déterminer comment la société peut être protégée des effets considérés néfastes du marché, qui se traduisent immédiatement par les coûts de transition que représente le passage à une économie véritablement régionale. Ainsi c'est le rôle de l'État qui est en question, pour les uns, il est perturbateur, tandis que pour les autres, l'État doit intervenir pour protéger la société. Enfin, les débats suscités par le projet intégratif ont favorisé, même si indirectement -- voire, devrait-on préciser, marginalement --, l'émergence de réflexions critiques qui ont convergé vers une entreprise de redéfinition de l'État, se soldant en outre par l'expression d'un voeu de renouvellement de l'État-Providence.

Les ententes parallèles comme un compromis

L'issue du débat sur les effets sociaux de l'ALÉNA a été un compromis, certes imparfait, entre les deux optiques antagonistes[68]. Répondant aux inquiétudes des groupes sociaux sur les questions du travail et de l'environnement, les ententes parallèles sont venues compléter un accord au départ strictement commercial. Ces ententes ont modifié le caractère premier du modèle d'intégration économique nord-américain, en y ajoutant une dimension politique dont il n'était pas question lors de l'amorce des négociations. Elles constituent un compromis parce qu'elles visaient à satisfaire les groupes sociaux, sans indisposer les puristes du libre-échange qui auraient décrié toute intervention politique instituée régionalement. Ainsi, ces ententes constituent un demi-succès pour les uns et les autres. Les libres-échangistes auraient obtenu leur entente économique et leurs opposants, une structure minimale permettant de soumettre à l'arbitrage les problèmes relatifs aux normes de travail.

Dans cette perspective, on peut considérer que l'entente sur le travail constitue un premier pas vers la reconnaissance du fait que des paramètres sociaux doivent limiter le commerce, car celui-ci n'engendre pas nécessairement le progrès social. De cette manière, les ententes parallèles constitueraient des modifications ad hoc au projet intégratif nord-américain, qui inclu maintenant des limitations sociales et environnementales. C'est ainsi que la perspective institutionnaliste de l'encastrement du marché dans un cadre social semble particulièrement pertinente, lorsqu'on veut réinterpréter les mécanismes protecteurs établis par les ententes parallèles comme des contraintes venant réduire l'autonomisation accrue des forces économiques; ce qui imposerait une réinscription du marché à l'intérieur de paramètres sociaux minimalement acceptables. Cette optique théorique nous permettrait de soutenir que la dimension sociale du processus intégratif nord-américain réside maintenant formellement dans les structures correctives érigées par les accords parallèles conclus dans la foulée de l'ALÉNA, en réponse à la prise de conscience politique de problèmes communs accrus par l'intégration économique. Ceci étant, nous pourrions maintenant souligner le fait que la sanction des ententes parallèles représente tout le contraire d'une allégorie aux vertus sociales du marché. Car si le marché régionalisé ne promettait que des lendemains radieux, aucun mécanisme protecteur n'y aurait été annexé.

Conclusion

Malgré l'insatisfaction des groupes sociaux quant au contenu jugé incomplet des ententes parallèles, l'issue du débat montre que leur opposition a été prise en compte. Il s'agit, dès lors, non pas de se réfugier derrière un scepticisme aigri pour décrier ce qui n'est pas couvert par les accords, mais plutôt d'adopter une perspective constructive, et quand même critique. De cette manière, le travail des organisations sociales pourrait se baser sur ce qui est, et non pas sur ce qui aurait dû être. Ainsi, l'utilisation insistante des mécanismes établis par l'ANACT soulignerait, sinon leur inefficacité, au moins leur insuffisance. Dans ce sens, le débat sur les efffets sociaux de l'intégration économique est loin d'avoir été clos avec l'ajout des ententes parallèles. Car il faudrait maintenant compter avec l'action répétée et pressante des organisations sociales, qui pourraient mettre à l'épreuve le fonctionnement des instances établies par ces ententes[69].

Sur un tout autre plan, on peut se demander si les accords parallèles auraient été additionnés à l'ALÉNA sans les possibilités de repli protectionniste qu'ils permettent, sous le prétexte d'une concurrence déloyale provenant du Mexique. De cette manière, on peut croire que l'ALÉNA constitue un traité de libre-échange pourvu d'un frein de sécurité. Si cette hypothèse est juste, le recours publique aux mécanismes contraignants des ententes parallèles pourrait être beaucoup plus fréquent qu'on ne le pense.

Enfin et pour en finir avec l'alarmisme d'un grand nombre de critiques du libéralisme, le libre-échange n'est pas une conspiration visant à mener les hommes à leur perte. Néanmoins, il serait par trop simple de prétendre qu'il soit une stratégie économique suffisante pour assurer le bien-être collectif. Si le libre-échange est une politique économique de substitution à l'intervention de l'État, il a un impact direct sur les sociétés. Et dans cette optique, il doit être supporté par un consensus social. Ce qui ne semble pas être le cas pour l'ALÉNA. Doit-on en conclure que les négociations sur les retombées sociales de l'intégration économique sont encore inachevées?

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4. Autres documents

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Aspect politique

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Note : certaines références ont été données au complet dans le texte. Il s'agit de documents qui ne portaient pas spécifiquement sur la dimension sociale de l'intégration économique, mais dont l'usage nous était utile pour définir certains termes ou suggérer une plus ample discussion.

[1]. Sur la particularité du régionalisme américain, lire Deblock et Brunelle (1992), Une intégration régionale stratégique, le cas nord-américain, Montréal, Groupe de recherche sur l'intégration continentale, Cahier de recherche 92-7. Voir également Ernest H. Preeg (1974), Economic Blocs and U.S. Foreign Policy, Washington, National Planning Association, p. 14, pour la notion d'intégration : " tout processus (ou son résultat qui engage les États à se regrouper pour former un "groupe régional ou bloc"". Lire aussi Deblock (1994), Les contours du nouveau régionalisme économique, Montréal, Groupe de recherche sur l'intégration continentale, Cahier de recherche 94-7, pour une discussion théorique sur les différents types de modèles intégratifs et a dimension stratégique du régionalisme américain.

[2]. La revue de littérature présentée dans les pages suivantes n'a pas une prétention d'exhaustivité. Le sujet a été restreint aux publications récentes traitant spécifiquement des aspects sociaux de l'ALÉNA. C'est donc dire que les analyses concernant l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ) (1988), ne seront pas couvertes, tout comme celles portant sur la dimension sociale de l'intégration économique européenne. Par ailleurs, la plupart des sources documentaires utilisées ont été publiées de 1992 à aujourd'hui. Le choix de cette année d'origine tient à l'actualité du débat sur la dimension sociale, qui s'inscrit essentiellement entre 1992 et 1994, l'accord sur le travail ayant été signé le 13 septembre 1993. Pour finir, nous avons dû baliser le sujet du rapport en n'insistant pas sur les questions environnementales, migratoires et culturelles qui, si elles sont également des aspects sociaux de l'intégration, élargissent néanmoins démésurement la problématique.

[3]. Selon l'expression de Brunelle et Deblock (1994).

[4]. Voir Karl Polanyi (1944/1983), La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, p. 220, où l'auteur explique que c'est le travail qui réalise l'interaction entre l'homme et le marché, une pratique institutionalisée à travers la Révolution industrielle, qui consiste en la marchandisation de l'homme par le marché. Dans un autre texte, Karl Polanyi (1975), " Aristote découvre l'économie ", dans K. Polanyi et C. Arensberg, Les systèmes économiques dans l'histoire et dans la théorie, Paris , Larousse, p. 106, l'auteur explique le sens substantif qu'il prétend donner au terme économique : " Le concept d'économie, selon Aristote, nous permettrait presque de considérer cette économie comme un procès institutionalisé, grâce auquel est assuré la subsistance. " Voir aussi Karl Polanyi (1986), " La fallace de l'économisme ", Bulletin du M.A.U.S.S., 18, pp. 11-26, sur les définitions formelles et substantives de l'économie : " Le sens substantif provient de ce que l'homme est manifestement dépendant de la nature et des autres hommes pour son existence matérielle. Il subsiste en raison d'une interaction institutionalisée entre lui-même et son environnement naturel. (...) Étudier l'existence matérielle de l'homme c'est étudier l'économie dans son sens substantif, c'est ce sens que nous attribuerons au terme "économique" tout au long de ce livre. (...) Le sens formel a une origine entièrement différente. Provenant de la relation des moyens aux fins, il est un universel dont les référents ne sont restreints à aucun champs particulier d'intérêts humains. (...) Un tel sens sous-entend le verbe "maximiser", ou encore dans son acception populaire "économiser", ou encore -- moins techniquement, encore que le plus précisément possible -- "faire du mieux avec ses propres moyens". " Polanyi tient à distinguer les deux sens parce que pour lui, la " fallace de l'économisme consiste à une tendance à poser une équivalence entre l'économie humaine et sa forme marchande. " (p. 22)

[5]. Ci-après accord sur le travail, entente parallèle ou encore accord parallèle.

[6]. C'est la thèse du " double-mouvement " de Polanyi, selon laquelle la société de marché doit composer avec une tension perpétuelle entre le marché, d'une part, qui tend à réguler tous les aspects de la vie sociale, et la société, qui réagit par la résistance à l'extension de l'espace marchand, ce qui demande des mécanismes protecteurs (rôle de l'État). Consulter Polanyi (1944/1983), pp. 15-16, ainsi que l'introduction à cet ouvrage écrite par Louis Dumont, p. XI.

[7]. Les auteurs parlent de " trade-related issues ", ou encore de " non-trade issues ". Dans Patricia C. Gudino (1995), " Le processus d'intégration économique dans le continent américain : la logique du regroupement nord-sud ", Revue d'intégration européenne, 18 (2-3), p. 245, l'auteur utilise le terme de " secteurs émergents " (travail, environnement, propriété intellectuelle), par opposition aux " secteurs traditionnels ", qui concerneraient le commerce des biens et services.

[8]. C'est une thèse dominante dans la littérature consultée (argument de la concurrence et de l'efficacité). Pour un exposé particulièrement clair de cet argumentaire, lire Hetzel (1994) et Leamer (1992).

[9] . La majorité des économistes estiment que l'Accord aura pour principal impact de soutenir et d'accroître substantiellement l'activité économique mexicaine. Par ailleurs, plusieurs auteurs rappellent que le système de sécurité sociale mexicain est équivalent aux systèmes canadiens et américains. La seule différence, majeure, réside dans le fait que les législations mexicaines sont essentiellement formelles et ne sont pas efficacement respectées, voire exécutées. Pour une description comparée des systèmes sociaux mexicains et américains, voir Weintraub et Gilbreath (1993). Pour une description détaillée des systèmes sociaux des trois pays, dans une perspective comparative avec la Communauté européenne, lire Brunelle et Deblock (1994). Voir aussi Pastor (1992) et Boismenu (1993), sur la question du respect aléatoire des législations sociales mexicaines. Pour une étude exhaustive portant sur la législation mexicaine en matière de droits du travail et son non-respect, consulter La Botz (1992), " Labor Rights and the Law ", chapitre 2, pp. 39-61. Au sujet des relations entre l'État mexicain, le patronat et les organisations syndicales, voir Ruhnke (1996). Sur le caractère formellement satisfaisant des normes de travail mexicaines, lire aussi Hufbauer et Schott (1993a), pp. 195-202. Pour une étude officielle portant sur les systèmes sociaux mexicains et américains, voir États-Unis et Mexique (1992), A Comparison of Occupational Safety and Health Program in the U.S. and Mexico : an Overview, département du Travail américain et secrétariat du Travail mexicain. (rapport cité dans Zamora, 1993, p. 429)

[10] . Le théorème Stolper-Samuelson est repris par un auteur comme Alarcon-Gonzalez (1991), qui souligne une de ses implications sur l'emploi. Le théorème indiquerait que la libéralisation commerciale aurait tendance à égaliser le prix des facteurs entre les nations, lorsque ceux-ci ne sont pas mobiles, comme c'est le cas avec le marché de la main-d'oeuvre. Par le biais de la demande en croissance, l'augmentation du prix des biens échangés aurait un effet sur le prix du facteur le plus abondant des pays concernés. Ainsi, avec l'ALÉNA, le Mexique verrait une croissance des salaires survenir par la croissance du revenu national amenée par le commerce. Toutefois, il nous semble que le théorème soit insuffisant pour expliquer le fait que dans l'ALÉNA, ce soit une réduction des coûts de production et non pas une augmentation de ceux-ci qui soit visée. Dans cette perspective, comment peut-on prévoir une hausse des salaires mexicains, dont la faiblesse constitue un avantage particulièrement prisé par les firmes étrangères? Cette question est aussi posée par Ntoko (1995), p. 786, qui écrit : " Les promoteurs de l'ALÉNA escomptent que la croissance économique produite par l'Accord sera forte au point d'accroître les salaires réels qui convergent vers les niveaux nord-américain. (...) Mais une hausse des salaires réels irait à l'encontre du maintien de l'avantage comparatif qui réside dans les coûts salariaux. "

[11]. Beaucoup d'auteurs font appel à la théorie ricardienne des avantages comparatifs, ce qui nous rappelle le caractère presque classique du débat sur les effets économiques du libre-échange. Consulter par exemple les textes de Alarcon-Gonzalèz (1991), Hetzel (1994), Madian (1993) et Watson (1994). Est-il encore vraisemblable d'en référer à une théorie qui n'internalise pas des facteurs nouveaux comme la mondialisation des échanges (multiplicité des partenaires commerciaux) et la multinationalisation des firmes? Avec Ricardo, comment expliquer qu'un pays comme le Mexique soit aussi performant dans ses secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre que dans ses secteurs à haute valeur ajoutée comme la pharmacologie ou l'industrie chimique?

[12]. Les travaux de Brown, Deardorff et Stern (1992a.b) exposent bien cette perspective de l'ajustement industriel comme un effet positif de l'intégration économique. Bien que beaucoup d'auteurs aient pu reprendre cette thèse, Drusilla Brown, Alan Deardorff et Robert Stern, des collaborateurs du Brookings Institution, sont parmis les économistes les plus cités dans la littérature sur les effets économiques de l'ALÉNA. Sur la question des déplacements intersectoriels de la main-d'oeuvre, on pourra lire Cox et Harris (1992), qui travaillent surtout sur l'économie canadienne et Hetzel (1994), pour le point de vue américain.

[13]. Une majorité de chercheurs s'entend pour prédire que les effets de l'ALÉNA sur les économies canadiennes et américaines seront faibles, sinon parfois nuls. Consulter l'étude empirique récente de Casario (1996); l'introduction synthétique d'un ouvrage portant sur les différentes estimations des impacts économiques du traité, dans Lustig, Bosworth et Lawrence (1992); et aussi Brown (1992), qui donne une excellente revue de littérature des différentes prédictions mathématiques des effets de l'Accord.

[14]. De nombreuses estimations mathématiques font valoir que l'ALÉNA sera particulièrement bénéfique pour l'économie mexicaine. Parmi les plus consultées, lire par exemple Hinojosa et Robinson (1992); Hufbauer et Schott (1993b); Kehoe (1992); ainsi que les travaux de Sobarzo (1991; 1992). Voir aussi notes 21 et 26.

[15]. Quelques auteurs soutiennent aussi que l'Accord n'a été signé que pour ralentir les flux migratoires en provenance du Mexique, constituant près de 3 millions d'individus par an (30% de l'immigration américaine). De ce nombre, 5%, soit 15 000, sont recensés, le reste étant des illégaux. Source : Martin (1993). Grâce à l'Accord, ces migrations pourraient être freinées : "NAFTA is likely to produce a temporary migration hump, but with NAFTA, there is likely to be less immigration from Mexico over the two decades than there would be without it. For this reason, NAFTA should be embraced as the best long run solution to the persistant problem of Mexico-to-U.S migrations." (Martin, 1993, p. 7) Sur l'importance du facteur migratoire : "The concern over Mexico's potential military instability is probably not great. However, economic instability remains a major issue, and economic refugees in the form of illegal immigrants have been a particular problem for the United States." (De Boer et Winham, 1993, p. 32).

[16]. Lire, par exemple, Dornbusch (1991), p. 73 et Kehoe (1994), qui utilisent cet argument de la " petite économie " pour conforter l'idée selon laquelle la " grande économie " (les États-Unis) ne serait pas substantiellement affectée par l'Accord. Toutefois, et comme O'Grady (1993), p. 52, le souligne justement, si les petites économies gagnent le plus à l'ouverture commerciale, elles sont également les plus touchées par les ajustements industriels demandés par cette ouverture. Chez un auteur comme De la O (1992), les restructurations industrielles mexicaines, compensées par la croissance économique, constituent un des effets les plus positifs de l'intégration économique (argument de l'efficacité). Pour un exposé de cet argument, voir aussi Brown, Deardorff et Stern (1992a.b).

[17]. Ces trois arguments (stabilité économique, investissement et accès au marché américain) sont exposés par De la O (1992), pp. 61-62. Dans Dominick Salvatore (1994), " NAFTA and the EC : Similarities and Differences ", dans Fatemi Khosrow et Dominick Salvatore (eds.), The North American Free Trade, Oxford, Pergamon, p. 24, l'auteur ajoute à ces arguments celui de la certification de l'irréversibilité des réformes économiques et politiques mexicaines, engagées depuis le début des années 80 dans un processus de libéralisation. Cette garantie est d'un grand intérêt pour les firmes américaines, qui se prémunissent ainsi des nationalisations imprévues ou du protectionnisme commercial indu. Chez d'autres auteurs, comme Ntoko (1995), p. 781, qui représente bien le point de vue le plus généralement admis, c'est surtout la perspective d'attirer des capitaux étrangers qui motive le Mexique dans son adhésion à l'Accord.

[18]. C'est notamment le point de vue de Szekely et Vera (1995). Chez d'autres auteurs, le même argument est repris, mais sans être spécifiquement à l'avantage du Mexique. Il s'agit de l'idée de l'Accord comme " tremplin " vers l'intégration économique de l'ensemble du continent. Voir, par exemple, Dornbusch (1991), p. 74. Chez un auteur comme Zinser (1994), p. 126, le Mexique voit dans l'ALÉNA un moyen de participer à la prospérité économique de l'Amérique du nord, tout en se posant comme un partenaire privilégié du géant américain, face à ses voisins du sud. Ici, ce n'est plus l'argument du " tremplin " qui prévaut, mais plutôt celui du " levier " : l'ALÉNA comme outil de développement économique et comme pouvoir de négocier dans les relations du Mexique avec le reste de l'Amérique latine. Ntoko (1995), p. 771, parle quant à lui de

" désolidarisation " du Mexique des pays du sud du continent, pour souligner son intégration au cercle des pays du centre. Cette intégration, craint l'auteur, ferait du Mexique une plate-forme d'exportation vers les pays industrialisés (p. 772). C'est également le point de vue d'Anderson (1993).

[19]. Pour une analyse de la position du patronat mexicain face à l'ouverture commerciale, consulter Alba-Vega (1991), pp. 111-118. L'auteur divise les secteurs d'activités économiques en plusieurs groupes et sonde l'attitude de chacun. On y retrouve principalement les entreprises transnationales (très favorables), les chefs de grandes entreprises (très favorables), les chefs de petites et moyennes entreprises (positifs), les micro et petites industries (craintes) et les producteurs des secteurs de l'élevage et de l'agriculture (craintes dans les zones d'activités les moins modernisées).

[20]. C'est notamment l'analyse de Gutiérrez Haces (1995), p. 97 : " L'ALÉNA a été annoncé, négocié et finalement promulgué dans un contexte de grandes attentes et de messages d'optimisme qui reflèten le besoin de la société civile mexicaine de croire que l'Accord pourra provoquer des changements substantiels et positifs dans la vie quotidienne. " À cela, Lustig (1996) ajoute qu'il est désormais de la tâche imminente de l'État mexicain de donner suite à ces promesses, afin de désamorcer d'éventuels mouvements socio-politiques de contestation du processus économique en cours, qui pourraient survenir à l'exemple du mouvement zapatiste. Nora Lustig suggère que l'État mexicain rappelle, par exemple, l'engagement commercial américain à l'égard du Mexique et la promesse de croissance économique qui lui est liée.

[21] . En terme de pourcentage de variation du revenu réel, les chiffres calculés par des études économétristes varient aux alentours de 0,1 à 4,9%, avec une moyenne approximative de 0,3% pour le Canada et les États-Unis. Le Mexique, quant à lui, gagnerait de 0,1 à 6,4% de revenus réels additionnels, avec une moyenne approximative de 3 à 4%. Sources : Brown, Deardorff et Stern (1992a.b), Cox et Harris (1992), Sobarzo (1992), Watson (1993a). Note : Les auteurs ne périodisent pas leurs estimations, c'est-à-dire qu'ils donnent des chiffres absolus.

[22] . Cette thèse de l'Accord " non-incitatif " à la délocalisation est clairement articulée chez des auteurs comme Hinojosa-Ojeda et Robinson (1992), qui ont collaboré à différentes études commandées par le United States International Trade Commission (USITC); ainsi qu'un auteur canadien du C.D. Howe Institute comme Watson (1994).

[23] . Les estimations économiques standards calculent que la productivité d'un employé mexicain est d'environ 25 à 40% celle d'un travailleur américain. Voir Watson (1993a) et Kehoe (1992), qui insistent sur ce fait pour expliquer que les entreprises nord-américaines ne se relocaliseront pas toutes au Mexique, car certaines ont besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée et productive. Ainsi, selon ces analyses, qui réflètent un point de vue dominant chez les spécialistes de l'ALÉNA, la rémunération de la main-d'oeuvre n'est pas un coût de production déterminant pour certaines firmes. D'autres facteurs ont priorité sur les salaires, comme par exemple la qualification de la main-d'oeuvre, l'efficacité des fournisseurs, ou encore l'accès à des infrastructures modernes, aux technologies, à des services sophistiqués et aux capitaux. On retrouve ce type d'argumentation chez les théoriciens des politiques stratégiques, comme Michael Porter et Paul Krugman.

La question de la productivité de la main-d'oeuvre mexicaine constitue en soi un débat. Les opposants à l'ALÉNA invoquent, chiffres à l'appui, que cette productivité est presque équivalente dans les trois pays. Au Mexique, elle représenterait environ 80% de la productivité moyenne de la main-d'oeuvre américaine ou canadienne (oeuvrant, par exemple, dans le secteur automobile). Voir l'étude du Congrès du Travail du Canada (1992), p. 13, qui se fie sur des chiffres provenant du département du Travail américain et l'Economic Policy Institute (sans préciser quels documents). Pour le CTC, il est clair que l'ALÉNA occasionnera des déplacements d'entreprises et d'investissements vers le Mexique, ainsi que des pressions à la baisse sur les salaires canadiens et américains. De plus, le Congrès considère que les répercussions positives de l'Accord sur l'économie mexicaine sont hypothétiques; leurs effets sur les conditions de travail mexicaines sont également loin d'être bénéfiques, étant donnée l'" énorme réserve de main-d'oeuvre " disponible, la faiblesse des syndicats et la nature autoritaire du régime politique en place.

[24] . Lire Watson (1994), qui insiste particulièrement sur l'aspect statique de l'Accord, qui n'inciterait pas les firmes à se relocaliser et ne se traduirait pas non plus par une hausse spectaculaire du commerce régional. Avec un auteur de cette catégorie, on peut parfois se demander ce qui justifie son appui à l'Accord, si aucun changement significatif ne peut y être associé.

[25] . Sur l'inutilité de protéger les secteurs considérés comme non-compétitifs, consulter des auteurs du National Bureau of Economic Research (NBER), comme Leamer (1992), ou encore Weintraub (1992b), de l'université Austin (Texas). Parallèlement à cette thèse de la compétitivité, plusieurs auteurs rappellent que des programmes gouvernementaux pourraient être mis en place afin de faciliter le déplacement des travailleurs. Sur cette proposition de prêter assistance aux travailleurs déplacés, consulter par exemple les travaux de Hinojosa et Robinson (1992); Hufbauer et Schott (1993b), pp. 128-129, ainsi que l'ensemble des textes critiquant l'Accord. À l'heure actuelle, seuls les États-Unis bénéficient d'un programme spécial d'assistance aux travailleurs déplacés par le commerce (le NAFTA Transitional Adjustment Assistance program, mis sur pied par le département du Travail ). La main-d'oeuvre rurale, non couverte par des programmes d'assurance-chômage, est particulièrement visée par cette mesure protectrice. Ce programme n'est pas le premier du genre, il fait suite à une première mesure politique d'assistance aux travailleurs déplacés par le commerce (Trade adjustment assistance, TAA) instaurée en 1962. Voir Weston (1993), du North-South Institute canadien, qui fait un bon décompte des différentes politiques sociales canadiennes et américaines et des problèmes que posent leur maintien dans un contexte d'économie ouverte. Lire aussi Rosen (1993), pp. 22-37, pour une analyse objective sur les types de travailleurs qui auraient tendance à être déplacés dans le cadre de l'ALÉNA, ainsi qu'une description des différents programmes d'assistance existant aux États-Unis. Du point de vue canadien, lire Finbow (1993). Voir également Friedman (1992b), économiste à la AFL-CIO, qui considère que les mesures de TAA sont insuffisantes et qu'elles nécessitent un certain nombre d'améliorations. Ces améliorations sont réunies en suggestions soumises par la fédération, dans Friedman et McDonald-Pines (1993), pp. 71-72 et 88-90.

[26]. Les estimations économiques concernant les impacts de l'ALÉNA sur l'emploi sont très peu homogènes. Elles varient entre 0,6 et 4,9% (en pourcentage de variation), pour le Canada. Source : Brown, Deardorff et Stern (1992b). Elles se situent entre -0,002 et 1,7% pour les États-Unis. Sources : Brown, Deardorff et Stern (1992b), Hufbauer et Schott (1993b). Pour le Mexique, les estimations apparaissent plus homogènes. L'emploi varierait de 0 à 5,1%, avec une moyenne approximative de 1%. Sources : Brown, Deardorff et Stern (1992b), Hufbauer et Schott (1993b), Sobarzo (1992). Selon Sobarzo (1992), p. 93, les salaires mexicains verraient une augmentation de 16,2%. Selon l'Institute for International Economics, cette croissance serait de l'ordre du 8,7% au Mexique et de 0 aux États-Unis (Hufbauer et Schott, 1992, p. 58). De l'ensemble de ces résultats, on voit que les estimations les plus optimistes concernent le Mexique, et qu'un quasi-consensus se dégage pour prédire que l'impact de l'ALÉNA sur l'emploi et les salaires canadiens et américains est soit nul, soit légèrement négatif. Une étude originale portant sur la perception des effets de l'Accord et réalisée par Nicholson et al. (1994), pp. 73-74, montre, à partir d'un questionnaire distribué à des étudiants en commerce et des chefs d'entreprises mexicains et américains, que l'ensemble des répondants estiment que l'Accord aura un effet très positif sur l'emploi mexicain. Les expectatives sur l'emploi américain sont plus hétérogènes. Elles sont négatives du point de vue des répondants américains et positives chez leurs-vis-à-vis mexicains. D'une façon plus générale, d'autres auteurs comme Blumenfeld et Partridge (1996), p. 149, estiment l'impact de la libéralisation du commerce sur les salaires des travailleurs syndiqués de la manière suivante : sur le court terme, les effets seraient négatifs et sur le long terme, le commerce aurait peu d'effets sur les variations salariales. Ces indications nous semblent assez bien résumer la perspective avec laquelle les économistes libre-échangistes traitent du marché du travail dans le cadre de l'ALÉNA, c'est-à-dire, des ajustements à court terme et peu de variations, sinon légèrement positives, dans le long terme.

En terme des chiffres absolus, Hufbauer et Schott (1993b), p. 58, estiment que l'ALÉNA créerait 130 000 emplois aux États-Unis et 609 000 au Mexique. Ces chiffres sont représentatifs de l'ensemble des estimations entrevues. Par exemple, le Massachussetts Institute of Technology prédit une création d'emplois américains de l'ordre du 150 000 (RIT, 1994, p. 129). Une exception à cet optimisme doit être faite pour des estimations issues de l'université Berkeley. Raul Hinojosa-Ojeda et Sherman Burfisher y ont évalué négativement l'impact de l'Accord sur l'emploi américain : 234 000 emplois seraient perdus, tandis que 273 000 emplois seraient créés au Mexique (chiffres cités dans Hufbauer et Schott, 1993b, p. 58). Note : les auteurs font des estimations absolues, c'est-à-dire qu'ils ne périodisent pas leurs estimations.

[27]. À un niveau mondial, plusieurs auteurs rappellent que le Mexique n'est pas le seul pays avantagé en terme de faibles coûts de la main-d'oeuvre. D'autres pays verraient leur productivité s'accroître au courant des prochaines décades. Ainsi, le Canada comme les États-Unis, ne doivent pas " entretenir " leurs industries à forte main-d'oeuvre, car cela les obligeraient à hausser constamment leurs tarifs pour les protéger. Watson (1993a), p. 2 : "There are many countries in which wages are lower than those in Mexico and in which labor productivity will rise at least as quickly. Without aggressively raising its own tariffs, Canada is unlikely to have a future in these industries. Staying out of the NAFTA will not alter this fact. The policy challenge, therefore, is to help those Canadians hurt by the inevitable decline of labor-intensive industries and to ensure that all Canadians receive a fair share of the gains from trade." Voir aussi Hufbauer et Schott (1993-1994) et Weintraub (1992b).

[28] . Lire à ce sujet un extrait explicite de l'article de Nicholson et al. (1994), p. 68 : "NAFTA will provide for extensive rationalization of production and services across a broad spectrum of industries. U.S. capital, technical know-how, systems organization and entrepreneurship will combine with low-cost Mexican labor and ressources, creating an array of new ventures which will launch globally competitive products internally, as well as in international markets." Voir aussi Batres (1991), p. 81 : "The bottom line of a free trade agreement for the United States and Mexico -- and eventually all of the Americas -- is economic competitiveness and growth."

[29]. Le siège canadien de l'opposition à l'ALÉNA est surtout concentré dans un institut de recherche, le Canadian Centre for Policy Alternatives. Dans celui-ci, les travaux de Campbell, (1993b) et Grinspun (1993) sont les plus polémiques, car ils font de l'analyse économique à travers des partis-pris politiques clairement anti-libéraux.

[30]. Sur le retour de l'État-providence, voir par exemple Campbell (1993a.b), Koechlin (1993), ou encore MacDonald (1994).

[31]. L'option du libre-échangisme prudent est bien argumentée par des auteurs comme Faux et Lea (1993), de l'Economic Policy Institute, Stanford (1993a.b), collaborateur à la fois au Brookings Institution et au Canadian centre for Policy Alternatives, ainsi que Stanford, Elwell et Sinclair (1993).

[32]. Voir note 44.

[33]. Grâce à un modèle " historique " comparant l'accession du Mexique à l'ALÉNA à celle de l'Espagne et de l'Irlande à la CE, Koechlin et Larudee (1992) considèrent que d'ici l'an 2000, de 290 000 à 490 000 emplois américains disparaîtraient, tandis que des investissements de l'ordre de $31 à 53 milliards U.S. se dirigeraient vers le Mexique. La méthode historique a été popularisée dans le débat sur l'ALÉNA par Hufbauer et Schott (1993b), qui usent de cette même technique pour des résultats opposés. Selon une autre étude non économétriste se basant sur la correspondance entre l'influx de capitaux et l'emploi créé, Cypher (1993) estime les pertes d'emplois américains à 220 000 de 1993 à 1997 et la création d'emplois mexicains à 500 000. De la AFL-CIO, les pertes d'emplois américains sont estimés par Friedman (1992b) à 500 000.

[34]. Les travaux de Stanford portent sur le Canada. Stanford (1993b) expose son modèle. Il y estime que l'ALÉNA occasionnerait des pertes d'emploi de l'ordre des 30 000 emplois, une baisse moyenne des salaires annuels de $500 et un déclin de l'investissement étranger allant jusqu'à $5 milliards canadiens. Sur le plan théorique, les travaux de Stanford, Koechlin et Larudee sont extrêmement intéressants, car ils expliquent méthodiquement en quoi les modèles en équilibre général (CGE, modèles statiques) simplifient problématiquement la réalité, en étant incapables d'intégrer des indicateurs tels que l'investissement et le chômage. Pour une critique non-économétriste de ces modèles , voir aussi Faux et lea (1993), pp. 98-100.

[35]. Campbell relève que du mois de décembre 1988 au mois d'août 1993, le taux de chômage canadien est passé de 7,5 à 11,3%. Pendant cette même période, environ 560 000 emplois auraient été perdus. Campbell considère que la majeure partie de ces pertes d'emplois est dûe au traité de libre-échange de 1988. Le problème que nous avons à utiliser cet auteur consiste en l'argumentation employée : Campbell ne peut démontrer ce qu'il affirme, tout comme, le rappelle-t-il lui même, les économistes ne peuvent prouver que les pertes d'emplois ne sont pas reliées au libre-échange. Il nous semble que cette justification est un peu faible. Selon une autre étude (Conroy et Glasmeier, 1992-1993), 460 000 emplois auraient été détruits au Canada entre 1989 et 1991. Pendant ce même laps de temps, les emplois créés auraient atteints les 360 000, ce qui porterait la perte nette d'emplois à 100 000.

[36]. Friedman (1992a) utilise le terme de " maquiladorisation " du Mexique, pour illustrer un processus selon lequel le Mexique étendrait la politiques des bas salaires et de la faible syndicalisation à l'ensemble des travaileurs mexicains. Dans les maquiladoras, 10 à 20% des employés sont syndiqués, comparativement à 90% des travailleurs des firmes industrielles employant plus de 25 salariés, et 30 % de l'ensemble des travailleurs mexicains (Pastor, 1992). Anderson (1993), de la AFL-CIO, emploie les mêmes termes en expliquant que le Mexique deviendrait essentiellement une plate-forme d'exportations pour les firmes américaines, s'il exploitait uniquement son avantage comparatif consistant en de bas salaires. C'est ce que craint également Ntoko (1995). Pour une historique peu critique mais informative des maquiladoras et de leur importance dans l'activité économique mexicaine, lire Gereffi (1992), un auteur qui estime que l'ALÉNA provoquerait une " démaquiladorisation " du Mexique, la zone franche s'étendant à tout le pays, et une " maquiladorisation " des Caraïbes. Voir aussi une courte étude économique du parlement canadien réalisée par Beaumier (1991), qui indique que l'ALÉNA encouragerait l'investissement et les délocalisations vers le Mexique.

L'exemple des maquiladoras, ces usines d'assemblage en zone franche, est fréquemment utilisé pour renforcer l'argument selon lequel le libre-échange n'amènerait pas nécessairement une amélioration des normes de travail mexicaines. Avec les maquiladoras et malgré une forte croissance de l'activité industrielle aux frontières mexicano-américaines, il n'est pas sûr que des retombées économiques positives pour le Mexique se soient observées, car très peu de matériel est acheté au Mexique (lieu d'assemblage). Les maquiladoras recouvrent 2000 usines à la frontière et emploient près d'un demi-million de mexicains, payés à moins d'un dixième du salaire qu'obtiendrait un Américain pour le travail accompli. Les produits provenant des maquiladoras représentent 40% de toutes les exportations mexicaines vers les États-Unis, et 80% des exportations de produits finis, en 1990. Ainsi et pour revenir à notre assertion de départ, les maquiladoras seraient un exemple d'une augmentation substantielle de l'activité industrielle qui ne se soit pas traduite par un accroissement des niveaux de vie, mais plutôt par une exploitation de ces niveaux de vie. Source : CTC (1992), p. 4.

[37]. Au Mexique, le seul syndicat autorisé par le parti au pouvoir est la Confederacion de Trabajadores Mexicanos, qui n'est pas considérée comme une union indépendante. Voir Weintraub et Gilbreath (1993) et Pastor (1992) sur la question du syndicalisme mexicain. Lire aussi Zinser (1994), pp. 124-125; Vanderbush (1996), p. 80 et Zamora (1993), pp. 432-433.

[38]. Voir à ce sujet Faux et Lea (1993) et Campbell (1993b).

[39]. L'argument selon lequel l'ouverture économique se traduit par une pression accrue sur les politiques sociales nationales est bien développé chez Boismenu (1993), Campbell (1993a.b), MacDonald (1994) et Stanford et al. (1993).

[40] . S'ajoutant à la fiscalité, les contributions des employeurs pour l'assurance-chômage et les compensations pour travailleurs pourraient également être révisées à la baisse. Voir Betcherman et Gunderson (1990), p. 459, et Gunderson et Verma (1992), pp. 64-68, qui rappellent toutefois que les contributions fiscales des firmes américaines et canadiennes sont assez semblables (une différence de quelques points de pourcentage). Les auteurs estiment (avec des chiffres du département du Travail américain), que les contributions des firmes américaines aux régimes de protection de la main-d'oeuvre (les coûts de compensation) sont de l'ordre du 26%, comparativement à 22% au Canada. Ils rejoignent ici l'argument selon lequel les firmes américaines pourraient considérer qu'il s'agit là de subventions " cachées " aux entreprises, et donc faire pression pour que ces coûts de compensation soient augmentés au même niveau qu'aux États-Unis. Leur thèse demeure cependant de souligner que les principaux effets du libre-échange sur les relations industrielles sont indirects, à travers les pressions qui seront faites pour harmoniser les lois de travail, plus exigeantes au Canada qu'aux États-Unis.

[41] . Au sujet de la mise en question des programmes sociaux, lire l'extrait suivant provenant de Boismenu (1993), p. 5 : " La section sur les services accepte le libre-échange dans la gestion des services sociaux et de santé. Dans un contexte où ces services, qui sont contrôlés par les institutions publiques, mais dont certaines prestations sont confiées en sous-traitance à des institutions indépendantes, ils deviennent objet de commercialisation au-delà des frontières. D'autre part, la notion de subvention reste imprécise. Elle laisse place à une grande ambiguïté car les décisions à venir concernant les subventions (...) pourraient faire en sorte que certaines mesures sociales soient interprétées comme des avantages discriminatoires. "

[42] D'ailleurs, Betcherman et Gunderson (1990) indiqueraient à ce sujet que les firmes américaines feront pression pour augmenter la contribution des firmes canadiennes au système de protection sociale, et non le contraire, afin de corriger les écarts qui existent à ce chapitre.

[43] . Ricardo Grinspun et Bruce Campbell, tous deux issus du Canadian Centre for Policy Alternatives, bastion de l'anti-libéralisme, invoquent souvent l'idée de " complot néo-conservateur " au sujet du libre-échange. Lire, en bon exemple, Campbell (1993a), p. 66 : "The Conservative government and its corporate backers came into power with an agenda to dismantle the Canadian social contract (...) and the supporting tax structure, and remake it in the image of the leaner, meaner neighbor to the south. (...) The Conservative government had no political mandate to change it. Instead the Conservative used the FTA as central tool to carry out their agenda through the back door." Ces auteurs ont raison, lorsqu'ils remarquent que l'impact essentiel de l'ALÉNA sera une restructuration des économies régionales. Néanmoins, il ne s'agit pas d'un complot, puisque c'est l'objectif clair de l'Accord, comme le soulignent particulièrement les économistes en faveur de l'ALÉNA.

[44]. Les effets de l'ALÉNA sur les relations de travail sont analysés par des auteurs comme Gunderson et Verma (1992, 1993), et Gunderson (1993), qui exposent surtout le point de vue canadien et livrent une très bonne revue de littérature sur la question. Pour un survol succinct des différentes problématiques reliées à l'intégration économique et les relations de travail, voir aussi l'ouvrage général de Bognanno et Ready (1993). Bien que critique sans être alarmiste, Gunderson (1993), p. 10, souligne que les liens entre libre-échange et harmonisation négative des lois portant sur le travail ne sont pas concluants. Moins critique, l'article de Gilles Trudeau (1991), " L'impact de l'accord de libre-échange canado-américain sur les relations de travail au Québec et leur encadrement juridique ", La revue juridique Thémis, 25 (2-3), pp. 279-320, s'inscrit dans la même problématique, mais il se concentre sur les relations industrielles québécoises. Il indique que les effets du libre-échange se ressentiront surtout au niveau de la négociation collective, par laquelle le patronat disposerait maintenant d'un argument persuasif (la délocalisation ou encore la comparaison des coûts de compensation accordés aux travailleurs). Pour le point de vue mexicain, on lira l'excellent article du juriste américain Ruhnke (1995), pp. 935 et suivantes, dans lequel l'auteur soutient que l'Accord modifiera les procédures par lesquelles les différends entre travailleurs et patronat mexicains étaient arbitrés, en établissant une instance trinationale à laquelle on pourra maintenant se référer. Pour le point de vue américain, lire Blumenfeld et Partridge (1996), qui étudient l'impact de l'Accord sur les négociations collectives et les salaires des travailleurs américains syndiqués. Les conclusions des auteurs sont qu'à court terme, l'impact est négatif et à long terme, il est insignifiant. Néanmoins, l'article présente l'intérêt d'être pourvu d'une solide bibliographie sur les liens entre commerce et salaires (p. 150).

[45]. Formulant bien le voeu de l'ensemble des auteurs critiques sur un État-providence renouvellé, Faux (1990), p. 379, écrit : "We need economic policies -- at the level of firm, industry, nation, and globe -- that can permit the orderly expansion of the world economy without ruinous competition based on low wages and low living standards."

[46] . Voir Robinson (1994), pp. 673-677, qui dresse une liste exhaustive des organisations populaires et syndicales s'opposant à l'ALÉNA. Comme nous ne donnons pas le détail des instituts de recherche (dont les principaux auteurs ont été présentés au chapitre précédant), en voici brièvement la composition : du côté canadien, le Canadian Centre for Policy Alternatives, le Science Council of Canada, le Centre for Research on Latin America and the Caribbean et le North South Institute. Du côté américain : le Economic Policy Institute, l'Institute for Policy Studies, le Centre for Ethics and Economic Policy et quelques autres qui sont moins connus. Source : Robinson (1994), p. 675. Enfin, au Mexique, seul le Réseau mexicain d'action face au libre-échange (RMALC) a pu nous fournir le nom d'un unique institut de recherche, le CILAS (Centre de recherches ouvrières et orientation syndicale).

[47]. Les membres du RCA sont également critiques sur le plan des politiques gouvernementales jugées néolibérales. Leurs membres sont au nombre de 52. Ils proviennent d'organisations provinciales, comme le RCA de Colombie britannique ou Solidarité populaire Québec; ou encore fédérales, comme le Canadian Environmental Law Association, le Canadian Labour Congress, le Canadian Centre for Policy Alternatives, le Latin American Working group ou encore des syndicats sectoriels ou nationaux comme la Confédération des syndicats nationaux. Voir un des documents du RCA pour un décompte exhaustif, par exemple, RCA (1993a), p. 59.

[48]. Le Conseil des Canadiens fait partie du RCA, il regroupe aussi bien des libéraux que des néo-démocrates et rassemble surtout des artistes, des éditeurs et plusieurs professionnels de l'industrie de la culture. Common Frontiers est subventionnée par RCA. Elle travaillait initialement sur les effets du libre-échange sur l'économie mexicaine et l'implication des entreprises canadiennes dans les maquiladoras.

[49]. Le Réseau agit sur la scène provinciale mais construit également ses réseaux trinationaux (principalement avec des organisations mexicaines, dont le RMALC). Le Réseau regroupe environ 8 groupes syndicaux et non-syndicaux, dont la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ), l'Association québécoise de coopération internationale (AQOCI), et quelques organisations de coopération internationale membres de l'AQOCI. En font partie : l'Association médicale pour l'Amérique latine et les Caraïbes (AMALC), le Centre d'études et de documentation d'Amérique latine (CÉDAL), CUSO-Québec et Développement et paix. Le Réseau travaille parfois en collaboration avec des membres de deux groupes de recherche universitaire, Continentalisation de l'Université du Québec à Montréal et le GRETSÉ de l'Université de Montréal. Source : CQNT (1993b), p. 3 et CQNT, ALÉNA, un enjeu électoral, pamplet, non répertorié, 15 p.

[50] . Par ailleurs, les modifications successives apportées au nom du Réseau montrent bien l'évolution du regroupement, qui ne se définit plus comme étant opposé au libre-échange, contrairement aux grandes coalitions canadiennes (RCA). À sa naissance, en 1986, le Réseau portait le nom de " Coalition québécoise d'opposition au libre-échange " (CQOLE). En 1991, il a été rebaptisé " Coalition sur les négociations ", puis, quelques temps après " Coalition québécoise sur le négociations trilatérales " (CQNT). C'est en novembre 1995 que le Réseau a pris son nom actuel, signifiant par ce fait l'adoption d'un agenda de travail axé sur la contruction d'un réseau social régional et hémisphérique, afin d'anticiper l'extension éventuelle de l'ALENA à de nouveaux partenaires. Voir RQIC (1995).

[51] . FTC, MODTLE, ART, CTC, Coalition for Fair Trade and Social Justice et Federation for Industrial Retention and Renewal.

[52]. En voici la rapide mais mouvementée petite histoire. Fair Trade Campaign (FTC), qui a été créée lors de l'Accord de libre-échange de 1989, a contribué à la mise sur pied d'une autre organisation, la Mobilisation sur le développement, le commerce, le travail et l'environnement (MODTLE, 1991) qui a alors chapeauté l'ensemble des groupes opposés à l'ALÉNA et initié la création de la coalition que l'on connaît aujourd'hui. Les membres de MODTLE les plus actifs au Congrès ont créé en 1991 le CTC (Citizen's Trade Watch), un groupe de protection des consommateurs. Puis, MODTLE s'est rebaptisé Alliance for responsible trade (ART). L'ART joue le rôle de rassembleur des groupes populaires américains de tous genres, partageant une vision alternative du développement social. CTC est principalement un groupe de lobbyistes représentant les consommateurs américains et certains groupes engagés comme le Public Citizen de l'activiste Lori Wallach. Source : Robinson (1994), pp. 677-679. Sur le rôle des syndicats américains lors des consultations nationales sur l'ALÉNA lors des élections présidentielles, lire Jennings et Steagall (1996).

[53]. Robinson (1994) rappelle que la crédibilité des campagnes anti-libre-échangistes américaines ont té affaiblie par le fait que l'aile extrêmiste du parti Républicain (représentée par Ross Perot et Pat Buchanan) a également milité contre l'ALÉNA. Au Canada, il n'y eut pas cette affiliation discréditante des partis conservateurs aux groupes d'opposition. Aux États-Unis, cette tendance politique et les groupes sociaux ont mis en commun les mêmes préoccupations (peur de perdre des emplois), en repoussant les antagonismes de droite ou gauche. Résultat : aux États-Unis, le public eut droit à une critique d'allure beaucoup plus conservatrice qu'au Canada. Au Canada et au Mexique, l'opposition au libre-échange a été affiliée à des partis politiques progressistes, le PRD mexicain et le NPD (parti néo-démocrate) ontarien. Voir, pour une analyse des positions du NPD, Trautman (1994), qui souligne la perte de souveraineté nationale et l'érosion du processus de consultation démocratique auquel s'expose le Canada en adhérant à l'ALÉNA. Pour l'opposition politique mexicaine au libre-échange, lire Zinser (1994), p. 124.

[54]. Dont le CILAS, le Courant démocratique du syndicat national des travailleurs de l'éducation, la Commission syndicale du Parti de la Révolution démocratique, la Commission syndicale du Parti révolutionnaire des travailleurs, Equipe pueblo, le Front authentique du travail, Frontières communes... etc. Voir RMALC (1991), p. 6. Lire aussi Ambruster (1996), pp. 77-86, pour une liste des organisations sociales mexicaines actives dans l'ensemble de la région nord-américaine.

[55] . Lire Zinser (1994), pp. 124-125, au sujet de la position des groupes sociaux mexicains ainsi que celle des partis politiques critiques. Voir aussi Vanderbush (1996), p. 80, sur l'ambivalence des groupes mexicains à prendre position sur la question du libre-échange. Enfin, l'excellent article de Zamora (1993), pp. 432-433, livre une analyse intéressante du rapport partenarial entre l'État mexicain et les syndicats officiels.

[56]. Lire à ce sujet l'extrait suivant de Heredia (1994), p. 37 : "If the trade pact keeps the international spotlight on the Mexican political system, the domestic agents of democratisation will be able to operate more effectively in cleaning up Mexican politics. That would certainly be an unintended effect of NAFTA that even its most ardent opponents would be prepared to welcome."

[57]. Lire à ce sujet l'extrait suivant d'une déclaration du Réseau : " Nous, les organisations et les personnes qui avons décidé de former le Réseau mexicain d'action face au libre-échange, considérons qu'il est nécessaire que notre pays augmente son commerce international, mais jamais au dépends de la souveraineté nationale et du niveau de vie de ses habitants. " (RMALC, 1991, p. 2.) Consulter aussi CQNT (1993d), pour connaitre la position relativement favorables des groupes sociaux mexicains face à la ratification de l'Accord par le Mexique.

[58]. Au sujet des alliances sociales transnationales, Ambruster (1996) livre par ailleurs un tableau d'ensemble, couplé d'un bref historique, des différentes organisations actives dans la région nord-américaine.

[59] . L'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail a été signé le 14 septembre 1993 par les trois responsables gouvernementaux (Bill Clinton, Carlos Salinas de Gortari et Kim Campbell) dans leur capitale respective. Cet Accord vise essentiellement à encourager le maintien (et le développement, pour le cas du Mexique) de législation en terme de normes de travail élevées. Les trois objectifs généraux énoncés dans cet accord sont les suivants : " (i) améliorer les conditions de travail et le niveau de vie des travailleurs sur le territoire de chacunes des parties, (ii) encourager la coopération pour favoriser l'innovation et accroître les taux de productivité et de qualité, et (iii) promouvoir l'observation et l'application efficace, par chacunes des Parties, de sa législation du travail. " Par ailleurs l'accord sur le travail couvre onze principes relatifs aux droits des travailleurs, mais ne s'applique légalement qu'à trois d'entres eux : le salaire, le travail des enfants et la sécurité et l'hygiène sur les lieux de travail. Pour plusieurs auteurs, dont Stanford et al. (1993), Weston (1993) et Grinspun (1993), l'accord sur le travail est une entente purement formelle, qui ne garantit pas suffisemment une amélioration des standards sociaux de la région. Grinspun (1993), p.15, dit de cet accord qu'il ne serait qu'un faux-semblant : (...) "Face-saving set of unenforceable principles and inadequate institutions ". L'ANACT met en place une Commission trinationale du travail dévolue aux problèmes qui pourraient survenir par l'intégration économique à ce sujet. Dans un document étudiant les ententes parallèles (CQNT, 1993a), la CQNT décrit avec précision le fonctionnement de la Commission. Elle est composée d'un conseil ministériel et d'un secrétariat interne de coordination, qui réunit, publie des informations et coordonne l'ensemble des activités de la Commission. Chaque pays dispose également d'un Bureau administratif national (BAN), qui reçoit les plaintes, les analyse et les achemine (lorsqu'elles sont acceptées), au secrétariat interne. Le mécanisme contraignant prévu par l'Accord est effectif lorsque les pays concernés par un litige ne parviennent pas, par la consultation et le dialogue, à régler ce différend. Dans ce cas, et sur vote de deux membres sur trois du conseil, un groupe spécial fait enquête et propose un plan de correction. Enfin et au bout de toutes ces démarches administratives, si la correction n'est pas respectée, une compensation monétaire est exigée. Ces sanctions peuvent aller jusqu'à 20 millions $U. S. pour la première année et ne pourront pas dépasser 0,007% du total des échanges trinationaux de marchandises pour les années subséquentes. Voir le document du ministère des Affaires étrangères et du commerce international, sur les points saillants de l'accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (Canada, 1993d).

[60]. "The NAFTA side deals are very limited in scope, extremely cumbersome and under tight political control. Their effect in advancing environmental goals will be negligible at best, and labour will not be helped at all; collective bargaining, the right to strike and other basic labour rights are not even covered." ("NAFTA Side deals", Fact sheet #19 ,1 p., dans RCA (1993b).

[61] . Voir le rapport du Canadian Environmental Law Association (1993), qui regroupe plusieurs textes critiques sur cette problématique.

[62]. Voir le rapport de l'USTR (1993), qui souligne que le durcissement de normes environnementales au Mexique sera dissuasif sur les investissements intenses dans les maquiladoras, p. ES-5 : "Finally, NAFTA will remove the current artificial incentives which have intensified investment along the border through the maquiladora program. Without NAFTA, it is more likely that intense border investment will continue, which the attendant adverse environmental consequences for the border region."

[63]. Watson (1994), p. 3, compile les arguments environnementalistes contre l'ALÉNA, auxquels il répond point par point. Le principal élément de réponse fait par les auteurs favorables à l'entente est celui du laisser-faire. L'accroissement du niveau de vie des Nords-américains se répercuterait sur l'amélioration des standards environnementaux, car les individus, lorsque plus prospères, désirent vivre dans un environnement plus sain. Voir Globerman (1993) et Watson (1994).

[64]. Voir notamment CTC (1992), ART-CTC-RMALC (1993) et CQOLE (1986 et 1988).

[65]. C'est essentiellement la requête de ART-CTC-RMALC.

[66]. Consulter les publications de la CQNT et notamment RQIC (1995), pour une revue des propositions faites par l'organisation québécoise. Longtemps opposé a l'idée d'émettre toute plate-forme alternative a l'Accord, le RCA s'est néanmoins ravisé en 1993, pour produire plusieurs documents consacrés a l'exposé des propositions du Réseau national. Voir le texte de John Dillon "51 alternatives to NAFTA", dans RCA (1993a) pp. 8-11. Lire également Faux et Lee (1993), pp. 111-112 pour une description des propositions américaines provenant du MODTLE, qui mettent surtout l'accent sur un renforcement des conditions de travail (organisme des droits du travail régional, liberté syndicale, obligations pour les firmes de subventionner les infrastructures sociales, souscriptions aux traités internationaux sur les droits humains). Lire aussi Zinser (1994), pp. 120-122, pour une revue des propositions les plus intéressantes faites par l'ensemble des opposants à l'ALÉNA.

[67]. La politique fiscale canadienne pourrait être réformée de façon à limiter le déficit, qui, soutiennent le gouvernement canadien, limiteraient leur capacité de dépenser. RCA (1993b), Fact sheet #5 ("Debt and deficit"), 2 p., propose de de baisser les taux d'intérêts réels et d'augmenter les taxes aux entreprises. ACN se réfère à une étude de Statistique Canada (1991) pour dire que : 50% de la dette est dûe à la baisse de taxation des entreprises et des riches, 40% de la dette est dûe aux taux d'intérêts et 6% à la hausse des dépenses gouvernementales relatives au PIB (dont seulement 2% concernent les programmes sociaux). Depuis 1987, les firmes sont taxées à 28%, alors qu'elles l'étaient auparavant à un taux de 36%. Cela équivaudrait à une perte de revenus de $ 27 000 millions. Dans une autre publication (ACN 1994a, p. 4), la coalition souligne le fait que les dépenses sociales canadiennes sont de l'ordre de 18% du PIB. Aux États-Unis, elles comptent pour 14% du PIB. En Europe, la moyenne est de 25%. Ainsi, si le gouvernement hausse ses sources de revenu, il serait en mesure de maintenir son niveau de dépenses sociales, qui, relativement aux autres pays, n'est pas si considérable.

[68] . Sur la signature des ententes parallèles comme un compromis offert aux protagonistes du débat, lire Zinser (1994), p. 123 : " The parallel agreements drafted by the new leaders of Canada and the USA with the five year-old Salinas administration did not amount to a full and serious reassessent of the original agreement. They simply included minimum provisions for a limited protection of the environment and labour rights, designed to preserve the original text while at the same time pleasing NAFTA critics in the US congress so as to persuade them not to block the ratification of NAFTA. "

[69]. Toutefois, le nombre actuels de plaintes soumises à l'évaluation de la Commission du travail est trop faible pour que l'on puisse penser que c'est la stratégie active adoptée par les groupes sociaux et syndicaux. Il semblerait que l'on doive plutôt parler d'indifférence, ou encore de scepticisme notoire quant à la pertinence de recourir aux mécanismes de l'ANACT pour dénoncer les cas d'abus.

 

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